vendredi 29 novembre 2013

Requiem

Je n'arrive pas à me persuader de sa mort. Cela m'est rendu encore plus impossible par les messageries, les vérificateurs d'orthographe qui me suggèrent sans cesse son nom. J'imagine qu'il me suffirait de faire quelques kilomètres pour lui parler en face. Elle est là.
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Dans un poème de jeunesse*, Philippe Jaccottet écrit "il faut laisser aller ces morts / comme une mère son enfant devenu grand" - cette image stupéfiante mérite qu'on s'y arrête.
Les morts sont nos enfants lointains, ceux qui sont allés étudier en ville, à l'étranger, qui ont construit leur vie ailleurs; leur présence "flotte" encore dans la maison, dans le fond des placards, dans la place vide d'une chambre, certes, mais ils sont partis; ils ne donneront plus de nouvelles, nous laissant "souffrir une pauvre amertume". Quand bien même ils nous entendraient encore, que leur importent nos nouveaux voyages, nos nouvelles rencontres?
Ils se sont détachés de nous, que leur importe que nous soyons attachés à eux? Nous leur avons donné tout l'amour que nous pouvions; il est désormais trop tard. Nous nous sommes enrichis à leur contact et, même si nous en porterons la marque jusqu'au bout, cela n'aura duré qu'un bref instant de notre vie.