mercredi 25 mai 2011

Un blog commercial

Cette découverte de l'ancien journal (quelle erreur d'y avoir retouché!) me refroidit dans l'écriture de ce blog. Et maintenant je me souviens que ces Brèves sont justement nées d'une volonté de sortir de problèmes personnels pour évoquer des aspects généraux: le monde, la cité, l'homme... Je ne voulais pas écrire un journal intime - même si le ver était dans le fruit! à cause de cette catégorie "épilogue" qui ne devait qu'être anecdotique, et qui ne l'est plus.
Il est temps de passer à autre chose, peut-être. D'ailleurs, j'ai inauguré un blog commercial concernant mes achats d'estampes (à la suite de cette visite londonienne que j'avais rapportée ici): l'idée est de montrer les objets que j'achète afin de leur faire acquérir une plus grande valeur. L'estampe est un objet qui m'est bien adapté, puisqu'on ne peut le montrer à son entourage ou dans son environnement de peur d'en abimer les couleurs, de froisser le délicat papier - mais que l'on peut montrer en version numérique sans aucun risque  de contrefaçon (à l'inverse d'une photo que l'on peut copier infiniment). L'idée est aussi de raconter les procédures d'enchères et les opinions sur l'intérêt de tel ou tel artiste, les goûts, les couleurs. Mais avant tout une visée commerciale, et pour cette raison je le rédige en anglais et j'y ajoute des publicités.

dimanche 22 mai 2011

Leper in his lair

Relu dernièrement:

"I never saw sad men who looked
With such a wistful eye
Upon that little tent of blue
We prisoners called the sky,
And at every careless cloud that passed
In happy freedom by."

Oscar Wilde, Ballade de la geôle de Reading

jeudi 19 mai 2011

On pourrait en faire un tout autre récit

Je m'en veux presque de cette exploration dans les eaux profondes de 1996 et 2002, j'ai l'impression d'avoir relu les mêmes phrases, les mêmes clichés que dans ces brèves... N'ai-je absolument pas progressé? Certes, l'esprit de Christiania flotte encore, et je me sens tout autre... mais à quoi bon si c'est pour vivre l'éternel retour du même?
Par exemple, cette idée jamais contestée que la poésie m'a sauvé du suicide, à l'adolescence - idée encore rabâchée il y a quelques nuits (ou ici pour une version plus détaillée). On pourrait en faire un tout autre récit, pourtant! La posture prétentieuse du pseudo-artiste, caché dans le secret des tiroirs et des blogs, m'ayant isolé du monde, au moment où bien d'autres choses auraient été possibles. Pour résumer, loin de me sauver de la mort, on pourrait dire que la poésie m'a séparé de la vie, en quelque sorte...

Et même là je constate avec effarement que ce "nouveau récit" avait déjà été vaguement ébauché il y a plusieurs mois, même là, même dans mes paradoxes et mes ruptures je me répète!

dimanche 15 mai 2011

2002 (bis)

"De ma fenêtre, j'entends une sorte de musique orientale, à la terrasse du café des conversations animées ont lieu, d'autres personnes observent, une tasse à la main, un verre aux lèvres, l'incessant défilé de la rue, les voitures, les couples qui passent, la nuit qui tombe doucement. Ah! Pouvoir vivre! Vouloir vivre!"

Écrit sous les toits de Paris, le 20 août, lors de cet été solitaire où, au lieu de rester tétanisé par la chaleur et la timidité, j'aurais dû - quoi? et qui sait où cela m'aurait mené? Tout semble tellement plus facile à distance, de l'autre côté de la jeunesse!

2002

Je relis aussi, rapidement mon journal de 2002: resucée des mêmes thèmes, intonations et considérations patriciennes (c'est un héritage du "Vierger" dont je peine encore à me débarrasser, et même les révoltes à deux francs du poète maudit de 1996 me paraissent préférables!), désespoir, inactivité... Je n'y vois qu'un profond marasme: il est vrai qu'à partir de là j'ai cessé d'être stimulé par mes études. Toutes ces années n'ont servi à rien, j'aurais pu faire tant de choses intéressantes, sexuellement (alors que je me sentais stupidement bloqué - mais c'est aussi l'époque de mes affaires vénitiennes, et j'ai retrouvé Irène Adler peu après), et chercher à écrire pour de bon, être publié (pour être honnête, c'est exactement ce que j'ai fait, et le journal de 2002 s'ouvre sur l'envoi des manuscrits du Pas d'un homme pauvre). Quel échec!

samedi 14 mai 2011

Pensées (peu) profondes (2)

Et puis, au milieu de citations ineptes et bavardes, cette phrase lourde d'expérience: "Lors même qu'on souffre de sa différence, on jouit de sa différence" - 1998.

