Je recopie l'extrait de poème évoqué hier, un fragment du Requiem écrit à 21 ans (à l'âge où j'écrivais de parfaites "niaiseries", quel temps perdu!). Je note que cinquante ans plus tard, dans la Semaison III (1995), le poème continue à hanter son auteur, qui souhaiterait avoir "le droit de réécrire autrement cette ligne (...) pour mieux rendre compte de la totalité de [son] expérience", mais je n'y vois rien à retrancher ni à modifier:
Repose-toi, souris sans remords :
ceux-là n'ont plus besoin qu'on les veille;
tout est bien.
Les fontaines tintent aux versants les plus hauts des montagnes ;
Il y a de grands arbres d'étoiles,
et les bergers se lèvent pour la bénédiction de l'espace.
Il faut dormir.
Il faut laisser aller ces morts comme une mère son enfant devenu grand,
non sans souffrir une pauvre amertume ;
mais s'il se peut, au moins,
qu'ils se reposent dans la paix,
au fil des tristes vals nocturnes
ouverts en éventail comme les lignes de la main.
ceux-là n'ont plus besoin qu'on les veille;
tout est bien.
Les fontaines tintent aux versants les plus hauts des montagnes ;
Il y a de grands arbres d'étoiles,
et les bergers se lèvent pour la bénédiction de l'espace.
Il faut dormir.
Il faut laisser aller ces morts comme une mère son enfant devenu grand,
non sans souffrir une pauvre amertume ;
mais s'il se peut, au moins,
qu'ils se reposent dans la paix,
au fil des tristes vals nocturnes
ouverts en éventail comme les lignes de la main.
Quelle maturité extraordinaire. Dire qu'il m'a fallu plus de trente ans et un enterrement pour comprendre ce genre de choses! Mais reconnaissons que l'époque (1947) devait forcer à quelque maturité; il ne s'agissait pas de s'amuser sur Twitter ni de jouer à dominer des mondes virtuels... C'était le message de Lefèvre-Deumier ("rien ne passe"), également, mais je n'avais rien compris à l'époque, rien creusé; je m'étais arrêté à la surface de la beauté.