mercredi 27 décembre 2017

Messe de minuit (2)

Pensant à cette messe, je relisais en diagonale l'évangile de Luc: "Et moi, je vous dis : Demandez, et l'on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l'on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe. Quel est parmi vous le père qui donnera une pierre à son fils, s'il lui demande du pain? Ou, s'il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent au lieu d'un poisson? Ou, s'il demande un oeuf, lui donnera-t-il un scorpion?"
Sans doute nos "problèmes" viennent-ils aussi de notre incapacité à formuler clairement nos désirs, à exprimer des demandes contradictoires impossibles à satisfaire... Alors j'ai demandé les choses de façon simple, du pain, un poisson, et un œuf!

mardi 26 décembre 2017

Messe de minuit

Cette liturgie m'emporte toujours dans des directions lointaines... Mais cette fois, la célébration de la naissance me laissait indifférent, puis furieux. Je repensais aux dernières années, à ce qui m'avait été donné et repris aussitôt. 
"Allez, dans la paix du Christ. Nous rendons grâce à Dieu." Je ne suis pas allé dans la paix du Christ, et je n'ai pas rendu grâce à Dieu. Mes efforts ont été vains. On m'a volé ce que j'avais. Et j'ai perdu mes meilleures années dans une attente absurde peut-être, mais légitime. Pourquoi devrais-je rendre grâce?

dimanche 29 octobre 2017

Wolvendael (2)

Je ne pouvais supporter cet ennui. Et je suis parti seul, marcher vers la "vallée aux loups" déjà mentionnée, qui pourtant ne m'avait guère aidée à remettre mes idées en place ("Je perçois si distinctement mes limites et mes insuffisances"). Comment est-il seulement possible, tolérable, de s'ennuyer autant à nos âges? Les trois années précédentes du "voyageur absent" m'avaient laissé dans le mouvement perpétuel: il ne se passait rien de sérieux dans ma vie, mais j'étais incapable de m'en rendre compte, tous les déplacements occultaient l'immobilité de ma vie! Mais maintenant, les jours se succèdent aux jours, similaires, les week-ends se passent dans l'inaction: courses, télévision, une vague promenade comme un chien qu'il faut aller sortir.
Il va falloir vraiment trouver autre chose, et vite.

Du coup je pensais relancer quelques projets d'écriture, le 3N3J, le voyage de Frino à Paris (trouver un titre), etc. Mais à quoi bon si c'est pour sommeiller éternellement sur l'étagère, une fois terminé, imprimé,  corrigé. Travail inutile et plus qu'inutile: nocif - divertissement et "écran de fumée" qui dissimule l'action.

mercredi 4 octobre 2017

Sur le référendum catalan

Événements de Catalogne... Catastrophiques images de ces policiers retirant des urnes, poussant des familles... Propagande contre propagande.
Je ne crois pas un instant que le nationalisme catalan soit sain, il m'a toujours paru violent - au moins verbalement. Mais qu'en sais-je ?
Et bien sûr le référendum ne respecte pas l'ordre constitutionnel espagnol, mais peut-il être effectué autrement qu'anticonstitutionnellement ? J'espère qu'un peu de sagesse renaîtra, que des pourparlers pour un vrai référendum seront entamés, avec peut-être une révision de la constitution ? Pour qu'on soit enfin fixé sur le désir d'indépendance des catalans, comme au Québec ou en Écosse... Mais la sagesse est passée de mode ces jours ci, dans des sociétés gâtées par leur prospérité et qui préfèrent se créer des faux problèmes.

samedi 23 septembre 2017

Le lourd et le léger

On me parle de Peter Sloterdijk (apparemment très connu mais cela montre à quel point (1) nous n'entendons rien de ce qui se passe en Allemagne (2) j'entends encore moins que les autres), et je vais acheter ses livres. L'article disait en particulier que Sloterdijk recommande de s'affranchir de la dichotomie bien/mal pour aller vers le léger/lourd - intéressant, car la notion de bien et de mal a fait la preuve depuis deux mille ans de sa relativité, de sa grande inutilité voire de sa dangerosité. Le"mal" existe sans doute (assimilé pour moi à la "pulsion de mort"). Mais dans la vie quotidienne, le "mal" est une notion assez inopérante. Le lourd et le léger correspondent bien plus à nos modes de vie actuels où l'on nous demande de survivre quatre-vingts ans sans trop s'ennuyer, en restant en bonne santé, sans trop chercher le jugement dernier de nos actions ni la pesée de nos cœurs*... 

