samedi 31 décembre 2011

Mille Francs-or

Durant une sieste réparatrice le rêve, influencé sans doute par le début prometteur des Papiers d'Aspern, qu'il serait possible d'aller vivre à Istanbul pour quelques années, avec moins de 1000€ (les 1000 Francs-or qu'il paye à la vieille logeuse pour le palais vénitien).
Tout cela est fort bien, mais qu'irais-je y faire?

mardi 27 décembre 2011

Dans le contemplation de la beauté...

Les vagues des générations successives, toujours prêtes à saper les plus formidables rochers, promises pourtant à une fin sableuse et moussue, à un inévitable recouvrement, au milieu des ordures, des algues, et d'informes méduses comme dernier témoignage.

Qu'on me dise que la mer finit toujours par triompher ne me réconforte pas. A court terme la terre l'emporte.

lundi 26 décembre 2011

A quinze ans du matin

"Le jour est éternel, et la pensée est fixe", écrit Paul Toussaint dans un de ses premiers poèmes, un texte fondateur pour lui. Voilà bien une idée de jeunesse, qu'il attribue pourtant au passeur Charon, le fidèle nocher des morts! L'illusion d'un temps qui ne s'écoule pas (ou pas assez vite) et d'un monde figé. Le mépris, la familiarité avec la mort. La recherche effarée du sens à donner à sa vie - hésitant entre les plus purs engagements (devenir poète, par exemple) et l'anéantissement résolu.
Préoccupations de l'homme de quinze ans! Le vieux Charon aurait bien ri à la lecture du poème, lui qui sait à quel point le jour est éphémère, la vie dépourvue de toute signification, et la pensée plus mouvante que le moindre effort pour la formuler.

Retour sur 2011 (2)

Et pendant que les pays européens se déchiraient, au point que l'édifice commun révèle sa nature fragile et temporaire, l'onde de choc du suicide d'un marchand de rue à Sidi Bouzid, habilement propagée (mais sans doute plus spontanée que je ne l'envisageais au tout début), a provoqué ces "révolutions" successives qui ont mis fin aux vieilles dictatures établies, Tunisie, Égypte, Libye (avec une aide que j'avais peut-être trop vite critiquée, et avec des conséquences qui demeurent à mesurer), aujourd'hui le Yémen, demain la Syrie. Même les Russes ne semblent plus avoir peur! (attendons cependant de voir comment la situation va évoluer de ce côté-là).

// Source: Common Creatives / Flickr / khalid Albaih

Retour sur 2011 (1)

Dans cette année 2011 riche en événements majeurs, à tel point que l'historien du futur y verra sans doute une de ces fameuses "années charnières" (bien plus, finalement, que 2001 dont nous avons collectivement exagéré l'importance), une "séquence d'événements" m'intrigue.
Entre mai et novembre, nous avons vu dans les pays méditerranéens (européens) d'abord les "indignés" de la Puerta del Sol, puis la chute des principaux gouvernements soit par les urnes (Espagne), soit par les "marchés" (Italie, Grèce). Je note aussi que dans ces deux pays sont apparus des "gouvernements de techniciens", un développement douteux dont il faudra suivre l'évolution (qui semble répondre au dégoût du politique, certes...).
L'impression paradoxale que cela me donne est que certaines des "indignations" - marché du travail fermé, népotisme et privilèges, spéculations diverses, incapacité du monde politique empêtré dans ses baronnies - ont été partagées aussi par les marchés, et que, au bout du compte, les indignés ont partiellement obtenu gain de cause dans l'affaire (quand on voit à quel point ils ont été moqués, au départ!). Mais le mouvement semble déjà lointain, à une époque où l'on rêvait encore d'autres options que l'austérité - si les indignés avaient su ce qui allait nous tomber dessus! (mais nous ne prêtions pas attention aux oiseaux de mauvais augure, pas plus que nous ne voulons les croire aujourd'hui).
Victoire précaire partagée par les indignés et par les marchés! Car contrairement aux apparences je ne considère pas le mouvement des indignés comme un mouvement uniquement anticapitaliste (à part quelques voix qui ont comme d'habitude occupé le haut du pavé): s'il en avait été ainsi, le mouvement aurait aisément été récupéré ou critiqué par les partis politiques. On me rétorquera que le mouvement "Occupy Wall Street"  est encore vivace (même si l'hiver new-yorkais a dû y mettre un frein) - mais ce mouvement, non dirigé contre la sphère politique (celle de l'action) me semble une farce anecdotique par rapport à celui de la Puerta del Sol.
Je précise toutefois que je ne crois pas à un quelconque complot: j'ai plutôt l'impression que les gouvernements méditerranéens se sont effondrés d'eux-mêmes, par lassitude, par indifférence - le "goût tragique de la vie" qu'évoquait Houellebecq, si éloigné de l'éthique de responsabilité communément attribuée aux pays du Nord.