Pensées (peu) profondes

Étonnement! J'ai retrouvé en fouillant dans un vieux carton mon carnet de Pensées profondes, que j'avais ultérieurement, par sarcasme, renommé "Pensées (peu) profondes", avec en page de titre, dans de jolis listons, les deux devises: "Puisque je vis, j'essaierai" et "Tout ce qu'on dira mort pour moi sera vivant (phrase  reprise par Paul Toussaint dans Vers la Vie). De nouveau, il m'est difficile de mesurer ma proximité avec ces mots d'autrefois, qui me semblent distants, écrits par d'autres... Influencé par mon retour de Christiana, je me sens libre, détaché de mon être passé, détaché de mon être présent, de tout.
Habituel usage de la dissimulation, ce carnet était protégé, scellé dans un placard oublié: et maintenant tous ces secrets n'ont plus d'importance, je n'ai plus aucun compte à rendre sur leur teneur. Il en sera probablement de même, dans peu d'années, de ces brèves.

Pour commencer, et bien qu'il soit injuste de se moquer d'un adolescent qui ne peut plus répondre et se justifier, retenons quelques belles perles lyriques, l'usuelle posture de l'artiste maudit:
  • "Je m'enferme face au monde comme une tortue; seulement, ma carapace de solitude est tournée vers l'infini du ciel." - 28/04/1996
  • "Ô vous tous! Vous serez vieux, vous mourrez, vous serez oubliés. Oh! Quel malheur! Oh quel malheur la vie!" - 03/05/1996
Puis on entre dans des eaux plus connues, avec des exergues de circonstance:
  • "Tels, ils marchaient dans les avoines folles / Et la nuit seule entendit leurs paroles." (Paul Verlaine, Fêtes galantes - Colloque sentimental) - 1997
  • "Hors l'écho je ne parle à personne, à personne." (Philippe Jaccottet, Portovenere) - 1998
Quelquefois pourtant, des phrases prémonitoires, ou dont j'avais gardé le souvenir:
  • "Il faut mener une vie lente et monocorde pour pouvoir rêver le crayon entre les doigts à cette vitesse de vie que l'on n'a pas ou plus." 09/02/1996 (Préface de à MALH [aucune idée de ce dont il s'agit])
  • "Éléments bruyants, tuez moi! / Seulement, après le passage, / La ville sera pâle et froide. / Le port s'endormira. / Même le silence se sera tu." (Le Paradis perdu [idem, je ne me souviens pas avoir écrit un poème (?) de ce nom])
  • "Il n'y a pas de joie, de mélancolie, ou d'hybrides; toute parole n'est qu'on mode différent du malheur." (Introduction aux quatre saisons, Vers la Vie)
Mon rêve de vie à l'époque était le suivant: "Je me mets à rêver parfois. une pièce, des hommes, et des femmes, des poètes, tous! et de la poésie! Je suis là-haut tranquille, dans les bras d'une femme... et j'écoute." - 25/02/1996. C'était le rêve de ma jeunesse, qui n'a peut-être jamais vraiment disparu, le désir de faire partie d'un "milieu littéraire", bohème, où nous aurions eu ad libitum de la poésie, de l'alcool et des femmes. D'une certaine façon, ce que j'espérais trouver dans ma vie ultérieure, à Paris, puisque toutes les biographies en font mention, puisque les grands écrivains, comme je me les figurais, ne passaient pas leur temps avec bobonne, ou à s'occuper d'enfants pleurnichards, ou à s'encombrer de métiers informes... Bien sûr tout cela peut prêter à sourire, et de tels cénacles n'existent sans doute pas - ou plus - remplacés par des plateaux-télé et des blogueurs du dimanche soir, mais c'était un rêve honorable, authentique. C'est ce qui m'a fait garder un semblant d'estime de soi, l'orgueil qui élève l'homme, à une époque où tout me poussait à la destruction.

