mercredi 16 décembre 2015

Du dressage et de la tranquillité

Réaction décevante des parents - une de plus ! Mais qu'attendais-je encore d'eux? On se sent tout le temps jugé, critiqué, souligne Della Rovere. Il en a toujours été ainsi, mais c'était le mode normal de fonctionnement - et il m'aura fallu quinze nouvelle années pour comprendre que cela n'avait rien de "normal".

Mais je crois que ce jugement perpétuel, cette méfiance vis-à-vis de nous, ne vient pas d'un mauvais fond; c'est une sorte d'angoisse de ne pas réussir. Dans leur couple chaotique et mal assorti, pouvoir afficher de beaux enfants bien élevés ("bien dressés" préférerais-je écrire), est une sorte de fierté, de revanche sur la vie, de réconfort peut-être. Et comme chez tout parent (?), la hâte de se débarrasser du fardeau de la paternité, en ayant des petits-enfants. Ce doit être une libération, un aboutissement.

Que tout cela n'ait pas lieu doit les plonger dans la perplexité. On sent leur désarroi permanent, les comparaisons (ils doivent sans doute recevoir de leurs amis de nombreuses questions blessantes - blessantes pour eux). S'arrêter, profiter de la vie, envisager d'autres modes de pensées, penser à donner de l'amour plutôt que des leçons, tout cela n'existe pas dans cet ordre où, pour caricaturer (légèrement), le bonheur ne réside que dans la conformité. Rien de bon hors de la ligne. Tout ce qui dévie est un danger.... mais comme leurs valeurs sont déjà perverties par la modernité, cela ne s'effectue pas au nom de l'ordre social ou du regard des autres (qu'on n'ose plus invoquer), mais au nom du "bonheur", une sorte d'ordre intériorisé profondément qui privilégie la "tranquillité" même malsaine à l'épanouissement personnel authentique.

Ils sont une génération de transition, enracinée dans des modes de pensée très anciens (j'en ai eu la démonstration éclatante, surprenante, il y a un an et demi! quand j'ai été assimilé à un (bon) "parti", au détour d'une conversation houleuse!), mais consciente que ces modes de pensée doivent se régénérer pour survivre. Ma génération aussi est une transition (comme toutes), mais la suivante est déjà arrivée! "(...) Elle semble étrangère, non seulement à toute notion de chute, de péché, de dette, mais aussi de complexe d’œdipe, de castration, de différence sexuelle; bref, à tout ce qui rendait perceptible la dimension tragique (et d'ailleurs comique) de l'existence humaine (...). Aucune part maudite dans leur vision du monde, non, en eux règne la seule conviction d'une innocence congénitale, d'un Éros sans Thanatos." (Basile de Koch)

lundi 26 octobre 2015

De belles choses logiques et convaincantes

Écrire de belles choses logiques et convaincantes, je sais faire - c'est même quasiment mon métier! 

Mais exprimer franchement à Della Rovere mes angoisses, mon désespoir qui m'a conduit au-delà des mots, incapable de dire, stupidement réfugié au bord du lit, effondré par un matin gris, voilà qui est plus difficile. Dire sans prononcer de paroles définitives et blessantes. Écrire sans signer sa perte. Et à quoi bon?

mercredi 16 septembre 2015

Depuis mars

Je n'arrivais plus à me faire une conception cohérente de la vie et du monde, à être satisfait de ce que je voyais par rapport à ce que je pensais. J'étais déçu de tout, de moi en particulier.

jeudi 20 août 2015

Aéroport, août 2016

Je suis bloqué. Je me sens bloqué. Je ne sais pas quels mots attribuer, ni même s'il faut attribuer des mots. On aimerait qu'ils nous ouvrent à la connaissance du monde et de nous-mêmes. En réalité, ils m'ont servi d'œillères pour refuser de voir les choses. Et maintenant que je devine, que j'aperçois à travers les œillères déchirées, j'aurais dû, j'aurais dû… Je ne vois que les occasions manquées, que les décrépitudes à venir, l'effrayante solitude du présent. Comme j'aurais aimé être un créateur d'artifices! Dans un nuage de poussière et d'étoiles, les mots éparpillés avec splendeur, un imaginaire profond, enchanteur pour tous… Je suis collé à la terre, englué dans les contradictions, décrivant les mêmes choses à travers les mêmes focales depuis des années, sans pouvoir en changer, sans pouvoir rien montrer… Que puis-je apporter de nouveau? Que puis-je donner à quiconque? Et si au moins cela servait à quelque chose!

*

Impasse de la vie littéraire, impasse de la vie. Il suffirait d'abandonner une relation plaisante, une compagnie agréable, de renoncer au désir de paternité, aux cris des enfants, de rompre toute attache… la liberté en détruisant ses rêves? Comment s'y résoudre? Je suis comme ces navigateurs auxquels on impose de quitter un rivage fertile, les rives d'un Cap-Vert luxuriant, parce qu'on leur a promis qu'il y aurait, peut-être, un peu d'or derrière l'Océan, et parce que leur soif d'or est irrésistible. Mais qui parle d'or? Je n'exige pas grand-chose de la vie, un peu de lumière, un peu de vin… "Il trouvait que le bonheur mérité par l'excellence de son âme tardait à venir" (Flaubert, L'Education sentimentale).

lundi 6 juillet 2015

Comme d'un jouet cassé...

