samedi 15 mars 2014

Les cris aigus des filles chatouillées

En entrant dans le restaurant, et à la vue d'un groupe d'étudiants* attablés, j'ai eu la réminiscence d'une ébauche dont je n'arrivais plus à trouver la provenance: "les rires des filles chatouillées"... et je pensais à la beauté d'un sourire, aux promesses d'une épaule, à toutes les occasions perdues; les mots ne me quittaient pas - il fallut attendre le retour et compter sur les mérites de Google pour me rappeler qu'il s'agissait du Cimetière marin*:
"Les cris aigus des filles chatouillées,
Les yeux, les dents, les paupières mouillées,
Le sein charmant qui joue avec le feu,
Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,
Les derniers dons, les doigts qui les défendent,
Tout va sous terre et rentre dans le jeu!"

A vrai dire (puisque c'est ici l'objectif...), ce n'était pas une sensation triste, plutôt une nostalgie bienveillante*; je finissais par me convaincre que nous étions riches de toutes ces pommes non croquées** dont nous n'avons eu à déplorer ni l'acidité, ni les pépins, et dont la promesse jamais remplie maintient en nous l'appétit de vivre - sans compter celles dont nous nous sommes déjà nourris à différentes époques, ni celles qui poussent pour nous dans des jardins secrets, et dont nous aurons prochainement la jouissance.


PS: de Gracq, à propos du boomerang qu'on lui avait offert dans son enfance (quelques pages magnifiques*): "le savoir là, à l'abri, plein de ses virtualités toujours secrètes, suffisait à mon bonheur".