mercredi 11 mai 2011

Dialogue

"On n'écrit pas à deux", dit Erik Orsenna. Il n'y a pas de littérature qui soit un dialogue (sauf à inclure les "dialogues" que d'informes blogueurs ont avec leur maîtres, plutôt des borborygmes qu'ils leur imposent à leur insu, résultat d'une digestion laborieuse).
De même la fonction "commentaire" des blogs ne m'a jamais paru d'une grande valeur ajoutée, excepté la correction orthographique: il suffit de voir les quotidiens en ligne et les blogs de journalistes, qui semblent n'attirer que des excités et des "serial-blogueurs".
Je ne parle pas des médias participatifs, comme wikipédia (auquel je suis contributeur), dont l'objectif est de créer un système d'amélioration mutuelle: mais, dans ce cas, il s'agit d'atteindre une vérité objective et universelle. L'exercice doit donc être choral, cela n'a rien à voir avec un "journal intime".
Tout cela n'est pas égoïsme et fermeture. On y reviendra, mais autant prévenir dès maintenant: j'écris par crainte que rien ne reste de moi qu'une image fausse, élaborée par d'autres. Ce blog a ainsi vocation testamentaire - et qui voudrait que son testament soit objet de pourparlers irréfléchis?

mardi 10 mai 2011

Chongqing

Deux nouvelles très intéressantes, dans le gratuit du jour, pour tous ceux qui chercheraient encore des traces du "réveil de l'Asie", et pour les historiens du futur.
  • Les îles Samoa vont changer de fuseau horaire à la fin de l'année, afin de s'ajuster à leurs principaux partenaires commerciaux de l'Ouest du Pacifique - décision historique, dans la mesure où elles avaient choisi l'actuel fuseau horaire il y a 119 ans, pour faciliter les relations commerciales avec la Californie.
  • Une liaison ferroviaire Anvers-Chongqing est désormais ouverte, sur une distance de 10 000 kilomètres.

lundi 9 mai 2011

Viande des Grisons (bis)

Cette histoire de Graubünden, dont j'aurais vite perdu le souvenir, ne l'eussé-je enregistrée dans ces brèves, aura au moins servi, en fin de compte, à modérer une de mes angoisses.
Car si cette viande sèche peut encore me paraître appétissante, c'est qu'il me sera loisible, dans les quelques années à venir, de demeurer sur le marché, en cas de banqueroute constatée de mon affaire avec Della Rovere.


(Jacqueline B pourrait reprendre quelques paroles de Frino, ou les siennes, de cette façon.)

dimanche 8 mai 2011

Viande des Grisons

Cette affaire de Graubünden, que j'aurais vite oubliée, ne l'eussé-je consignée dans ce blog, aura finalement le mérite de me rassurer.
Car si cette vieille carne peut encore me sembler consommable, c'est qu'il me sera possible de rester sur le marché pour quelques années encore, dans l'hypothèse où mon commerce avec Della Rovere tomberait en faillite.

samedi 7 mai 2011

Retour de Christiania

Frino pourrait dire qu'au fond il n'y a pas de culpabilité à ressentir, ni de doute, si tout est effectué dans la "poursuite du bonheur", dans "l'ouverture de ses chakras"... Et, après tout, le monde contemporain ne semble pas voir d'immoralité dans toutes sortes d'actes autrefois réprouvés (adultère, homosexualité, inceste même, peut-être), pourvu que tout cela soit fait dans la joie et la plénitude. C'est en quelque sorte la conséquence de ce que j'appelais le "devoir du bonheur".
Il n'y a pas de place pour une "mauvaise vie"; seul s'en rend coupable celui qui s'en accuse lui-même. On ne lui pardonnera pas non plus le doute, le revirement, ni la repentance!
Les critères de jugement sont à géométrie variable, car ce n'est plus la société qui les impose aux individus, mais l'individu qui se les fixe. Problème majeur toutefois: le conflit n'a donc plus lieu entre l'individu et la société, mais entre l'individu et les pléiades de systèmes de valeur de ses congénères; il se dessine certes, ici ou là, des modes de pensée dominants (parce que l'homme est trop paresseux ou fatigué pour concevoir ses propres valeurs), groupes, clans... Mais non un vaste ensemble. Et c'est bien là que réside la difficulté, car il n'y a plus de rébellion possible. Il n'y a plus d'ennemi à abattre, nul ne peut adopter d'honnêtes postures d'homme libre, de libertin: l'ennemi est trop nombreux. L'ennemi est partout. Ou, plutôt, il est un peu partout. (insaisissable, ni l'église catholique - insignifiante; ni les pouvoirs publics - accaparés par d'autres soucis plus pressants; ni les bien-pensances - y compris progressistes tant dénigrées).