"Sans doute est-il étrange de ne plus habiter la terre
de ne plus pratiquer des usages à peine appris
de ne plus faire signifier un avenir humain
aux roses, et à tant de choses prometteuses;
de ne plus être ce que l'on était entre des mains
perpétuellement inquiètes, et de se défaire même
de son propre nom, comme d'un jouet cassé.
Étrange, de ne plus désirer ses désirs. Étrange,
de voir si librement flotter, dans l'espace, tout
ce qui était lié. Être mort est pénible et plein
de repentirs, avant qu'on ne commence à déceler
un peu d'éternité. - Mais les vivants font tous 
l'erreur de diviser trop franchement. 
Les anges (dit-on) ignorent souvent s'ils se promènent
chez les vivants ou chez les morts. A travers les deux domaines
le flot éternel emporte avec lui tous les âges
toujours, et des vivants comme des morts il couvre le bruit."

Rainer Maria Rilke, Les élégies de Duino


vendredi 27 mars 2015

Regresso

Je connais la nature transitoire et fragile des paradis - mais jamais je n'aurais imaginé qu'un tel lieu existe, en ce instant et dans mes yeux, avec une telle force sereine. Jamais je n'aurais pensé qu'un endroit me plairait autant. Au centre du monde, au milieu de nulle part. Un non-lieu attachant, pauvre, riche d'influences portugaises, africaines, l'étape des grands voyageurs où l'on serait tenté de rester, plutôt que partir à la conquête du monde, à la poursuite de rêves inabordables. Où ne débarquaient que les plus faibles, les poètes inaptes aux champs, les malades.
Oui, et peut-être secrètement, à l'émotion lointaine ressentie par quelque musique, à la nostalgie de la "riche éternité furtive" entraperçue autrefois à Soler, Majorque, au destin qui m'emporte au-delà des mers, ai-je toujours désiré vivre ici.

dimanche 22 mars 2015

Les vaisseaux spatiaux des théories relativistes

Aurélien Bellanger fait partie, comme son maître Houellebecq, de ces rares écrivains qui n'ont pas renoncé à dire le réel de la France, qui dépassent l'anecdote et l'égo - pour raconter quelque chose du monde contemporain. Dans l'Aménagement du territoire*, on retrouve la recette fructueuse de la Théorie de l'information*, une saga industrielle et ses implications économiques et sociales - malheureusement encombrée d'une conspiration à la da Vinci code qui n'apporte rien. Par conséquent, Alors que j'avais lu d'une traite les 400 premières pages, les dernières ont mis dix jours à être fastidieusement lues. Cette affaire de "restauration de la Marche de Bretagne", qui s'en soucie? les Bretons?

C'est dommage, car cette veine me semble prometteuse (il s'agit bien de la seule fiction que je supporte encore...) Et Aurélien Bellanger sait faire des phrases magiques, avec cette tournure technologique et scientifique rare dans notre littérature*, signe d'un esprit curieux et singulier, peu français... "Le château et son parc, figés dans un flou latéral, semblaient devoir rester prisonniers du passé, condamnés à s'étirer comme les vaisseaux spatiaux des théories relativistes pris dans un puits gravitationnel sans fond et certains de ne jamais rejoindre leur point d'arrivée."



*PS: Lautréamont s'y était expérimenté: "Je me connais à lire l'âge dans les lignes physiognomoniques du front: il a seize ans et quatre mois! Il est beau comme la rétractabilité des serres des oiseaux rapaces; ou encore, comme l'incertitude des mouvements musculaires dans les plaies des parties molles de la région cervicale postérieure; ou plutôt, comme ce piège à rats perpétuel, toujours retendu par l'animal pris, qui peut prendre seul des rongeurs indéfiniment, et fonctionner même caché sous la paille; et surtout, comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie!"

samedi 21 mars 2015

Je suis noire, mais je suis belle

Belles pages de Dany Laferrière sur le Cantique des Cantiques. Il déplore l'une des premières phrases "je suis noire, mais je suis belle" - pour mieux souligner la force de cette femme qui ne craint pas le regard des autres et ose affirmer sa "négritude", qui ne craint pas les brimades des gardes ("ils m'ont frappée, ils m'ont blessée, ils m'ont enlevé mon manteau") pour aller chercher celui qu'elle aime ("je l'ai saisi et ne le lâcherai point"), et l'emmener coucher avec elle "là même où ta mère te conçut" (!).
J'ai lu et relu le texte, progressivement gagné par sa puissance traversante ("Viens, mon bien aimé, allons aux champs! Nous passerons la nuit dans les villages, dès le matin nous irons aux vignobles, nous verrons si la vigne bourgeonne, si les pampres fleurissent, si les grenadiers sont en fleur. Alors je te ferai le don de mes amours. Les mandragores exhalent leur parfum, à nos portes sont tous les meilleurs fruits. Les nouveaux comme les anciens, je les ai réservés pour toi, mon bien-aimé.").

