samedi 15 mars 2014

Sur Lawrence Durrell

Après tout, sa vie a été libre peut-être, mais en a-t-elle été pour autant heureuse? Hormis la période corfiote interrompue par la guerre, je ne vois que malheur et ennui (dans des postes ingrats, même à Alexandrie où il se lamente de ne pas y être à la bonne époque). Quant à son œuvre, si j'excepte bien sûr le Quatuor, les récits de voyage sont de gentils témoignages historiques d'un âge évanoui (celui de la précaire pax britannica, où des jeunes hommes comme lui, comme Patrick Leigh Fermor, comme peut-être beaucoup d'autres demeurés inconnus, pouvaient partir à l'étranger, et vivre de peu en écrivant), le Quintette d'Avignon est illisible, et sa poésie - d'après quelques articles rapidement glanés* - serait pesante et surannée.
Tous ses livres, finalement, vivent dans l'ombre infinie du Quatuor, et même son existence semble avoir pâti de ce succès.

*

Je n'ai pourtant pas encore tout lu, et notons au passage pour ne pas l'oublier la fin de son poème Conon in exile:

"Finally I am here. Conon in exile on Andros 
Like a spider in a bottle writing the immortal 
Of Love and Death, through the bodies of those 
Who slept with my words but did not know me. 
An old man with a skinful of wine 
Living from pillow to poke under a vine. 

At night the sea roars under the cliffs. 
The past harms no one who lies close to the Gods. 
Even in these notes upon myself I see 
I have put down women's names like some 
Philosophical proposition. 

At last I understand 
They were only forms for my own ideas, 
With names and mouths and different voices. 
In them I lay with myself, my style of life, 
Knowing only coitus with the shadows, 
By our blue Aegean which forever 
Washes and pardons and brings us home."