jeudi 5 mai 2011

Explétif

La lente rédaction de ce blog m'amène à envisager des questions de grammaire que je ne m'étais jamais vraiment posées. Je les indique généralement en fin de post, entre crochets et en italique. Récemment, et à deux reprises, m'a été posé le problème du "ne explétif". Voici les deux phrases:
  • "je crains qu'autant de mots-clés attirent des yeux indésirables sur ce blog - tant pis... ce sera mieux que rien!" (2 mai 2011);
  • "parfois je crains que ce blog soit connu de mes plus proches, je me dissimule, mais au fond je ne pense pas qu'ils devraient s'en formaliser." (14 avril 2011).
Dois-je rajouter un "ne"? Jacqueline de Romilly écrit que c'est une question d'usage, que "l'idée de crainte pèse sur la subordonnée". Ainsi, "je crains qu'il ne vienne" signifie "il viendra et cela me déplaît", "je crains qu'il ne vienne pas" signifie "il ne viendra pas et je le regrette". Ma Grammaire méthodique explique par ailleurs que l'emploi de ce mot est "toujours facultatif et indique un niveau de langue recherché".
Je veux bien avoir un niveau de langue recherché, mais le "ne explétif" ne me semble pas traduire ce que je veux exprimer ici. Le sens des deux phrases est justement que je ne crains pas d'attirer des  logiciels espions par l'utilisation de mots-clés douteux, ni de révéler mes pseudo-vérités à des amis... (C'est une de mes habituelles fanfaronnades, car il est évident qu'une diffusion à mon entourage de ce blog m'importunerait considérablement. J'y reviendrai. Quant à mes "ne explétifs", je garde ma posture téméraire, et je continue à* les ignorer.) Tant pis pour "l'usage"!

["continuer à" ou "de"? Je retiens de la Toile que les deux sont possibles, que "continuer à" est préférable, sauf pour motifs euphoniques - je m'en tiendrai à cette règle]


lundi 2 mai 2011

Humaniste et occidental...

Cette réaction unanime de joie à l'annonce de l'assassinat d'Oussama Ben Laden* me laisse une impression de doute. D'une part, certes, il était temps de l'empêcher de nuire (et il n'y a pas de quoi pavoiser que la première puissance militaire mondiale mette dix ans pour localiser un seul homme, au XXIe siècle!); d'autre part, certes, la vraie marche des choses, humaniste et occidentale, aurait été de le capturer et de le juger, ou au mieux (soyons réalistes) de se contenter d'un discours sobre. Mais nous avions tous admis que cet homme était le mal incarné, et que le supprimer changerait tout (ce qui est hélas loin d'être prouvé...) - sommes-nous tous devenus "bushistes", pour croire encore à la lutte du bien et du mal? Tout cela ressemble à une vaine vengeance.
Je mets en relation cet événement et notre intervention en Libye, où nous semblons chercher par tous les moyens à liquider Mouammar Kadhafi: avec quelle légitimité? et surtout, dans quel but? Que changera la mort d'un homme, si ses idées et son système survit? On aimerait pouvoir dire que c'est aux peuples de se libérer eux-mêmes - et peut-être finissent-ils finissent par le faire, au bout du compte, avec parfois une légère aide bienvenue (cf. mon post sur le printemps arabe, où je me réjouissais des manœuvres américaines). Mais j'ignore dans quel contexte, dans quel exemple historique, la volonté d'imposer la démocratie et la liberté par la force a jamais été un succès.


[*: je crains qu'autant de mots-clés attirent des yeux indésirables sur ce blog - tant pis... ce sera mieux que rien!]

dimanche 1 mai 2011

Cheminement

Magnifique trajet à travers la "France des villages"! Ces paysages ne sont pas à proprement parler spectaculaires, mais il faut avoir voyagé pour en apprécier la beauté sereine, la richesse. Je n'étais attendu que "pour l'apéro", et j'ai pris une journée pour traverser la moitié du pays, choisissant (grâce au GPS) les chemins les moins larges possibles, et des villages aux noms surprenants (par exemple, le bien-nommé Colombé-la-fosse). La route était le voyage. Ou, dit autrement, il s'agissait, non d'un "séjour", mais d'un vrai "voyage" - avec l'étymologie "voie", comme en turc yolculuk est formé sur "yol": la route, le chemin - et effectivement j'ai cheminé.
Et encore, j'avais un objectif! On pourrait envisager de partir à l'aventure sans aucun but pré-établi, sans guide décernant des étoiles, sans carte ni instrument, conduisant à vue, suivant l'inspiration d'un paysage, la promesse d'un panneau, d'un toponyme...
Promettons-nous de le faire un jour prochain, plutôt que de séjourner à l'autre bout de la Terre!