lundi 22 septembre 2014

A l'est d'Erzurum

"A l'est d'Erzurum, la piste est très solitaire..."

Par paresse je cherchais la citation de Nicolas Bouvier* sur Internet au lieu de la recopier depuis le livre, et je suis tombé sur ce blog éphémère, que son auteur a dû abandonner quand il s'est rendu compte que ses seuls lecteurs étaient "des robot d'indexation Google"...

"(...) Au loin une rangée de peupliers dont les branches nues se découpent sur l'horizon crépusculaire. Je ne sais si c'est l'émotion de cette belle lumière propagée dans l'air glacé mais je me sens apaisé, ouvert: quelques gouttes de mélancolie dissoutes dans l'eau de mon corps.
Je reconnais ce sentiment. Il me fait vibrer à basse fréquence comme le son d'une corde. Pourtant je me sens moins aiguisé qu'à l'adolescence, quand mes cheveux étaient gras et que j'étais bassiste. Peut être que c'est ça grandir, s'émousser. On dit de moi que je suis spontané. On dit que j'ai l'esprit vif mais je peine à m'émouvoir."

"Son regard était clair, baigné d'instinct maternel. C'était ce qu'elle avait de plus beau ce regard sûr et affectueux et ses yeux bleus gris. Le regard d'une mère. Elle était belle. Je me réjouis du jour où je regarderais Lucile par-dessus la table du petit déjeuner dans un moment de lucidité trop rares au rythme de la vie moderne. Son regard léger du matin porté sur moi, les cheveux grisonnants, les rides au coin des yeux et des lèvres à force de sourires et le doux teint de peau des femmes de 40 ans."

"Je me souviens à midi du quai de gare ensoleillé exposé au vent frais, les vitres paysages tapissées d'une épaisse couche de poussière brune à travers lesquelles je reconnaissais sa façon de marcher, le dos courbé par un volumineux sac de randonnée. Nous nous souriions tout les deux, sans oser pleurer, sans savoir quoi faire de ce moment précieux. Tristesse effleurée. Lorsque le train s'éloignait j'étais presque surpris de la simplicité apparente de nos adieux. J'ai le sentiment aujourd'hui de n'avoir rien compris à ces moments, de n'avoir rien partagé de mes tristesses, pertes et solitudes.
A quoi sert l'amour sinon? On peut bien partager ses joies avec le cafetier. "