J'y retrouve tout ce que j'ai pu aimer autrefois et ce que j'ai pu en garder inconsciemment, les répétitions de mots ("attrapez-nous les renards, les petits renards ravageurs de vignes, car nos vignes sont en fleur"), l'alternance du chœur, de la bien-aimée et du bien-aimé*, jusqu'à des copies directes dont je ne me rendais plus compte ("J'ai ôté ma tunique, comment la remettrais-je?"*).

Et surtout, comment ce texte a-t-il pu traverser les époques sont être condamné, ce texte plein de désirs si ouvertement exprimés, de plaisirs si pleinement satisfaits ("Comme le pommier parmi les arbres d'un verger, ainsi mon bien-aimé parmi les jeunes hommes. A son ombre désirée je me suis assise, et son fruit est doux à mon palais. il m'a menée au cellier, et la bannière qu'il dresse sur moi, c'est l'amour. Soutenez-moi avec des gâteaux de raison; ranimez-moi avec des pommes, car je suis malade d'amour. Son bras gauche est sous ma tête et sa droite m'étreint."). Tout le texte paraîtrait encore choquant dans l'Orient contemporain, surtout que la bien-aimée connaît les règles et ne souhaite que les enfreindre ("Ah! que n'es-tu un frère, allaité au sein de ma mère! Te rencontrant dehors je pourrais t'embrasser, sans que les gens me méprisent je te conduirais, je t’introduirais dans la maison de ma mère tu m'enseignerais"). Je sais que le texte est censé représenter "l'union de Dieu et de son peuple", mais quelle foutaise! Comment intimement devait le lire le clerc du Moyen-âge, le maître du Temple de Jérusalem, comment Jésus a-t-il dû l'entendre? Là est le vrai testament, la vraie ligne de conduite, la racine de la "religion d'amour"... Plus intriguant encore, qui a bien pu rédiger de tels mots libres, profondément ressentis, aussi bien du désir masculin que féminin, dans une profusion d'images telle que les millénaires ne les ont pas épuisés, comme échappés d'un rêve éternel?

Enfin, je repense à ce magnifique moment de mon existence (il faudra en faire la liste), quand le père du Dominiquin*, au lieu du passage gnangnan que tout le monde lit habituellement ("l'amour est fort comme la Mort, la passion inflexible comme le Shéol"), avait récité de sa voix éraillée les lignes suivantes, magnifiées par la beauté sans égale de la langue italienne:

"Una voce! Il mio diletto!
Eccolo, viene
saltando per i monti,
balzando per le colline.
 
Somiglia il mio diletto a un capriolo
o ad un cerbiatto.
Eccolo, egli sta
dietro il nostro muro;
guarda dalla finestra,
spia attraverso le inferriate.
 
Ora parla il mio diletto e mi dice:
"Alzati, amica mia,
mia bella, e vieni!
 
Perché, ecco, l'inverno è passato,
è cessata la pioggia, se n'è andata;
 
i fiori sono apparsi nei campi,
il tempo del canto è tornato
e la voce della tortora ancora si fa sentire
nella nostra campagna.
 
Il fico ha messo fuori i primi frutti
e le viti fiorite spandono fragranza.
Alzati, amica mia,
mia bella, e vieni!
 
O mia colomba, che stai nelle fenditure della roccia,
nei nascondigli dei dirupi,
mostrami il tuo viso,
fammi sentire la tua voce,
perché la tua voce è soave,
il tuo viso è leggiadro".
 
Prendeteci le volpi,
le volpi piccoline
che guastano le vigne,
perché le nostre vigne sono in fiore.
 
Il mio diletto è per me e io per lui.
Egli pascola il gregge fra i figli.
 
Prima che spiri la brezza del giorno
e si allunghino le ombre,
ritorna, o mio diletto,
somigliante alla gazzella
o al cerbiatto,
sopra i monti degli aromi."

vendredi 20 mars 2015

Sur le vote grec (2)

Cet article de Libération non seulement nous inquiète sur l'impréparation de l'équipe dirigeante grecque et sur l'impasse dans laquelle se trouve ce pays, mais nous apporte beaucoup d'enseignements sur l'Europe.
Première erreur des dirigeants grecs: avoir cru que "l'Europe" était technocratique et non politique, qu'il suffisait de jouer les États contre Bruxelles. Il est vrai qu'en Grèce les États, via la troïka, ont avancé masqués. Combien de fois aura-t-on entendu le mantra qu'il "faut une Europe politique"? Alors qu'on y est déjà, depuis toujours. C'est justement pour des raisons politiques que le Portugal, l'Espagne, ne feront aucun cadeau à la Grèce, sans parler des pays de l'Est qui se voient dans la situation paradoxale de devoir aider un pays plus riche qu'eux!
Deuxième erreur, qui procède du même principe: croire pouvoir se reposer sur la Commission. La Commission a certes un intérêt à la solidarité européenne et la préservation de la zone euro - mais ces matières sont trop sérieuses pour que les États lui accordent un vrai pouvoir, et c'est l'Eurogroupe qui décide. 
On pourrait déplorer cet état de fait, mais cela me semble après tout un fonctionnement démocratique normal, dans une quasi-fédération, de voir s'arbitrer les choix démocratiques d'entités différentes.

