dimanche 19 décembre 2010

mais vivre. (2)

Et tu osais, de nouveau, parler en termes fanfarons de la vie et de la mort. Invoquant même les mânes du grand Sartre*. Il faut tout de même faire un effort pour pouvoir justifier ta vie! "La mort n'est pas un choix honnête", certes, mais qu'y a-t-il d'honnête en toi? Postures, imposture, demi-vérités, fausse innocence... tant de retouches et de ratures que ton propre visage s'en est trouvé gommé. Tu hésites, tu ne sais pas ce que tu veux, tu ne sais plus ce que tu aimes.
Pauvre homme! Ce n'est pas en réinventant de façon partielle, biaisée, inverse même, le message des grands penseurs, que tu parviendras à te sauver. A ton crédit une seule chose: tu n'accuses aucun autre homme, ni la cité, ni le monde. Tu es de bonne foi dans tes mensonges, car tu n'as plus besoin du révélateur sartrien: il n'y a que contre toi que tu puisses te retourner, dont tu puisses te venger. Et c'est ainsi que tout finira, dans la destruction, la détestation de toi-même...

samedi 18 décembre 2010

mais vivre.

"Si je range l'impossible Salut au magasin des accessoires, que reste-t-il? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui." (Les Mots).
Il faut reconnaître que ce vieux crapaud avait du style! C'est d'ailleurs ce qui le sauve, car tout son livre n'est que du style, l'éclatante exhibition* d'un talent conscient de lui-même. Il sait très bien qu'il ne vaut pas n'importe qui.
Comme la plupart des hommes de son époque, son discours est désormais inaudible, fourvoyé dans les idéologies. Loin d'être l'homme libre qu'il croyait être, il n'apparaît que comme le jouet de la grande mode de "l'intellectuel", croyant remonter à Zola, à Socrate même sans doute! alors qu'il n'avait ni passé, ni avenir.
Pourtant, une fois ces réserves émises, je ne rejetterais pas en bloc l'existentialisme, qui peut survivre indépendamment des gauchismes. Ce que nous dit le message sur la mauvaise foi et la liberté, c'est que l'homme est libre à chaque instant; tout est sujet à renaissance, la pesanteur des choses n'existe pas. Tout est choix. Il n'y a pas de voie tracée (la fatalité du "tout échoit"...); et une fois les voies tracées disparues, avec elles le suicide comme unique horizon s'efface, comme par magie! Non qu'il faille contempler sa trajectoire avec bienveillance! Il faut essayer, et justifier ses essais - tandis que la mort n'est pas justifiable! La mort n'est pas un choix honnête. Il faut porter un regard cruel sur la vie, mais vivre.
Voilà, pour résumer, ce que je peux écrire en hommage au vieux sage, ce que je veux écrire en mémoire de l'adolescent d'autrefois lisant, au fond d'une couchette où pointaient, par le hublot, quelques étoiles d'été, avec stupeur et résignation le message terrible qui l'a sauvé.
[*: ai changé monstrance par exhibition qui correspond davantage à ce que je voulais dire (un exhibitionniste qui ouvre son manteau pour montrer, en l'occurrence, son stylo); par ailleurs, monstrance est un objet et non un acte. Gardons toutefois ce mot intéressant dans une synapse pas trop reculée, pour l'avenir.]

vendredi 17 décembre 2010

Jacqueline Berger

Sur la Soirée chez Frino (titre à trouver) / Il faut cesser la narration par les personnages: c'est une impasse littéraire, sauf à réécrire les Mémoires d'Hadrien. Des héros banals, il ne peut sortir que des récits banals. Cela convient sans doute pour un ou deux livres, mais non pour une œuvre plus étoffée (comme s'il y avait une œuvre étoffée!).
Le narrateur sera donc extérieur à l'histoire... mais c'est un procédé finalement un peu ennuyeux, également. De toute façon, je hais le narrateur omniscient; sa situation m'a toujours parue injuste, artificieuse. Je voudrais un narrateur engagé, en l'occurrence une narratrice qui serait un vrai écrivain, qui serait l'auteur elle-même. J'ai pensé à un nom comme "Jacqueline Berger": voilà qui permettrait de bien s'amuser.