*

PS: avec la pesée du cœur, les égyptiens mélangeaient-ils le "mal" et le "lourd"? il faudra lire ce qu'écrit Sloterdijk...

vendredi 22 septembre 2017

Une volonté constante

Rappelé par Sylvain Tesson dans sa chronique sur Homère:

"Dieux, vous voulez venir en aide au maudit Achille 
qui ne possède ni cœur sensé ni pensée flexible dans sa poitrine. 
Comme un lion, il n'agit qu'en sauvage."

Cœur sensé, pensée flexible, et plus loin, dans l'Odyssée je crois, une volonté constante.

jeudi 24 août 2017

A la rattrape du temps perdu

Pour essayer de rattraper le temps perdu, je voudrais reprendre les choses là où je les ai laissées, mais trois ans plus tard. Appelée par Isabel Bremen, qui se sépare de Georges, Sofia Frino se rend à Paris. Elle y rencontre par hasard Jacqueline Berger. Elles se battent pour le peintre. Ce sera l'occasion de régler mon compte avec cette ville.

mercredi 16 août 2017

Lendemain d'Assomption

J'apprends que le dogme de l'assomption de la vierge n'a aucune origine scripturaire, et ne date que du XIXe siècle en tant que dogme officiel de l'Eglise catholique au même moment que l'abstruse "immaculée conception". J'apprends aussi que l'Eglise orthodoxe célèbre la même fête de façon différente "la dormition de la vierge" et cela me rassure sur la santé mentale de l'orthodoxie par rapport au catholicisme, de même que l'Eglise orthodoxe s'est toujours méfiée du concept de "péché originel", un concept rabâché depuis des siècles (depuis Saint Augustin) et qui n'a eu besoin que d'une trentaine d'années pour s'effondrer et disparaître honteusement. Ces dogmes doivent néanmoins survivre quelque part dans le Catéchisme, jamais expliqués aux fidèles que comme survivance d'un état d'esprit passé.

*

J'ai déjà évoqué le rêve "d'une vie méditative au fond de quelque Trappe bucolique, à l'écoute de Dieu et de la nature", à lire enfin et longuement les écritures, les pères de l'Eglise, à chanter la gloire de la création... Mais plutôt qu'une trappe ce devrait être "dans l'île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus". J'avais proposé à Della Rovere un poste à Athènes il y a quelques mois... J'irai en Grèce un jour pour de bon. Après tout, c'est là que ma vie a commencé, avant même ma naissance.

lundi 14 août 2017

Turin après Turin

La ville savante, élitiste et gourmande, ordonnée comme une caserne au point qu'on se demande où réside son âme, dans une boucle de rivière, sans une montagne, dans les cours intérieures décaties, peut-être, Turin, une des villes les plus majestueuses d'Europe si exceptionnelle dans son urbanisme rigide. Le seule ville un peu comparable serait Versailles - mais Versailles n'est qu'un village. S'il devait y avoir un endroit où fuir, peut-être que là-bas ce serait possible... 

A la Venaria Reale, ébloui par la patience de cette maison de Savoie construite montagne par montagne, forteresse par forteresse, leur savante gestion d'un petit état militaire apte à résister aux plus grands. Un état bilingue, à cheval sur deux mondes. On se reprend à refaire l'histoire*: si les rois de Savoie ne s'étaient pas lancés dans l'unification italienne. Peut-être n'auraient-ils pas perdu leur trône soixante dix ans plus tard ? Plutôt que de renoncer à leur berceau pour une couronne vite perdue, peut-être que le Piémont Savoie aurait pu se maintenir comme un État montagnard "tampon", comme la Suisse et tout autant prospère. En quelques années, des siècles de travail ont été balayés. Tant pis pour la maison de Savoie. Mais qu'est-ce que Turin a gagné au change ?