*

Pour revenir aux choses sérieuses, aurait-on pu sauver la Grèce en agissant différemment, plus tôt? Il aurait peut-être fallu que les Grecs aient voté Tsipras il y a dix ans, se réformant en temps de prospérité - mais à l'époque on ne se rendait absolument pas compte de ce qui menaçait: il y avait pourtant déjà des manifestations à Athènes contre le chômage, les "indignés" allaient bientôt apparaître - et leurs justes revendications, se trompant de cible, s'éparpillant vers de vieilles lunes, allaient rapidement tomber dans un oubli folklorique, tandis que se maintenaient les causes du problème (et un médiocre personnel politique attaché à ses rentes).
Au vu de cette situation, il aurait fallu s'ingérer plus franchement encore dans les affaires grecques, mettre en place une tutelle plus sévère pour assurer les rentrées fiscales  et être, en parallèle, plus généreux afin de préserver le niveau de vie des habitants et les sources d'une croissance future... Proposition scandaleuse, irréalisable, que personne n'aurait jamais voulu assumer, tant les relations intra-européennes ne peuvent être basées que sur une forme de confiance et de compréhension commune, sur des semi-mesures prudentes, timorées, bancales, quand il faudrait des changements radicaux (peu compatibles avec la culture du compromis bruxellois...).
La messe semble dite - et les Grecs qui se sont rués au guichet hier l'ont bien mesuré. Les erreurs de communication et de posture de Tsipras et Varoufakis font le reste. A leur décharge, leur mission était quasi-impossible, vu les espérances engendrées et l'état du pays... Il ne leur reste plus qu'à gérer la faillite, la guerre civile peut-être* (espérons que non), et des drames humanitaires autrement plus graves que ceux prêtés à "l'austérité".

jeudi 19 mars 2015

Et pour toi point d'abri

Attentat en Tunisie, élections en Israël qui ruine tout espoir de changement en Orient comme pour les juifs d'Europe, destructions des monuments assyriens et de l'héritage islamique, crise au Nigeria, triomphe annoncé du Front national aux départementales... Il faut un certain courage pour ouvrir le journal le matin. Et la tentation devient chaque jour plus forte de se réfugier dans la bulle de "l'hypernomade", indifférent à la destinée des hommes, ou mieux encore dans une "néo-ruralité" sédentaire et tranquille, loin du fracas, dans la belle maison des Della Rovere à C***, où nous aurions notre potager, quelques poules, un chien pour accompagner nos marches dans la campagne, et des enfants qui "courent dans un coin"*.
Mais soudain surgissent les images* de l'islamiste Djamel Beghal assigné à résidence dans un village du Cantal, recevant Kouachi, Coulibaly & co au milieu des moutons, des collines, de ce monde préservé, bien ordonné...

vendredi 13 mars 2015

Avortements

J'ai au moins une force: celle de me décourager d'un projet avant même de l'avoir entrepris. 
C'est ainsi que je mets fin à mes ambitions et mes désirs.

*

Par exemple, j'avais écrit vouloir "un document public pour mon entourage"*. Mais je me rends compte de ce qu'il y a d'absurde dans ce projet: on n'écrit pas sans s'engager complètement, et c'est ce que je voulais faire dans ces brèves, c'est pourquoi le GRMF conclut que "mes mots te ruineront, te briseront". Dit autrement: "le public de ce film, c'était le monde entier sauf ma mère"*. Les jolis mots pour amuser la galerie, les impostures, les discours de circonstances, sont voués à de plus profondes poubelles que celles dans lesquelles sont piteusement tombées toutes mes réalisations, jusqu'ici. Et me voilà revenu "à la case départ", persuadé de ma valeur et forcé pourtant de reconnaître les faits - obstiné à ne rien renoncer, perdant progressivement tout!

lundi 2 mars 2015

A rebours

Finalement, le nouveau Houellebecq... "Ça se laisse lire" aurait dit ma grand-mère - c’était dans sa bouche un compliment. J'ignore si Houellebecq atteindra la postérité avec ses romans, si dans trente ans on les percevra comme des chefs d’œuvre valables plutôt que comme de maigres témoins de leur époque. 