Appel en absence

Rêve étrange où la duchesse de Bragance cherchait à m'embrasser et, suite à mon refus, s'emportait et critiquait della Rovere. Rêve prémonitoire également puisque la duchesse a essayé de m'appeler aujourd'hui: en raison du rêve, je n'ai pas décroché.

dimanche 5 décembre 2010

Orientalisme

Il est intéressant effectivement d'observer qu'une partie de notre art du XIXe siècle aspirait à l'Orient; une partie anecdotique toutefois, peu de choses hormis des croquis pittoresques ou des rêves érotiques que seul permettait le maquillage oriental, comme autrefois le prétexte mythologique. Mais, au moins, cet intérêt a existé!
L'histoire inverse aurait été intéressante à conter: les créations artistiques orientales ont sans doute été marquées par l'Occident, mais il ne me semble pas que l'Occident, jusqu'à la deuxième moitié du XXe siècle, ait paru d'un quelconque intérêt en termes de folklore séduisant pour les autres peuples. Peu leur importait, à l'époque, de regarder en face l'image sordide de leur avenir. La situation est bien sûr toute autre désormais, quand le monde entier se précipite à Paris à la recherche d'une "âme éternelle" probablement ensevelie depuis des années.
Peut-être peut-on en déduire que nous ne sommes fascinés que par ce que nous ne craignons pas, ou ne craignons plus, par ce qui n'existe plus, ou qui disparaîtra vite: le futur imprenable ne nous enchante guère, seul le passé nourrit le rêve? La contemplation des ancêtres, des ruines, des mondes révolus, ne nous évoquerait pas la mort, mais les multiples potentialités de notre propre vie.

lundi 29 novembre 2010

Schwergefasster Entschluss

Ce rêve dans une ville imaginaire avec, d'un côté, une cité un peu poussiéreuse, une rue animée avec beaucoup de jeunes, qui marchaient un verre à la main, le long d'une palissade, et, en continuant en contrebas, on arrivait dans un grand quartier de villas de style "wiesbadenoises", aéré et bourgeois. Nous y avions notre appartement, avec Della Rovere, ainsi que Kedi - mais un faux appartement. Il y était question d'une rencontre avec le président dJP, dans le premier quartier, puis nous rentrions à la maison, où rien ne se passait comme prévu.
Il y était question d'atteinte, d'abandon. Il suffit de peu de choses: un bras sur l'épaule, une main timidement posée sur l'avant-bras, décision lourdement pesée...

samedi 27 novembre 2010

Téléchargement

Rêve où je me retrouvais dans une fête à Bruxelles (une fausse Bruxelles), organisée par cette amie de mes parents devenue depuis une papesse des nuits parisiennes, d'après un article probablement de commande. Il y avait une nana qui me parlait sans cesse et dont je n'arrivais pas à me débarrasser.
Je finissais par partir, et il était question d'arnaque par une société de parking. C'était il y a deux semaines, et maintenant je ne me souviens plus pourquoi j'avais tenu, un jour après, à décrire ce rêve dans ce blog.
Rêve médiocre? Mais lui aussi existe, désormais, en pixels noirs sur blancs et dans ma mémoire.

