Réaction décevante des parents - une de plus ! Mais qu'attendais-je encore d'eux? On se sent tout le temps jugé, critiqué, souligne Della Rovere. Il en a toujours été ainsi, mais c'était le mode normal de fonctionnement - et il m'aura fallu quinze nouvelle années pour comprendre que cela n'avait rien de "normal".
Mais je crois que ce jugement perpétuel, cette méfiance vis-à-vis de nous, ne vient pas d'un mauvais fond; c'est une sorte d'angoisse de ne pas réussir. Dans leur couple chaotique et mal assorti, pouvoir afficher de beaux enfants bien élevés ("bien dressés" préférerais-je écrire), est une sorte de fierté, de revanche sur la vie, de réconfort peut-être. Et comme chez tout parent (?), la hâte de se débarrasser du fardeau de la paternité, en ayant des petits-enfants. Ce doit être une libération, un aboutissement.
Que tout cela n'ait pas lieu doit les plonger dans la perplexité. On sent leur désarroi permanent, les comparaisons (ils doivent sans doute recevoir de leurs amis de nombreuses questions blessantes - blessantes pour eux). S'arrêter, profiter de la vie, envisager d'autres modes de pensées, penser à donner de l'amour plutôt que des leçons, tout cela n'existe pas dans cet ordre où, pour caricaturer (légèrement), le bonheur ne réside que dans la conformité. Rien de bon hors de la ligne. Tout ce qui dévie est un danger.... mais comme leurs valeurs sont déjà perverties par la modernité, cela ne s'effectue pas au nom de l'ordre social ou du regard des autres (qu'on n'ose plus invoquer), mais au nom du "bonheur", une sorte d'ordre intériorisé profondément qui privilégie la "tranquillité" même malsaine à l'épanouissement personnel authentique.
Ils sont une génération de transition, enracinée dans des modes de pensée très anciens (j'en ai eu la démonstration éclatante, surprenante, il y a un an et demi! quand j'ai été assimilé à un (bon) "parti", au détour d'une conversation houleuse!), mais consciente que ces modes de pensée doivent se régénérer pour survivre. Ma génération aussi est une transition (comme toutes), mais la suivante est déjà arrivée! "(...) Elle semble étrangère, non seulement à toute notion de chute, de péché, de dette, mais aussi de complexe d’œdipe, de castration, de différence sexuelle; bref, à tout ce qui rendait perceptible la dimension tragique (et d'ailleurs comique) de l'existence humaine (...). Aucune part maudite dans leur vision du monde, non, en eux règne la seule conviction d'une innocence congénitale, d'un Éros sans Thanatos." (Basile de Koch)