vendredi 23 décembre 2011

Déclin industriel (2)

Ce sera avant tout le personnage de l'éditeur qui pâtira, plus que moi, du déclin du livre papier (qui survivra quand même - mais à un rythme ralenti). Doit on regretter cette perte? Son travail de sélection et de découverte était certes utile, mais les lecteurs du futur l'accompliront eux-mêmes, sans lui, à leur gré. Et chaque auteur pourra publier son "livre électronique" comme il le veut, et essayer de faire parler de lui en générant du buzz sur les blogs (sur les futures Brèves 3, par exemple?). Disparaîtra ainsi l'écrivain professionnel, bien sûr (mais en existe-t-il encore, à quelques exceptions près?)
De toute façon, si le livre est piraté gratuitement, peu importe qu'il y ait dix ou des millions de lecteurs - l'auteur ne sera plus qu'un ventre difforme, post-grossesse, déchiré par une césarienne virtuelle, personnage insignifiant derrière son clavier d'ordinateur, à qui ne restera que le loisir malsain de voir son œuvre vivre et grandir indépendamment sur les réseaux.
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Déclin industriel

Je vois le développement du kindle et autres liseuses électroniques comme une tragédie personnelle. Pour le développement de la lecture, je ne pense pas qu'en soi cela pose problème - même si j'avoue qu'à ce stade je préfère encore les livres de papier, que l'on garde sous la main, qui se présentent accidentellement à nous, qui s'accumulent de façon désordonnée mais significative (car ils nous décrivent), dont la rassurante présence sur les étagères nous raccroche à la vie et à la mémoire du monde.
Ce que je devine est que le livre électronique ne va pas tarder à être piraté sauvagement* (c'est tellement facile, léger!), et la littérature rejoindra la musique et les films dans le champ de ces arts qui n'engrangent plus d'argent, ou en tout cas dont le produit de base (l'œuvre) n'est plus le revenu principal. Ne se vendront plus que les bandes dessinées, les "livres d'éveil" (et encore!), ou quelques bouquins pour mamies écrits en gros caractères (les Musso, Lévy et autres), et demeureront bien quelques droits annexes, peut-être... en tout cas cela ne fera pas une industrie florissante. Parce que la technologie a mis plus de temps à évoluer, l'édition a bénéficié d'un sursis de 15 ans par rapport aux autres secteurs. Mais il ne reste plus beaucoup de temps. 
Et moi, j'ai laissé passer ce délai!

 
*: ce piratage sera incité également par l'absurde prix du livre électronique, auquel j'ai déjà rapidement fait allusion, exemple typique de sciage de sa propre branche de qui se moque-t-on?

jeudi 22 décembre 2011

Fédéralisme

Il faudrait continuer avec cette structure légère, l'alléger plus encore. Nous devons nous garder de vouloir devenir un empire* - ingérable, hors de tout contrôle, voué à l'échec. Les empires ne font rêver que "l'enfant amoureux de cartes et d'estampes"... C'est pour cela que je n'ai jamais prêté une oreille attentive aux élucubrations  cométoplannées des fédéralistes.
Et sommes nous déjà allés trop loin?