Tout le monde en a parlé

Il y a quelques jours je m'occupais de la mise en page des Brèves jusqu'en 2016 (un travail pénible, heureusement bientôt terminé, qui m'a dégouté pour un moment de toute rédaction). Finalement, leur utilité demeure mystérieuse... Je voulais faire œuvre poétique (avais-je écrit quelque part), mais à la relecture j'y vois plus un intérêt historique : ce que j'ai vécu, et qui n'a de sens que pour moi, et ce que j'ai retenu du monde à l'époque, depuis mon obscure position. Printemps arabe, crise grecque, événements de Gezi, toutes ces choses dont j'ai parlées, et qui semblent déjà lointaines ! Et ce dont je n'ai pas parlé, trop éloigné ou trop proche peut-être... Par exemple la campagne présidentielle française: tout le monde en a parlé, tout le monde m'en a parlé... Mais je n'avais rien à rajouter peut-être, porté par les événements, effondré par la tournure des choses, je n'y ai vu aucun événement important, jamais que la répétition d'une crise imminente.

Le voyageur absent

Au cinéma en cet été maussade, pour un film fascinant qui permettait de voir ce qu'on ne voit jamais. 

Impossible pourtant de me concentrer sur le film. Je repensais à ces trois dernières années, ces années vides où rien ne s'est passé, une sorte de tunnel profond. Comment ai-je pu ne rien faire à ce point ? Certes, j'ai voyagé, entre deux villes et deux continents, mais ces voyages ne m'ont rien appris d'autre que fréquenter aisément les gares, les aéroports, les hôtels modernes et les ministères africains (pour ce qu'on m'en a montré). Certes aussi, l'échec du GRMF m'a ralenti - mais il n'est même pas seulement question d'écriture, si au moins il y avait eu autre chose ! Je n'ai progressé en rien. 

Il faudra que je regarde mes agendas pour vérifier ce que j'ai bien pu faire durant tout ce temps. Je ne m'en souviens plus. C'est comme si je n'avais pas été là. Absent à ma vie, absent aux autres dont la vie s'est écroulée sans que je n'en soupçonne rien.
 
Je n'aurais jamais dû accepter de me mettre tout seul dans une telle situation. Surtout sur la base de promesses évanescentes et jamais suivies avec sérieux . Ainsi, les meilleures années de la vie ont été gaspillées, stupidement perdues.

dimanche 2 juillet 2017

Capitale de la solitude

Promenade dans Rome imprévue, merveilleuse, au hasard d'obligations professionnelles! Malgré la fatigue je cherchais une réponse à d'anciennes questions. Et j'avançais vers le cœur de la ville refaisant l'archéologie de ces lieux pour moi, comptant que j'y étais pour la cinquième fois et demi (si je tiens pour demi-expérience une pluvieuse matinée d'août à la gare Termini, où la ville m'était apparue dans toute sa vérité décrépite et souillée)... Finalement, les hasards des dernières années ont fait que je me suis toujours retrouvé tout seul dans cette ville, toujours seul à arpenter les rues en détail (et on visite bien plus efficacement dans la solitude...). Par conséquent peu de souvenirs chérissables: recherches infructueuses, dîners barbants, hôtels tristes - et cette solitude effrayante, plus pesante encore quand tous semblent venir en couples (l'air fatigué par leurs marches, et plutôt malheureux) - et que les habitants se sont enfuis à la plage...

*

Mais je continuais à avancer, le long du Tibre, dans les rues sombres, derrière le théâtre de Marcello, stupéfait comme devait l'être l'homme antique errant dans la ville, avec ses monuments fastueux, son commerce, ses divertissements, ses immeubles de six étages, ses aqueducs, ses statues et ses temples anciens, déjà perdus à l'époque dans une mémoire lointaine. Ce n'est même pas de la nostalgie, c'est le même éblouissement, par exemple, le lendemain, dans cette ruelle déserte (pour cause de travaux) descendant du forum vers le Colisée, avec sa végétation luxuriante entre les pavés, où, sans avoir besoin d'une imagination immense, je pouvais entendre la foule marcher hâtivement vers les jeux, et me hâter moi-même.

dimanche 18 juin 2017

Le succès de Macron

Je n'avais aucun enthousiasme pour Macron candidat, et je projetais mon manque d'enthousiasme sur le résultat d'élections à venir. Je pensais que la droite allait faire une campagne digne, active (mais quelle dignité et quelle activité attendre d'un parti qui n'a pas daigné trancher la simplissime affaire Fillon?). Je ne pensais pas, non plus, que le Président Macron réussirait à imprimer une telle marque brillante, limitée ceci dit à la politique étrangère, dès le début de son mandat. En politique intérieure, c'est plus ambigu avec la récupération des débris pourris du MoDem, dont il a intérêt de se débarrasser au plus vite.