Et quelle époque! L'historien reconnaîtra-t-il la France contemporaine dans cette description d'une nation apathique, se laissant mener là où l'islam militant l'entraîne, par crainte du Front national? Tous les chapitres de "politique fiction", qui ont fait tant de bruit, ne tiennent pas la route un instant (à part le juste traitement réservé à François Bayrou!).
Par exemple, l'hypothèse que toutes les femmes accepteront sans mot dire de quitter leur emploi pour retourner vivre dans leurs foyers, élever leurs enfants et faire la cuisine à leurs maris, semble absurde. Je suis étonné que les femmes ne se soient pas plus révoltées contre le livre (mais à Houellebecq, on autorise beaucoup). Critiques ironiques et méritées: "Vêtues pendant la journée d'impénétrables burqas noires, les riches Saoudiennes se transformaient le soir en oiseaux de paradis, se paraient de guêpières, de soutiens-gorge ajourés, de strings ornés de dentelles multicolores et de pierreries: exactement l'inverse des Occidentales, classe et sexy pendant la journée parce que leur statut social était en jeu, qui s'affaissaient le soir en rentrant chez elles, abdiquant avec épuisement toute tentative de séduction, revêtant des tenus décontractées et informes." L'arrivée du président islamiste deviendrait une délivrance pour les femmes - qui peut croire à cela en France? Ceci dit, j'ai toujours pensé que les femmes penchaient plutôt pour le conservatisme social - et si je me fie encore une fois à l'exemple turc, tout ce que raconte Houellebecq s'avère exact: les femmes soutiennent autant l'AKP que les hommes, et se retirent volontiers (ou au moins, sans esclandre) du marché du travail où leur mère aurait rêver d'entrer.

L'impression qui demeure est que toutes les allusions à l'islamisme, à la politique française, sont des sortes de chiffons rouges attrayants, vers lesquels chacun s'est furieusement précipité, mais que ce n'est pas l'objet véritable du roman. Une clé, peut-être, ces références constantes à Huysmans? La conversion finale, le discours décadent, le questionnement perpétuel du narrateur sur l'écrivain dont il est le spécialiste universitaire, semble indiquer quelque chose. Peut-être cette remarque: "En tant que
lecteur de Huysmans, vous avez certainement été agacé comme moi par son pessimisme invétéré, ses imprécations répétées contre les médiocrités de son temps. Alors qu'il vivait à une époque où les nations européennes à leur apogée, à la tête d'immenses empires coloniaux, dominaient le monde!... A une époque extraordinairement brillante à la fois du point de vue technologique - les chemins de fer, l'éclairage électrique, le téléphone, le phonographe, les constructions d'Eiffel - et du point de vue artistique - là il y a vraiment trop de noms pour les citer, que ce soit en littérature, en peinture, en musique..."
Sommes-nous tous devenus des Huysmans incapables d'apprécier notre époque à sa juste valeur? Ou, au contraire, puisque Huysmans n'a pas jugé nécessaire d'être optimiste au milieu d'une civilisation si brillante, l'attitude raisonnable n'est-elle pas de nous assumer comme décadents et de nous convertir discrètement à une religion qui nous fournirait encore quelque espérance, une béquille pour traverser le temps?

mercredi 18 février 2015

Il s'éloignait le long des portiques

Le jeu des miroirs me permettait d'accomplir le vieux fantasme de l'homme: voir sans être vu. Comme on aimerait, dans ces villes dangereuses (?) et inconnues, pouvoir être invisible, pouvoir marcher dans les rues sans risque d'importuner ou de l'être, en ne laissant que l'empreinte de nos pas dans la poussière.
Et encore! à quoi nous servirait l'invisibilité? Il nous manquerait de pouvoir connaître le passé des autres, leurs vies, leurs désirs - et pour les étrangers, savoir ce qu'ils font ici, par quel battement du monde ils ont accosté sur ces rivages lointains, vers quelles destinations futures. Car si leurs histoires sont aussi tortueuses, imprécises que la mienne la seule imagination ne suffira pas.

lundi 16 février 2015

Plateau

Au loin, derrière la ligne des cocotiers, la vision d'une métropole dans le soleil couchant. Et tandis que nous franchissions le pont, les immeubles reflétaient leurs lumière dans l'eau sombre de la lagune - comme un mirage réussi de Manhattan, un rêve d'avenir décadent.
De près, l'illusion s'estompe, néanmoins.

dimanche 15 février 2015

Désorientation

Pensée: puisque le GRMF ne vaut pas le papier sur lequel il est écrit*, mes parents ont bien fait de me désorienter de la "voie littéraire" que j'ambitionnais de suivre.

Contre-pensée: si j'avais suivi cette "voie", peut-être aurais-je justement fait fructifier mes talents, m'échappant de la médiocrité grâce à la concurrence d'esprits riches.

