Dans la série des déceptions estivales, Naples... dont je me faisais pourtant une si grandiose idée! Monuments surprenants, portes gigantesques des palais (quelle humanité pouvait donc y loger?), églises décorées selon mon goût, certes, mais... La ville m'a semblé manquer de tout l'agrément de l'Italie, les habitants m'ont semblé apathiques, malheureux (écrasés par les soleil d'août? pourtant il ne faisait pas si chaud). Le linge qui pend, les crucifix fleuris, les klaxons, les cris, tout ce folklore napolitain sonne faux, sorte de comédie usée (qui consiste aussi à prendre l'étranger pour un crétin - mais c'est de bonne guerre).
Est-ce l'influence de la mafia qui couvre toute joie de vivre, la crise économique plus forte ici qu'ailleurs? La ville est restée pour moi mystérieuse, muette; on cherche en vain la civilisation et l'urbanité, et l'on ne voit qu'une population craintive, recluse dans ses cavernes. "Mes jugements me jugent"*, je le sais et je me précipite de dire que la saleté ou la pauvreté ne sont pas pour moi des critères de valeur (surtout en tant que touriste). Mais à quel voyageur peut réellement plaire ce désespoir, ce marasme?
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Tentative d'explication... Peut-être me suis-je moi-même considéré indigne des palais que j'envisage d’habiter, prompt à trahir dans l'énervement et le gâchis les promesses de mon passé, Napolitain vaincu, accablé de taxes secrètes, rêvant de richesses américaines, incapable de rompre sa propre "jettatura" (nouvelle de Théophile Gautier dont j'avais entamé autrefois une adaptation théâtrale)? Peut-être la ville m'a-t-elle simplement tendu un miroir? Et dans ce somptueux miroir noirci, moucheté, au cadre artistement travaillé, j'ai vu... une image que je n'ai pas pu soutenir.