Bref il va gagner son pari, avoir une très (trop) large majorité, qui va lui donner la légitimité que l'élection présidentielle chaotique ne lui avait pas vraiment donnée.
 
Mon conservatisme m'incite à la méfiance, mais "le coeur dit "pourquoi pas?"" - même s'il aura un laps de temps infime pour changer le pays. Essayons.

lundi 15 mai 2017

Sous la surface

Pays fascinant, avec une profondeur de civilisation que l'on devine sous la surface, disponible et vivante. Tristesse aussi du voyageur, s'il veut bien se donner la peine de voir ce qu'on lui cache: comme le résumait Della Rovere, c'est un pays (à peu près) sûr pour le touriste étranger, mais dangereux pour ses propres habitants. Et l'on s'inquiète pour tous ces gens avec lesquels on a échangé, discuté, qui ont cherché à nous signaler leurs frustrations... Cette impression d'enfermement, d'impasse (attendons les élections de samedi) prévaut sur toutes les merveilles que j'ai pu voir.

L'échec de Macron (suite)

Les macronistes se plaindront dans un mois de l'incohérence des Français qui vont créer une situation de cohabitation non prévue*, réduisant ainsi le Président à un statut décoratif... C'est pourtant très cohérent : (1) ils ont rejeté une raciste dangereuse et un notable malhonnête mais (2) ils veulent bien être représentés par un homme jeune, beau, et plutôt consensuel (trop lisse?) mais ils n'iront pas jusqu'à confier la conduite du pays à un débutant qui n'a aucun parti, aucune assise locale, ni aucune figure identifiable nationalement. 

Cela semble une décision raisonnable. La cohabitation est certes cacophonique mais n'empêchera pas un gouvernement d'exercer le pouvoir effectif avec sa majorité parlementaire. En même temps, elle introduit un contre-pouvoir possible (est-ce bien ou mal, je l'ignore).
 
Une coalition ? Mais les macronistes n'auront pas grand chose à faire valoir. Pour gagner quelques sièges aux législatives, il aurait dû provoquer beaucoup plus d'enthousiasme lors de sa campagne, dépasser les 30%. Là, sa victoire est plutôt chiche, informe.

lundi 17 avril 2017

Le serment de fidélité

Discussion sérieuse, et espérons sans lendemain, avec Della Rovere sur l'attitude à tenir en cas de victoire du Front national, à la présidentielle de mai. Della Rovere envisage de rester où elle est, arguant de l'improbabilité  d'une victoire aux législatives ou de leur maintien au pouvoir plus de cinq ans. Rester engagée pour que les choses ne tournent pas trop mal dans le pays. Je lui répondait que le pouvoir ne leur échapperait plus jamais, qu'il pourrait bien commencer doucement mais se renforcerait au fil des années et des boucs émissaires (comme la Turquie d'Erdoğan, qui est plus ou moins le modèle que suivra la France), et que tout fonctionnaire atteindra un niveau de compromission au-delà duquel il sera impossible de se retirer (par exemple quand sera exigé un acte contraire aux droits, ou un serment de fidélité - ce qui devrait vite arriver).

Je défendais une position moins courageuse. Je voyais dans cette victoire un ordre de changer de vie, de partir loin et de cesser de servir les citoyens (ce qui donne un sens à mon engagement). Si les citoyens considèrent que ce que je fais pour eux leur est nuisible, je ne perçois pas l'intérêt de continuer contre leur volonté, même biaisée et désorientée par des manipulateurs livrés à des obsessions d'ordre psychiatrique (l'obsession de Philippot contre l'Europe, par exemple, que j'ai pu observer de près). Une sorte d'exil, en regardant le pays s'effondrer, se déchirer, en comptant les amis emprisonnés, etc. puis, si nous sommes encore vivants 20 ans plus tard, en revenant pour reconstruire la patrie.