*

"Triste chose! Toujours la même vieille histoire! Quand on a achevé de construire sa maison, on remarque que ce faisant, on a appris à son insu quelque chose que l'on aurait absolument savoir avant de - commencer à la bâtir. L'éternel et contrariant "trop tard!" - La mélancolie de tout ce qui est achevé!..." (Nietzsche)

vendredi 6 février 2015

Stage à Vladivostok

Acheté, entrouvert, puis reposé rapidement, le livre de Cédric Gras sur Vladivostok*. Qu'attendais-je? Cet endroit mystérieux fait partie de ceux dont rien que le nom fascine, comme Tombouctou, la défunte Alexandrie, Thulé... Une description historique et géographique légère, mêlée à des impressions personnelles, m'aurait suffi, tant je ne connais rien sur Vladivostok... A la manière de Sébastien de Courtois sur Istanbul*. Mais ici, la même recette échoue... Une gargarisation inutile. On apprend deux trois choses sur l'auteur, mais à quoi bon en faire un livre? Un petit blog peu fréquenté aurait suffi!
Je n'ai pas reposé le bouquin calmement dans la pile, je l'ai envoyé promener rageusement dans un coin. Et puis quoi encore? Depuis quand devrait-on publier les rapports de stage de tous les Français éparpillés dans le monde?

jeudi 5 février 2015

J'avais la sensation d'être transparent

Un hiver à Paris d'un certain Jean-Philippe Blondel*. Je l'avais acheté car l'histoire me semblait présenter quelques échos avec ma vie d'autrefois, souvenirs de classe préparatoire, récit d'un suicide à 19 ans... 
Je ne sais pas si cela intéresse grand monde. Bientôt, la "prépa" sera un objet folklorique et dépassé, comme le disque ou la cassette vidéo* - et ce n'est pas moi qui irai pleurer sur son sort. Ce temps perdu était absurde. J'en parlerai plus tard. Quant au suicide des jeunes homosexuels, hélas, ils se poursuivront encore des siècles dans l'indifférence, quoiqu'on en dise. J'en ai déjà suffisamment parlé.
Pour revenir au livre, j'aurais en d'autres temps trouvé irréaliste le fait que le narrateur ne se soit jamais promené dans Paris, n'ait eu aucun ami, et n'ait parlé à personne durant toute une année (!). Mais je veux désormais bien y croire depuis qu'une amie m'a raconté travailler dans un petit open space où personne ne se parle, même pas pour dire bonjour, où tout "small talk" est banni, où le code de politesse est uniquement un silence que personne n'ose rompre malgré son poids! Comment oserais-je juger le monde, quand on m'apprend que de telles situations sont possibles entre gens de ma génération? 
Ou est-ce justement l'habitude des contacts électroniques qui rend superflus les contacts physiques?

samedi 31 janvier 2015

La peine de Raif Badawi (2)

On ne devrait pas avoir d'indignation sélective, au gré de principes fluctuants... Que penser, ainsi, des centaines de condamnations prononcées en masse en Égypte le mois dernier* (et d'autres avant)? Certes, il s'agit d'islamistes guère acquis à la démocratie et à la libre pensée, en un mot d'ennemis, mais ce régime de terreur semble plus anachronique encore que les régimes islamistes et affiliés. D'ailleurs, le régime de Moubarak, avant celui de Sissi, avait déjà apporté la preuve de sa nullité à bloquer l'islamisation de la société, de sa contre-productivité - voire, au fond, de sa complicité avec le conservatisme religieux contre la modernité laïque.
Absence de tout modèle... Désespoir qui se traduit par des afflux massifs de réfugiés (tandis qu'en sens inverse d'aveugles européens partent faire un  pseudo djihad! c'est grotesque). Seule la Tunisie semble donner quelques motifs d'espérance, précaires sans doute.

vendredi 30 janvier 2015

France périphérique?

La France périphérique*, un ouvrage dont il a été beaucoup question en décembre mais que les événements de janvier ont relégué en périphérie. Je l'avais acheté à cause de sa manchette racoleuse, "le livre que tous les politiques devraient mettre à leur chevet"; je l'ai par conséquent mis à mon chevet... Et à propos de politique, il est vrau que l'expression "France périphérique" commence à être souvent utilisée, par Nicolas Sarkozy par exemple, car comme "France d'en bas", "majorité silencieuse", elle a le mérite de réunir beaucoup de voix (qui ne se sent pas un peu "périphérique" à notre époque?).
 L'auteur, Christophe Guilluy, distingue trois catégories:
- la France des villes, intégrée à la mondialisation et prospère
- la France des banlieues, finalement rattachée à celle des villes, et profitant de leur dynamisme
- le reste, la "France périphérique", celle des petites villes, de la ruralité, ou du périurbain lointain.
Rien de très nouveau dans le bouquin: Jacques Attali, injustement critiqué par l'auteur (injustement car Attali ne s'était jamais réjoui de l'émergence de l'hypernomade!), avait déjà décrit les divisions de la société il y a plus de quinze ans! L'idée phare est de dire que les banlieues sont mieux loties que la France périphérique. Idée très schématique et qui s'est effondrée début janvier...
A l'appui de sa démonstration, quelques arguments de mauvaise foi: par exemple, rajouter l'outre-mer dans la troisième catégorie, comme si les problèmes étaient les mêmes, ou ramener les problèmes à la cohabitation raciale (il a néanmoins raison de dire qu'il y a des phénomènes d'éviction, de retrait - le problème des "majorités relatives", et la question cruciale de l'immobilier). C'est aussi oublier qu'il y a de nombreuses réussites dans tous les territoires.
Mais surtout, en faire un problème français est absurde: la même situation se présente dans les pays d'Europe occidentale, aux États-Unis. C'est le problème de l'effondrement de la classe moyenne, qu'avait bien illustré Piketty, et qui sape le consensus national. 

