Ai achevé la lecture du pavé de Henri Wesseling intitulé Le partage de l'Afrique, et qui couvre la période 1880-1900 durant laquelle l'Europe est passée de la possession de quelques modestes comptoirs côtiers à une répartition complète du continent africain, Éthiopie et Liberia mis à part.
Ce livre est passionnant à plus d'un titre (histoire collective, histoires individuelles (un peu répétitivement présentées), négociations, etc.), mais j'y vois surtout, une fois de plus, l'infirmation des grandes fresques géopolitiques ainsi que des clichés sur cette époque: en réalité, la colonisation n'a jamais fait parti d'un grand dessein, mais a surtout été le fruit d'un manque d'imagination (que faire de notre puissance?) et d'un certain suivisme, une succession de hasards, et la passion d'un tout petit nombre, ni des élites traditionnelles ni des peuples. L'Angleterre en particulier ne tenait absolument pas à entretenir ce poste de dépense, et ne s'y est engagée qu'avec de nombreuses réticences: "Toute cette compétition dans le but d'acquérir des colonies a quelque chose d'un peu ridicule et j'aimerais que nous puissions éviter d'y participer" (Lord Granville, ministre britannique des Affaires étrangères).
La conclusion est révélatrice: "Il est étrange et même, d'une certaine façon, attristant que le colonialisme européen qui fut, selon les Africains d'aujourd'hui, tellement néfaste, ait revêtu aussi peu d'importance pour l'Europe elle-même". D'ailleurs, l'Afrique occupe toujours aussi peu de place pour nous; c'est un sujet qui n’intéresse que des cercles d'intérêts restreints, et qui ne fait absolument pas consensus: l'intervention en Centrafrique fera sans doute l'effet d'un révélateur, s'il en était encore besoin - et François Hollande se trompe de combat quand il croit être dans une phase de "capitalisation régalienne"*: on croirait entendre Jules Ferry cherchant inutilement à faire oublier l'Alsace-Lorraine, et se persuadant qu'une guerre contre des sauvages armés de sagaies suffit à restaurer la puissance.