*

PS: non qu'un serment de fidélité au pays me pose souci, en soi. J'ai toujours considéré que mon engagement professionnel, au lieu des mille autres carrières privées que j'aurais pu mener, valait serment de fidélité.

vendredi 14 avril 2017

Ecclésiaste 11-4

Page ouverte pour le visiteur dans l'abbaye Saint Vincent de Chantelle :

"Qui regarde le vent, ne sème point,
qui observe les nuages, ne moissonne pas.
Comme tu ne connais pas la route du vent, ni les secrets d'une femme enceinte, ainsi tu ne peux connaître l’œuvre de Dieu qui dirige tout.'

lundi 27 mars 2017

Ad augusta per angusta (2)

On pourrait aussi avoir une situation nouvelle de cohabitation, avec une majorité "républicaine", et un président aux ailes coupées, incapable de la moindre action autre que protestataire. Ce serait une catastrophe, mais c'est sans doute le scénario le plus plausible aujourd'hui.

Ad augusta per angusta

Fascinants événements de la politique française, décevants également... Une telle fresque pourtant, avec tant d'acteurs nouveaux, de seconds couteaux et de vieilles gloires, pourra faire longtemps l'objet d'analyse. Comment le plus improbable des candidats est désormais sûr de sa victoire. Comment sa victoire va immanquablement se transformer en défaite un mois plus tard (car qui va voter pour les pitres que sa commission d'investiture aura sélectionnés?). Comment chacun prépare déjà la législative, ayant déjà fait son deuil de la présidentielle (centristes et juppéistes s'accrochant aux candidatures républicaines, seules sûres pour eux et seules à même dans quelques mois de leur assurer une place dans le gouvernement de Macron, quand celui-ci, au milieu d'un vaste désert politique, devra se rapprocher des partis pour en détacher les blocs "progressistes" et/ou pragmatiques).

Est-ce le choix du peuple ? Formellement oui, mais plutôt une suite de circonstances, des hasards. Ou une logique d'éparpillement des idées, autour de radicalités incompatibles? Les programmes les plus extrêmes n'auront satisfait que des minorités, et le centre, avec un programme modéré quoique pas forcément facile, débarrassé de la figure détestable de Bayrou, a une possibilité de gouverner la France pour la première fois depuis plusieurs décennies.
 
L'absence de parti demeure pour moi un vice fondamental, qui m'empêche de m'enthousiasmer devant le succès de l'expérience (bien qu'elle soit à cet égard une "révolution"), et qui me fait déjà entrevoir son catastrophique effondrement dans cinq ans. Je ne suis sans doute pas assez moderne, je continue à croire dans la nécessité de l'ancrage territorial qu'apporte la "politique du passé". La nécessité de se sentir représenté à tous niveaux, et pour le pouvoir central de disposer de nombreux relais. Les partis sont nécessaires à l'équilibre d'un pays, au jeu des passions humaines, locales, mondiales. Là, il n'y a rien que le cerveau d'un seul homme. Des "marcheurs" qui s'arrêteront vite. Je n'y crois pas.

D'un modèle inattendu

L'activité de cet ami* m'impressionne, surtout quand je compare avec la médiocrité de ce que j'ai pu faire ces (trente?) dernières années... Je n'ai jamais rien mené à son but, jamais atteint l'excellence, l'accomplissement des choses. J'ai papillonné de priorités en découragements, vite lassé parce que je n'arrivais pas à obtenir ce que je voulais vraiment.


* On l'appelera "Vishnou" - pour les quatre bras dont il semble doté!

Le Triptyque de la trahison

Dans une cathédrale sombre, je repense à cette découverte l'été dernier, par un jour pluvieux, quand les vêtements trempés, chaussures de toiles transformées en éponges, j'avais réveillé le gardien de sa sieste pour me faire ouvrir la chapelle où sommeille depuis cinq siècle le "Triptyque du maître de Moulins". Quel choc !

Cette couleur exubérante jamais restaurée, ces personnages sagement admiratifs, certains d'offrir à l'éternité l'image de leur piété présente. Une part de cet émerveillement ne vient pas de l’œuvre elle-même, mais du fait qu'elle n'a jamais quitté l'endroit pour lequel elle avait été destinée. Comme les fresques du Palais Médicis, comme l'Enterrement du Comte d'Orgaz, le retable d'Issenheim ou le Polyptyque de l'agneau mystique. Ces œuvres ont évité le dessèchement et la perte de sens d'un musée, elles se présentent à nous dans leur intention première, une intention qui dépasse la beauté artistique mais vise au message politique ou au salut.
Plus émouvant encore, d'apprendre que ce triptyque a simplement été fermé, puis oublié dans un bas côté, lorsque le fils de son commanditaire à trahi le roi de France et perdu son duché. Objet d'une dévotion permanente, la peinture aurait-elle traversé les guerres de religion, la révolution? Se souviendrait-on encore du Connétable de Bourbon pour autre chose qu'une fonction prestigieuse à l'époque, mais nullement unique dans la longue histoire de France ? Certainement pas, et ce n'est pas sans sourire que l'on songe que le père ne doit la perpétuation de son souvenir qu'à la trahison du fils!