samedi 24 janvier 2015

La peine de Raif Badawi

Images insoutenables de ce blogueur saoudien, condamné à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet, distribués 50 par 50, chaque semaine, en public. Je lis que la deuxième "séance" a dû  être reportée car le condamné "n'avait pas cicatrisé et menaçait déjà de succomber" (ou est-ce un moyen discret de suspendre la peine? quoiqu'il en soit, elle a été prononcée). On ne sait pas si cette barbarie d’État n'est pas plus choquante que la somme de tous les actes terroristes.
N'oublions pas, en ce qui concerne un régime soi-disant plus proche de nous, la condamnation à la prison (certes, avec sursis) du pianiste Fazil Say, pour un audacieux tweet où il professait son athéisme. La peine est moindre, mais le régime turc, car il n'a pas les mêmes contraintes de légitimité, est sans doute plus fautif que le saoudien. Au moins, l'Arabie Saoudite n'a jamais eu la prétention d'être une république, une démocratie, un candidat à l'entrée dans l'Union européenne...

*
Et pendant ce temps, la "rue musulmane" (un concept large et biaisé) s'enflamme pour une petite caricature qu'elle n'a pas vue* (et que par ailleurs je trouve très mauvaise). Quelle indignité!



*: à cet égard, honteuse réaction des médias anglo-saxons qui ont refusé de montrer l'image du journal au motif qu'elles pourraient "heurter" - mais qui? quoi? pourquoi? Qu'y avait-il de choquant dans cette image, mis à part le fait (choquant?) qu'il s'agissait d'une représentation du prophète (et en quoi serions-nous soumis aux mêmes interdits que les musulmans pieux?)? Et si nous donnons ainsi raison aux intégristes, comment pouvons nous aider en quoi que ce soit les modestes questionnements d'un Badawi ou un Say? Nous sommes aussi coupables.

vendredi 23 janvier 2015

Appels en absence

Image de la modernité. Dans la boîte de nuit incendiée, alors que les pompiers dénombrent les corps, sonnent des centaines de téléphones portables.

vendredi 16 janvier 2015

The future awaits

Je crois qu'on ne mesure pas à quel point ces stupides extrémistes, et leurs amis de par le monde, nous font perdre notre temps et nous tirent vers le bas. Ils nous font gaspiller une énergie qui serait mieux utilisée à maîtriser la modernité. Au lieu de cela, nous cherchons les moyens de nous adapter à des minorités arriérés et obscurantistes...

*

A la fin d'une journée de travail, je me suis mis à rêvasser à la lecture d'un rapport sur les nouveaux flux économiques. Je songeais au livre électronique, à la musique, à la prochaine apparition de l'imprimante 3D qui révolutionnera nos vie. A quoi serviront nos règles économiques, fiscales, commerciales, déjà obsolètes et inopérantes, lorsque tout sera devenu dématérialisé? Il n'y aura plus que des matières premières, la nourriture peut-être, et les imprimantes elles-mêmes (quoiqu'il sera possible d'imprimer des imprimantes!), qui seront échangées. Peut-être pas à la maison pour tous les produits, mais dans des petites usines de production locale, capables de traiter à la demande les plastiques, les métaux, les textiles. Tout ce qui sera physique sera très "villageois", en quelque sorte, et seuls s'échangeront outre-mer les plans, les créations, les idées... 
Et je suis resté longtemps assis dans le silence, incapable de rentrer chez moi, absorbé par cette vision fantastique d'un monde sans produit.



jeudi 15 janvier 2015

Zurichois

Cela fut déjà dit, partout, et depuis très longtemps, mais il y a un monde entre l'information et l'expérience... Sur l'essence de la bourgeoisie qui n'est pas l'argent (n'en déplaise aux marxistes), mais le silence, la préservation coûte que coûte des apparences. On croit être aimé pour ce que l'on est, fadaises! encore faut-il se conformer à des plans surgis d'on ne sait quelle nécessité, à des sortes de fantasmes irréalisables et incapables d'assurer notre bonheur.
La vie consiste à perpétuer, lors d'événements vides de sens, de vieilles recettes très légèrement adaptées au goût du jour (pour faire croire en un espace de liberté).