dimanche 14 novembre 2010

Un véritable Éden

Un de ces voyages dont on ne voudrait pas qu'ils se prolongent indéfiniment, et où, même par une semaine de pluie continue, on n'est pas mécontent d'être de retour chez soi. Il serait facile de n'observer ce pays qu'avec des œillères, en faisant abstraction par exemple des barrages militaires sur les routes, des hommes en armes (policiers? militaires? autres?) à chaque coin de rue et probablement totalement inutiles, ou de l'impossibilité générale de vivre normalement, révélée au détour d'une remarque, d'un regard. Et effectivement pour le visiteur occasionnel c'est une destination plaisante, la synthèse de l'Orient et de la Méditerranée, de beaux sites et des individus accueillants, un véritable Éden, où tout pousse, tout croît au bord de riantes rivières, dans une chaleur bienveillante. Voilà une patrie qui est belle à première vue, ou à distance!
On me demandera, n'en est-il pas ainsi de chaque patrie? Après tout, chaque Français qui y réside se plaint de son pays, et ce n'est qu'une fois la frontière franchie, au bout de quelques mois, quelques années, que la nostalgie de la beauté de la France, de la vision ordonnée de Paris déroulée comme un rêve d'or le long du fleuve, où d'un petit village sous une pluie fine d'automne, dans une maison où crépite un feu réparateur, s'empare de lui, et qu'il lui faut revenir, sans délai.
Et quel peuple n'a pas la nostalgie de sa grandeur et de sa prospérité passées, indifféremment de son présent! Certes, mais demeure, même faiblement, l'espoir d'un retour... ou, au moins, d'une possibilité de perfectionnement. Tout cela n'existe plus au Liban, tout est emporté par le pessimisme (justifié!) et le désespoir. Et qui pourrait se complaire d'être enfermé dans un tel paradis, invivable? Le Libanais qui me soutiendrait le contraire est un menteur. Non que ce soit uniquement de sa faute. Ce pays est une honte pour tout le genre humain.

Big Sur

Rêve de la nuit suivante, où je me trouvais avec della Rovere sur une plage, censée être en Californie, très au Nord. Les appartements en bords de mer étaient abrités derrière d'épaisses fenêtres, et nous regardions la mer sans rien faire. Puis un moment j'allais me promener le long de la plage où il y avait des otaries et des éléphants de mer. Je revenais en nageant vers le point de départ. Peut-être y irons-nous un jour.

Musée de Delphes

Rêve stambouliote, de nouveau. Mais cette fois-ci j'emmenais quelques amis (ou de la famille) pour visiter cette mosquée Mirimah que je n'ai toujours pas vue, près des remparts. Nous errions dans le quartier gitan désormais détruit, sans oser nous y aventurer. Il y avait des vieilles églises, et des mosquées où des femmes dansaient, vêtues d'habits multicolores. Soudain nous arrivions à la porte d'un grand monastère, qui s'avérait être le "musée de Delphes": nous hésitions à y entrer, mais je recommandais à mes amis la visite du musée où se trouvait, notamment, cette splendide statue de l'aurige, qui existe dans la vraie Delphes! Ensuite, il y avait un problème d'arnaque dans le taxi, je ne me souviens plus exactement ce qui se passait. Puis nous descendions vers Istanbul.

[utilisation de l'imparfait ou du passé simple? pour raconter un rêve plutôt qu'une action précise, j'ai préféré l'imparfait, qui laisse dans le flou temporel - mais cela donne une tournure étrange à la phrase: "soudain nous arrivions" n'est pas correct]

lundi 18 octobre 2010

Empereur du Japon

Effectivement, il faudrait au minimum un empereur du Japon, un descendant de la déesse Amaterasu, pour commencer à envisager le moindre changement!

mercredi 6 octobre 2010

La poire

Instant d'angoisse à la pensée que, finalement, je ne serai jamais beau, ni vraiment désirable. Je n'en ai pas fait l'effort autrefois, il aurait fallu passer plus de temps dans une salle de sport, à faire un peu de body-building... Maintenant, à quoi bon? Et dans quelques années, il sera irrémédiablement trop tard.
On me dira que la beauté n'est qu'un trafic médiatique, une chimère, mais je trouve au contraire que la beauté objective est assez répandue, pour qui se donne la peine de regarder. Comment font tous ces gens?
Il est évident que ma vie aurait été différente, eût mon apparence physique été différente. Et on ne peut pas m'ôter de l'idée que ce que je crois être un choix rationnel et bien informé n'est peut-être, en fin de compte, qu'une résignation, faute de mieux.
L'offre ni la demande n'ont guère été abondantes... Mais j'avais bien peu à offrir (cf. de Paul Toussaint le début du Voyage d'Hiver), et je n'osais pas demander, mendier: quand je l'ai fait, ce fut un échec. Le vertueux, ou l'homme soucieux de sa statue, répondra qu'il n'a que faire d'être un objet de désir. Il n'y a pourtant que cela qui compte: tout le reste aura été construit en vain.