dimanche 19 février 2017

Tentation du bien (2)

Tzvetan Todorov poursuivait cette idée dans son dernier livre, Le triomphe de l'artiste, dont je lis une page dans Le Monde - accusation du messianisme politique de l'Occident libéral. C'est faire peu de justice aux tunisiens, aux burkinabés, aux gambiens, que de les imaginer manipulés par l'Occident pour l'instauration de régimes démocratiques sur son modèle (j'imagine que ce n'est pas le message du livre, mais c'est ce que laisse à penser l'extrait que j'ai sous les yeux). 

Je persiste à penser que la démocratie est la forme la meilleure d'organisation de la société, et par là j'entends une république avec des institutions honnêtes, crédibles, qui permettent à l'alternance de se faire sans violence. Ce qui compte c'est cette alternance, non pas forcément le changement mais la possibilité du changement.

Or précisément, nous avons accepté les contraintes de l'ordre politique internationales (règles des Nations-Unies sur les réfugiés par exemple), de l'ordre commercial (OMC) ou de l'ordre financier (les marchés qui réclament une certaine orthodoxie budgétaire entre autres) qui vont contre les désirs du peuple. C'est ce genre de règles difficiles à modifier qui crée une frustration puissante chez les citoyens. Et ce sont exactement les règles sur lesquelles l'Union européenne a fondé sa norme et sa vertu.
 
Nous l'avons accepté à une époque de reconstruction, de construction, où le souvenir de la guerre était encore vivace. En Europe non plus, cet ordre n'était pas "naturel" peut-être, et il suffit de songer à l'histoire de l'Europe pour constater que nous n'avons jamais réussi à nous unir, malgré la création une civilisation plutôt homogène : les forces d'auto-destruction sont puissantes, notre appétit pour le chaos, notre indifférence à l'ordonnancement des choses, à la stabilité des institutions. C'est contre cela qu'une poignée d'hommes s'était réunis (car leur projet n'avait déjà pas suscité beaucoup d'enthousiasme, et le consensus était aussi étroit qu'aujourd'hui).

samedi 18 février 2017

Trois danseuses

Soirée de grand n'importe quoi dans la nuit d'hiver. Et nous regardions les lèvres, les poitrines, l'allure, imaginant les professions, les origines, les caractères.... Fête confuse, brouhaha, que nous observions assis dans la longue banquette, cachés derrière nos verres - quand soudain passèrent, se tenant par la main comme pour ne pas se perdre, trois jeunes femmes qui se frayaient un passage parmi les groupes mouvants - et nous vîmes trois "danseuses", un Matisse tournoyant et joyeux, surgissant comme une image inoubliable, disparaissant dans les entrailles du café.

jeudi 16 février 2017

Tentation du bien

Mort de Tzvetan Todorov. Il faudra que je relise Mémoire du mal, tentation du bien qui semble dire ce que j'ai toujours pensé des institutions européennes, une tentation dangereuse à se présenter comme les uniques dépositrices du bien contre le mal, là où tout ce qu'elles font n'est jamais qu'arbitre entre différentes options, certaines totalement valables mais non suivies, balayées rapidement comme idiotes ou amorales - non "vertueuses" en quelque sorte par rapport à une "vertu" créée de toute pièce pour se regarder agréablement dans le miroir.

C'était le coeur de ce que je voulais écrire dans mon "bouquin sur l'Europe". Mais, depuis, beaucoup de choses ont changé et ce projet est à revoir La crise de l'Euro, et plus encore la crise des réfugiés, ont suscité des remises en cause si bouleversantes que les institutions en ont perdu leur narratif: voulons nous l'austérité au risque de plonger des pays dans des crises profondes? voulons nous être généreux et accueillir les migrants, ce qui ferait notre honneur, ou souhaitons-nous préserver des équilibres démographiques ? En quelques mois, les mêmes ont été forcés de tenir des discours et de mener des actions totalement contradictoires... Heureusement, les institutions sont capables de flexibilité et d'amnésie. Appelons cela realpolitik ou cynisme, c'est ce qui leur permet de survivre encore un peu. La tentation du bien était une imposture mortifère, pratique à claironner mais impossible à assumer pour des institutions basées sur le compromis.