samedi 10 janvier 2015

Amalgames

Les bonnes âmes appelleront une fois de plus à ne pas "faire l'amalgame" entre islam et terrorisme. Les terroristes gagneraient, en effet, si des actions de "revanche" envers les musulmans se multipliaient en France. Tristement, on voit aussi une minorité qui "s'amalgame" d'elle même aux attentats: soutien sur facebook, discours sur le thème du "ils l'ont bien cherché", refus des minutes de silence, théories du complot. Le monde tu de ces kiosquiers qui refusaient de vendre Charlie hebdo, certaines banlieues, les prisons - mais pas uniquement ces milieux extrêmes... Il ne sert à rien, certes, de demander aux "musulmans modérés" de marquer ostensiblement leur désaccord*, car la majorité des "musulmans de France", si cette catégorie a le moindre sens, n'aurait jamais cautionné ce crime. Hélas, comme toujours, ce seront les voix discordantes qui seront les plus audibles.
Et nous plaçons trop d'espoir dans le recteur Boubakeur, ou les braves imams de Drancy et de Gennevilliers, en croyant qu'ils auront la moindre influence sur ceux qui se sont radicalisés ou sont en train de le faire... Comme si l'islam ne faisait que reproduire le catholicisme, avec sa hiérarchie, son pape, ses excommunications et son catéchisme (que d'ailleurs personne ne lit plus): en cela, et une fois respectées quelques prescriptions extérieures plutôt insignifiantes, l'islam sunnite me semble finalement une religion très libre, très personnelle et très souple**, dont chacun peut, à tort ou à raison, s'approprier le "nom". Mais pour un esprit ouvert, rien qui ne doive mener au djihad, à la privation des droits, au rejet de la chose publique.



*: au lieu de mots, de phrases creuses sur "l'islam religion de paix", on aimerait plutôt qu'ils "identifient, marginalisent et dénoncent" (Gilles Kepel)
 
**: tandis que les catholiques doivent absolument croire à la résurrection du Christ, à la résurrection de la chair, à la trinité, à l'Immaculée conception, autant de concepts un peu durs à avaler...

mercredi 7 janvier 2015

Jour de colère

Comment ne pas se sentir personnellement blessé? C'est un peu de notre liberté qui s'est évanoui dans le massacre de Charlie Hebdo, un peu de notre part qui voulait dire, qui voulait rire de l'absurdité de nos ennemis... Et n'y a-t-il pas meilleure réaction pour notre civilisation? J'ai déjà écrit ailleurs que notre arme la plus efficace contre le terrorisme était l'humour, pas les discours 'pédagogiques' qui ne servent à rien, ni la bien-pensance prudente. Certains ne s'y sont pas trompés, en prenant nos meilleurs esprits pour cibles.
Les conséquences seront terribles, car c'est la parole qui est atteinte (sans même évoquer les conséquences politiques): autocensure, craintes de la moindre étincelle... Il n'y aura plus rien entre le discours public, politiquement correct, vide, et le déchaînement anonyme des réseaux sociaux, des commentaires sur les pages de journaux. Nous savons lutter pour la liberté d'expression face à des institutions, face aux tyrannies les plus abjectes - mais que pouvons nous faire face à une poignée d'individus qui se font justice eux-mêmes?  Hormis parler, témoigner même sans être entendus, pleurer et rire, réfléchir, rêver.

lundi 5 janvier 2015

Sur le vote grec

Choix difficile à venir pour les grecs - avec de nouveau l'avenir de l'Europe suspendu à leur vote... Les promesses de Syriza (renégociation de la dette et maintien dans la zone euro) sont séduisantes comme des bulles de savon et promises au même éclatement. Quant à l'attitude de "l'Europe" (c'est-à-dire du contribuable européen), il est difficile de savoir à quel point la solidarité prévaudra sur le reste. Nous assistons impuissants au spectacle, mais c'est nous qui applaudirons ou sifflerons à la fin.
Il est clair que l'endettement grec est tout à fait insoutenable, et que rien ne semble pouvoir s'arranger pour les générations à venir. Le livre de Piketty rappelait comment l'Angleterre s'est épuisée à vouloir rembourser sa dette, au XIXe siècle. La solution est pourtant simple: quitter la zone euro, libeller la dette en drachme, dévaluer la drachme autant qu'il le faudra - et tant pis pour le respect des contrats et des accords! Mais c'est une solution encore plus effrayante à court-terme que "l'austérité". Qui paiera les salaires, comment assurer la nourriture, l'approvisionnement énergétique avec une monnaie sans valeur? Et comment croître de nouveau? Un pays du tiers monde se sera créé, en quelques années, auquel nous devrons continuer à donner assistance comme au pays d'Afrique le plus misérable.
L'autre solution, annulation ou réduction drastique de la dette, passera difficilement auprès des européens, mais c'est peut-être le moins coûteux à long-terme. C'est sans doute aussi " l'esprit des traités" (rien n'oblige la Grèce à quitter la zone euro, après tout). Mais il demeurera impossible pour les autres citoyens européens de considérer que les grecs sont uniquement "victimes" dans cette affaire, et ce sauvetage laissera un goût amer, insupportable.

samedi 3 janvier 2015

Soumission

Nouveau livre de Michel Houellebecq, je suis sûr que ce sera un ouvrage d'excellente facture, comme les autres,et j'ai hâte de le lire.
La plupart des commentateurs semblent avoir omis que le titre est la traduction du mot "islam", et s'indignent de la description d'un "islam modéré" où les femmes doivent se voiler et cesser toute activité professionnelle, et où chacun finit par se convertir. Je crois qu'il y ait là très peu de satire, mais au contraire une définition exacte de ce que les régimes prétendument "islamistes modérés" apporte, par une pression sociale insidieuse qui se passe de lois.