lundi 4 octobre 2010

La carte et le territoire

Après une étude approfondie de l'homme et de sa destinée, voici que Michel Houellebecq (à l'instar de son héros) raccroche son pinceau, imaginant même sa propre mort, en livrant toutefois un ultime tableau, sous la forme d'un portrait/autoportrait de l'artiste. En dehors de la facture habituelle de Houellebecq, son écriture parfaite et froide, son humour, son regard cruel sur le monde ("un regard latin", et il y aurait beaucoup à dire sur cette formidable remarque qu'il formule, à la dérobée), auxquels lui-même ne croit plus vraiment, le grand intérêt de ce livre réside dans ce dédoublement du "Houellebecq", l'auteur du livre et l'écrivain public, dans une caricature monstrueuse de son image médiatique, à la description de laquelle il a dû prendre un plaisir extrême.
C'est sans conteste un écrivain talentueux, le meilleur de sa génération si l'on ne compte que la poignée d'auteurs qui ont acquis une quelconque notoriété ces dernières années (et que j'ai pu lire, n'ayant guère le courage désormais de lire des romans). Mais un génie paresseux, qui n'a pas perdu son temps en recherches intensives sur un sujet, mais qui, au contraire, a collecté quelques informations ici ou là, sur des sites internet (wikipedia, ryanair, etc.) dans des notices d'appareils électriques ou des plaquettes publicitaires, et à qui cela a suffi pour élaborer une représentation du monde... Chez quiconque, cela aurait tourné à l'anecdote amusante, à la miscellanée. Pour Houellebecq, ces exemples, ces copiés-collés qui vont jusqu'à la retranscription d'absurdités, n'ont pas pour fonction de faire sourire le lecteur, mais simplement d'accrocher son livre au réel. Il serait bien incapable, d'ailleurs, de décrire la réalité du monde, lui qui passe ses journées enfermé dans un lotissement irlandais (ainsi qu'il se plait à se décrire). Que le monde de Houellebecq soit vrai ou faux n'a de toute façon aucune importance, car le territoire réel, ni même l'image satellite fidèle, n'ont aucune valeur à ses yeux. Seule compte la carte, c'est à dire, la représentation humaine de ce territoire. Vieille dialectique entre l'art et la nature, pied de nez à la tradition réaliste, minutieuse, de tous ces écrivains laborieux et sans souffle.
Houellebecq décrit très bien ce cheminement dans l'œuvre du héros, qui commence par la photographie pour passer à la peinture ("vous prendrez mille photos de moi, et seul restera le portrait que vous allez peindre"), qui plus est de la photographie encyclopédique d'un ensemble de quincaillerie, à la révélation de "la carte et du territoire", pour finir par des représentations, savamment choisies, de moments clés de notre époque tels que l'artiste les envisage ("la rencontre de Palo Alto"). Une fois ce travail accompli, il n'y a effectivement plus qu'à mourir.

mardi 7 septembre 2010

Bruxelles

Nouvelle étude expliquant que de moins en moins de Flamands (ou néerlandophones?) habitent Bruxelles, dépassés bientôt par les Marocains et les Français. L'explication à ce phénomène est très simple et n'a rien de culturel ou linguistique: c'est simplement que les Flamands n'ont pas de raison de s'installer à Bruxelles. Ils n'en voient pas l'intérêt. Aucune raison de s'installer dans cette ville pauvre, chaotique, sans emploi, asphyxiée dans les méandres de la politique belge. Aucune incitation n'y fera. Et l'on ne choisit pas son domicile pour des questions politiques.

Qu'attendais-je?