"Vouloir éradiquer l'injustice​ de la surface de la Terre ou même seulement les violations des droits de l'homme, instaurer un nouvel ordre mondial dont seraient bannies les guerres et les violences, est un projet qui rejoint les utopies totalitaires dans leur tentative pour rendre l'humanité meilleure et établir le paradis sur Terre." (Tzvetan Todorov)

jeudi 2 février 2017

D'un pays non-visité

Rencontre fortuite dans le tramway: le fantôme de Wiedergrün... Simple rappel de ce qu'aurait pu être l'autre vie, si différente de celle que mon pessimisme m'a dépeint sans cesse... Comme si nous vivions toujours au bord du ravin, prêts à nous abîmer au moindre mauvais choix! Mais non, plusieurs routes auraient pu être prises, et chacune aurait eu sa part de bonheur, comme celle-ci, comme une autre.
 
J'aurais aimé m'avancer et lui parler - mais pour dire quoi? Pour rappeler que rien s'était passé il y a dix ans? Ou que son rêve, comme une destinée possible, a été très souvent médité, caressé... A quoi bon? Une telle présence pour une personne inconnue lui aurait paru au mieux loufoque, au pire inquiétante... Il faudrait pouvoir mesurer l'importance qu'ont prise, dans notre vie, les histoires que nous n'avons pas vécues, les pays que nous n'avons pas visités mais qui demeurent, intacts, avec leur promesses lumineuses, avec les monuments audacieux que nous y avons construits.

mardi 31 janvier 2017

Le plus tôt serait le mieux

François Fillon doit se retirer de la course quel qu'en soit le prix pour le parti. Le plus tôt serait le mieux. Il pourrait peut-être gagner la bataille judiciaire mais il a perdu la bataille de l'intégrité morale, et n'a plus rien faire en politique, en tout cas rien à faire dans cette élection présidentielle.
Qu'avait-il en tête durant toutes ces années ? Et on ne parle pas des années 1950, on parle d'il y a moins de dix ans. C'est indéfendable. Qu'il parte! et qu'on en profite pour faire le ménage dans nos pratiques et nos accommodements avec l'honnêteté et la transparence.

lundi 30 janvier 2017

Suite de Sur Venise (2)

Ce passage est d'autant plus étrange que la "révolution" à laquelle Emmanuel Macron invite la France semble être l'inverse du chemin entrepris par Venise: quitter notre fétichisme de la terre, notre vision fermée de l'hexagone, pour l'ouverture vers le monde et une modernité prometteuse. Comme l'ont fait tant de Français partis à l'étranger, qui sont sans doute un bon vivier pour lui. Mais notre système politique est trop territorial, c'est un système de notabilités et de "gens du cru".
Sa révolution ne marchera jamais. Même s'il est élu, il sera rattrapé par ces mécanismes de légitimité locale. Il va peut-être dans le sens de l'histoire mais, curieusement, la géographie compte sans doute plus désormais...

Totems de la modernité

Exposition Chtchoukine à la Fondation Louis Vuitton (quel merveilleux bâtiment, tournant le dos dédaigneusement à la ville ancienne (on aperçoit la tour Eiffel uniquement par une fente improbable) et s'ouvrant sur la verdure et les buildings de la Défense, comme un rêve d'Amérique ou de Japon. C'est stupéfiant!).

Mais l'exposition elle-même m'a déplu. Les tableaux sont magnifiques et m'ont donné l'occasion de raviver mon intérêt pour Matisse (il faut les voir en vrai, et en nombre, pour se faire une juste impression de l'effet que le peintre recherchait). Outre qu'il y avait trop de monde et que le public des expositions quoique bien cultivé n'est jamais très civilisé (mais que faire?), la démarche de cette exposition m'a semblée très vaniteuse, sans intérêt. "Icônes de la modernité", mais c'est nous qui en faisons des "icônes"! Chtchoukine ne les avait pas conçues comme telles: il s'agissait plutôt d'un "salon" servant à l'éducation du goût moscovite, pour l'ouvrir aux tendances modernes. Il n'a jamais lui-même prétendu qu'il faudrait avoir quelque révérence pour ces tableaux (il a failli renvoyer la Danse!), il s'agissait plutôt d'une recherche basée sur des relations personnelles avec quelques artistes - et sur ce point-là l'exposition me laisse sur ma faim.