*: "ces constructions surdimensionnées projettent déjà l’ombre de leur destruction et sont d’emblée conçue dans la perspective de leur future existence à l’état de ruine." (W.G. Sebald, Austerlitz (cf post précédent: pour une fois on ne pourra me reprocher de ne pas faire ce que j'avais annoncé...))

dimanche 18 décembre 2011

Yolculuklar (2)

Oui, il faudrait tenir un journal plus précis de tous ces voyages, une relation méticuleuse! Il aurait fallu déjà le faire depuis longtemps... Prenons par exemple ce voyage en Syrie - contemporain de ces Brèves: comme tout cela me paraît proche, vivant, pas même de l'ordre du souvenir! Les portraits de Bachar el-Assad à chaque coin de rue, dans chaque boutique, l'espèce d'engourdissement en apparence bon enfant de cette société, (à qui manquent justement des "soupapes" telle que les consultations démocratiques, la liberté d'expression, l'alcool ou la fréquentation des femmes) - l'illusion d'une vie sereine, d'une entente possible à la longue (et nous y croyions!).
Ou les visages renouvelés d'Istanbul qui s'enrichit. Les improbables "cafés internet" où il fallait se rendre, au fond d'un village grec, des montagnes slovaques... Comme mes récits paraîtraient pittoresques, médiévaux, aux lecteurs du présent!

jeudi 15 décembre 2011

En mémoire

Je constate que le poète Paul Toussaint a enfin mis en ligne sa traduction du poème persan Afsaneh, traduction bien libre (car je doute qu'il comprenne quoi que ce soit au persan), qui me revient souvent en mémoire.
Et il a ajouté ce texte intitulé La mer calme - Poème, qu'il voyait comme "son bateau ivre",  ou "bateau gueule de bois", dans son habituelle posture ironique et indifférente vis-à-vis de sa propre existence.

dimanche 11 décembre 2011

Rien ne passe (Lefèvre-Deumier)

En fouillant dans mon ordinateur, j'ai retrouvé ce poème oublié, qui m'avait considérablement frappé il y a une dizaine d'années... Poème de Jules Lefèvre-Deumier, apparemment un des premiers à s'être essayé au poème en prose (ce dont la postérité ne lui a pas rendu gloire).


Rien ne passe


Nous nous faisons, en général, une bien fausse idée du temps. Nous l’accusons de nous ôter nos illusions, d’étouffer nos espérances, d’effacer nos regrets aussi bien que nos joies, d’effeuiller dans nos parterres nos fleurs les plus choyées, d’éteindre dans nos cieux nos plus belles étoiles. Nous nous trompons. Le temps n’emporte rien. Nos illusions, c’est nous-mêmes qui dépouillons leurs ailes, pour écrire avec leurs plumes une élégie sur leur perte ; c’est nous qui tuons l’espoir en l’embrassant ; c’est nous qui soufflons sur nos joies, qui tendons nos larmes au soleil pour qu’il sèche nos joues ; c’est nous qui saccageons nos fleurs pour en semer d’autres qui ne viendront pas ; c’est nous qui fermons les yeux pour nier les étoiles. Quant à moi, je n’ai rien perdu. Sous la surface glacée de ma source, l’eau vive coule toujours ; l’herbe est verte sous le givre de mon automne. Que me dites-vous que mes beaux-jours sont passés ? Ils ne sont pas morts, puisque je m’en souviens.


(Les Vêpres de l’abbaye du Val)

dimanche 4 décembre 2011

Austerlitz

The Economist, parmi d'autres, fait l'éloge de W.G. Sebald, "one of the foremost German writers of his generation". Je dois avouer que son roman Austerlitz m'était tombé des mains au bout d'une trentaine de pages (en voici un que j'aurais pu rajouter à la brillante liste évoquée il y a quelques semaines). Peut-être suis-je passé à côté de quelquechose*; il faudrait que je le retrouve dans les cartons de la cave.


*: je trouve dommage que le correcteur d'orthographe persiste à me souligner en rouge le mot "quelquechose", qui pour moi a une signification bien différente de "quelque chose", une signification plus large, indépendante de l'objet et de la "chose". Même s'il est incorrect en français, je pense que l'usage du mot groupé (notamment via l'abréviation "qqch")  va rapidement se généraliser - et en tout cas sur ce point je me permets d'imposer ma volonté.