Ai rêvé d'un père fouettard qui réprimandait un enfant sourd. Il y a sûrement du vrai là-dedans, du vécu. Il y a pire, pourtant... mais il y a mieux aussi! J'ai toujours eu du mal à le comprendre. Était-ce indifférence? Ou déception? Qu'attendait-il? Qu'attendais-je?

lundi 30 août 2010

Nocturne en diurne

Rêve étrange où il était question de faire du patin à roulettes, dans une ville inconnue, peut-être dans ces rues glauques de Ravenne entraperçues lors d'une arrivée tardive: ce serait intéressant, d'avoir transformé le nocturne en diurne à l'occasion du rêve. Rêve d'action, sans aboutissement. Il y avait aussi deux femmes dans l'affaire (qui?), mais jamais. Les premières fois sont toujours telles (avec marina sarti, avec della rovere) - me justifiais-je: mais jamais ne s'en plaignait guère! Je suis étonné de ne pas y avoir rêvé avant, quand on se souvient de ma stupeur à la première vision.
Peut-être y a-t-il eu des rêves similaires, dont je ne me souviens pas?
Quelques nuits auparavant, rêve où il était question d'aider des Chinois à fabriquer du vin.

dimanche 22 août 2010

Yolculuklar

Dans la même veine (que "les rêves"), j'avais pensé créer une catégorie particulière consacrée aux voyages. L'idée m'était venue en lisant un excellent livre sur les voyageurs du Moyen-Âge: leur témoignage est aujourd'hui inestimable, c'est tout ce qu'il reste d'un monde disparu. Tandis qu'aujourd'hui, tout est enregistré, filmé, consigné... Il ne sera pas difficile pour un historien dans le futur de reconstituer le monde dans lequel nous sommes.
Toutefois, parviendra-t-il à reconstituer l'impression fugitive du monde, l'empreinte des hommes qui ne soit pas événementielle, ou même structurelle: les sentiments que telle situation dégage chez le voyageur, ses rencontres? Le monde que j'ai vu il y a dix ans, il y a vingt ans, n'a déjà plus le même aspect. Nos vies ont changé.
J'ai même envisagé de créer un blog séparé, et peut-être le ferai-je un jour. Seul problème: cela impliquerait beaucoup plus de rédaction que celui-ci, créerait une frontière incertaine entre le nouveau blog et l'ancien, et surtout, il faudrait prendre des notes pendant les voyages. Difficile quand on n'est pas un "promeneur solitaire" (à moins d'assumer l'existence du blog, mais on connaît mes réticences à ce sujet). C'est un exercice délicat: éviter le détail pittoresque comme la généralité péremptoire, alors qu'un récit de voyage ne peut être que les deux à la fois... et se doit de l'être! Car après tout, des anecdotes anodines traduisent parfois beaucoup, et ce que nous vivons, même dans nos voyages sûrs et bien normés, mérite de s'y arrêter un instant.

les rêves

J'ai créé cette nouvelle catégorie "les rêves" dans laquelle j'ai rangé une série de vieux messages relatifs aux "lieux rêvés" ou aux "rêves qui ne peuvent partir". Finalement, il est plutôt vain de chercher à les relier à quelconque aspect du monde, de la cité, de l'homme, ou de moi-même. Bien sûr, il y a des passerelles, des rapprochements intéressants à faire: mais tous ne sont pas judicieux, et les rêves constituent un univers à part: ils n'existent que tant que j'existe, ils ne demeurent que si je les y autorise, par le souvenir, et n'apparaîtront aux autres que par le truchement des mots que je construis. Voilà un vrai défi...
Il faudra noter plus régulièrement les rêves au réveil, ou au milieu de la nuit. Parfois un mot griffonné suffit: il y a un intervalle de trente secondes où tout est encore matérialisable. En sens inverse, il m'a fallu deux secondes ce matin pour me souvenir de qui j'étais et de quelle était ma situation. Il me semble avoir rêvé que ma mère était morte, puis il y a eu une histoire de gâteau mal cuit (?) avec ma tante. Pas sûr que cela figurera dans les brèves, tout de même.
Finalement, reconnaissons que le déclic nécessaire pour aller dans cette direction m'a été donné par cet excellent film américain, Inception. L'idée des différentes strates de rêves est absolument extraordinaire.

