Parfois, je rêve de villes assoupies dans une splendeur figée, dans l'air limpide de novembre, construites autrefois le long d'un estuaire dont j'arpente les rives. Je marche d'un pas immobile; ce sont les bâtiments qui avancent; les magasins fermés présentent successivement leurs grilles, leurs rideaux.
Soudain je survole la ville, je quitte mon propre corps, j'ai "la tête dans les nuages"; je me vois étranger à moi-même; je regarde avec incrédulité ce clandestin qui s'est aventuré si profondément dans l'épaisseur de la vie, parvenu à des succès dont jamais il n'aurait osé mesurer l'infime probabilité; et pourtant tous mes choix me semblent aussi absurdes que ce personnage que je ne reconnais plus, qu'engloutira bientôt une bouche de métro, une bouche d'égout, centre du monde autour duquel plus rien ne tourne.
Puis le tableau tourne, sans doute me suis-je retourné dans mon sommeil, et l'on passe à autre chose.
Puis le tableau tourne, sans doute me suis-je retourné dans mon sommeil, et l'on passe à autre chose.