On compare la salle des Gauguin à une iconostase, mais tout le monde accrochait les tableaux de cette façon à l'époque, serrés les uns contre les autres, sans laisser un seul espace vide! C'est nous qui les isolons comme des totems au fond de salles vides et blanches! Quelle tristesse.

vendredi 27 janvier 2017

Sur Venise (2)

Hasard des lectures, je trouve une allusion à l'histoire de Venise dans le livre d'Emmanuel Macron. Il consacre une page (!) à une sorte de comparaison entre la France d'aujourd'hui et la Venise du XVIe siècle, obligée de changer son modèle économique, suite aux conquêtes turques et à la découverte de l'Amérique qui a entraîné un déplacement des flux commerciaux. Venise s'est tournée vers la terre ferme, et il est vrai que ce que l'on admire aujourd'hui a peut-être plus à voir avec cette capitale provinciale qu'avec le centre d'un grand empire maritime.
C'est oublier pourtant que les Vénitiens se sont battus pendant deux siècles pour conserver cet empire, qu'ils ont continué à faire des profits dans le commerce levantin, et que cette orientation vers la terre ferme leur a fait perdre leur identité, puis leur indépendance.
Je n'ai pas compris la comparaison, mais j'admire qu'il en parle. Il ne m'a pas semblé lire quelque chose d'approchant dans les torchons politiques feuilletés récemment. C'est vraiment un esprit atypique.

Sur Venise

Fascinant livre d'un historien oublié, sur la fidélité de la ville à ses origines (une "polis" antique qui a traversé les siècles), au moment où l'Europe inventait de nouvelles formes sociales et territoriales, la féodalité autour du château et loin de la ville, le nomadisme "barbare" qu'ont préservé les rois jusqu'au 18e siècle (et même au delà, j'y reviendrai). Ainsi, la fidélité à la forme byzantine n'est pas qu'une vague influence liée au commerce, mais l'affirmation d'un lien avec l'Empire romain (d'Orient, celui qui avait survécu), et, dans l'architecture, une volonté de se démarquer d'influences pourtant proches géographiquement.
Ainsi la basilique Saint-Marc est-elle avant tout un pastiche byzantin, une oeuvre volontairement archaisante (on ne faisait déjà plus cela à Constantinople), orientalisante et non authentiquement vénitien (d'ailleurs ce style n'a été repris nulle part dans la ville).
Autre fait singulier, Venise n'a jamais été entourée de murailles (la lagune suffit) et même les palais ne sont pas les grandes forteresses florentines austères et déplaisantes, mais de vastes entrepôts faisant étalage de la richesse de leurs propriétaires, des palais ouverts à la lumière. La ville de la fête, du cérémonial civil, comme devait l'être Athènes.
Puis l'auteur se perd en descriptions de mosaïques, de fresques, d'où submerge finalement l'impression d'un voyage des artistes "byzantins" et d'une évolution de leur style là où nous ne voyons qu'un art figé. Mais les fresques de la Kariye Cami sont plus proches de Giotto que des mosaïques de Ravenne, l'Empire byzantin anticipait peut-être la renaissance, comme l'Italie. Puis l'art s'est figé dans la nostalgie et la tradition, et n'a plus rien apporté au monde qu'une influence lointaine, presque magique, comme l'art égyptien, mésopotamien...

dimanche 22 janvier 2017

Raison des brèves

Cette impression de tunnel... Si ne restait pas quelques photos, comment pourrais-je me souvenir de ce que j'ai fait en 2016, sans parler des années plus anciennes? Me souvenir de ce que j'ai pensé, de ce que j'ai réellement vécu (car comment croire toutes ces photos trompeuses, ces jolis paysages - comme si je n'avais vu que des jolis paysages!). Il faut pouvoir dire le temps qui passe, arracher les souvenirs le long du chemin.
Sans un mot, sans un témoignage, il m'est tellement facile de trafiquer ma mémoire, de prétendre que les choses ont été différentes, plus belles, moins belles peut-être. C'est comme si toutes ces années n'avaient pas existé, comme si nous n'avions pas existé.