Dans cette année 2011 riche en événements majeurs, à tel point que l'historien du futur y verra sans doute une de ces fameuses "années charnières" (bien plus, finalement, que 2001 dont nous avons collectivement exagéré l'importance), une "séquence d'événements" m'intrigue.
Entre mai et novembre, nous avons vu dans les pays méditerranéens (européens) d'abord les "indignés" de la Puerta del Sol, puis la chute des principaux gouvernements soit par les urnes (Espagne), soit par les "marchés" (Italie, Grèce). Je note aussi que dans ces deux pays sont apparus des "gouvernements de techniciens", un développement douteux dont il faudra suivre l'évolution (qui semble répondre au dégoût du politique, certes...).

L'impression paradoxale que cela me donne est que certaines des "indignations" - marché du travail fermé, népotisme et privilèges, spéculations diverses, incapacité du monde politique empêtré dans ses baronnies - ont été partagées aussi par les marchés, et que, au bout du compte, les indignés ont partiellement obtenu gain de cause dans l'affaire (quand on voit à quel point ils ont été moqués, au départ!). Mais le mouvement semble déjà lointain, à une époque où l'on rêvait encore d'autres options que l'austérité - si les indignés avaient su ce qui allait nous tomber dessus! (mais nous ne prêtions pas attention aux oiseaux de mauvais augure, pas plus que nous ne voulons les croire aujourd'hui).
Victoire précaire partagée par les indignés et par les marchés! Car contrairement aux apparences je ne considère pas le mouvement des indignés comme un mouvement uniquement anticapitaliste (à part quelques voix qui ont comme d'habitude occupé le haut du pavé): s'il en avait été ainsi, le mouvement aurait aisément été récupéré ou critiqué par les partis politiques. On me rétorquera que le mouvement "Occupy Wall Street" est encore vivace (même si l'hiver new-yorkais a dû y mettre un frein) - mais ce mouvement, non dirigé contre la sphère politique (celle de l'action) me semble une farce anecdotique par rapport à celui de la Puerta del Sol.
Je précise toutefois que je ne crois pas à un quelconque complot: j'ai plutôt l'impression que les gouvernements méditerranéens se sont effondrés d'eux-mêmes, par lassitude, par indifférence - le "goût tragique de la vie" qu'évoquait Houellebecq, si éloigné de l'éthique de responsabilité communément attribuée aux pays du Nord.