D'abord, Un thé à Istanbul* (prétentieusement sous-titré "récit d'une ville"), par Sébastien de Courtois. Le livre commence mal: "Je me dois à une certaine franchise. Lecteur, je t'écris d'une île. Oh, pas une des ces îles que l'on imagine en fermant les yeux et dont les reflets s'en vont avec la rosée"... On imagine déjà la Français istanbulolâtre qui va nous asséner mille clichés sur la "ville des villes"* ou le faufilement de l'appel à la prière au dessus des collines*. Pourtant, on se prend rapidement au jeu des rencontres et les phrases font écho à différents expériences vécues, impressions légitimes. Je ne sais pas si cela suffit pour en faire le récit d'une ville, c'est davantage le récit de la vie somme toute habituelle que j'ai connue aux amis français qui y résidaient: soirées à Beyoğlu, discussions avec quelques intellectuels (pas de moindres!), amitiés solides ou éphémères...
La réponse à cette interrogation se trouve dans un passage du livre (que je ne parviens à plus à retrouver), où l'auteur remarque, lors d'un dîner à Hong-Kong, que tous les invités semblent fascinés par le fait qu'il habite à Istanbul. C'est comme si la ville avait donné à son résident même temporaire un attrait particulier, comme s'il gardait encore sur lui quelques poussières de la légende, et comme si tout se qui s'y déroule, même des faits insignifiants, devait porter la marque de l'histoire et de l'éternité... On connaît la phrase de Napoléon que les Turcs répètent à l'envi* - mais pour en faire la capitale du monde, il aurait fallu commencer par ne pas en "renvoyer" toutes les minorités non-turques, et par laisser chacun vivre comme il le souhaite! "Il faudra cesser un jour de clamer la beauté d'Istanbul et son cosmopolitisme, me dit-il soudainement. C'est faux dans les deux cas. Istanbul n'est ni une belle ville ni cosmopolite!"