dimanche 18 juillet 2010

Foxconn

Je n'avais guère prêté d'attention à ces suicides dans l'usine Foxconn de Longhua (un événement plutôt anecdotique) jusqu'à ce qu'un article plus détaillé m'apprenne que plus de 300 000 ouvriers y travaillent, et que plus qu'une usine, il s'agit d'une véritable ville d'embrigadement, où les travailleurs sont payés d'un maigre salaire, qui leur suffit à peine pour constituer un maigre pécule pour leur parents (en cas d'échec, mieux vaut effectivement se suicider que retourner au pays). Tout cela, bien sûr, pour qu'Européens, Américains et une fraction d'Asiatiques puissent se ruer sur de nouveaux gadgets intéressants mais dérisoires, qui ne leur apportent que de l'entertainment.
Une pensée rapide en conclurait que la Chine est incontestablement en train de rattraper l'Europe et que nous sommes condamnés à vivre aux dépends des Chinois, dans des pays appauvris et désindustrialisés. Qu'en penserait l'ouvrier de Foxconn?
Après tout, quel gain y a-t-il pour lui dans ce travail? Quel coût cela représente-t-il pour nous? Rien. Au lieu de nos lamenter, nous devrions ouvrir les yeux sur une réalité cynique: nous avons rétabli l'esclavage, en toute bonne conscience. Tous nos outils électroniques nous sont fournis gratuitement par la Chine. On me dira qu'ils reçoivent un salaire... mais l'essentiel de ce salaire est dépensé dans la ville-Foxconn: de même, le maître devait bien s'assurer de payer une pitance à son esclave. On me dira que l'essor de l'industrie en Chine profite aux classes moyennes et élevées, qui s'enrichissent. De même encore, l'esclavage a profité à certains Africains, potentats locaux, "recruteurs" et convoyeurs d'esclaves. La traite n'a pas eu besoin d'une armée pour fonctionner, mais de quelques marchands: elle n'a existé que parce que certains africains y ont vu leur intérêt (l'esclavage ne les choquant de toue façon guère, puisqu'il se pratiquait de façon habituelle).
Nous ne vivons pas comme sous l'Empire romain, peut-être plus comme au XVIIIe siècle, où "l'esclavage" se situe loin de nos regards. Différence notable aussi, il n'est pas pratiqué par les bénéficiaires du système, mais se maintient grâce à une dictature sans vergogne que nous aurions tous les moyens de contrer (avec un tarif aux frontières) - nous nous gardons bien de le faire, car notre intérêt, et notre niveau de vie, réside dans ce système mondial.
Ce système est-il viable? Probablement, oui, tant que l'ouvrier de l'usine Foxconn acceptera d'y travailler ainsi, et que les candidats se presseront à ses portes.

mardi 8 juin 2010

Denn jede menschliche Tat endet in einem Traum...

"Toute action humaine a commencé par être un rêve et a fini par devenir un rêve". On me signale cette phrase de Theodor Herzl. Qu'est-ce que cela signifie? La version originale prête à moins d'ambiguïté "Denn jede menschliche Tat beginnt mit einem Traum und endet mit einem Traum". Ce n'est pas du tout l'action qui finit par devenir un rêve (mais continue d'exister), mais elle se termine, et elle se termine avec/par un rêve. Evidemment, je préfère cette traduction française inexacte, l'idée poétique d'une action réelle qui surgit et s'évanouit dans le passé, mais se prolonge indéfiniment, comme un rêve.
J'en profite pour évoquer ces derniers plans auxquels je pense fréquemment depuis le rêve évoqué plus haut concernant Üsküdar, d'y retourner avec de bons motifs. Mais ce rêve n'a débouché sur aucune action concrète, pour l'instant. La seule action possible serait de reprendre le turc, et je vais probablement le faire - mais à quelle fin? Devenir un rêve, de nouveau?

Toute lutte abolie

Soudain, au milieu d'un concert qui n'avait pas réussi à m'extraire de préoccupations professionnelles (une constante de la plupart des concerts/pièces de théâtre auxquels j'assiste), quelques notes de la sonate KV570 de Mozart ont ressuscité le vieux rêve de "l'aube", repris également dans "la nuit de Georges", quand il envisage de vivre avec Isabel Bremen.
Il s'imagine qu'il passera sa vie avec elle, dans une grande maison au bord du lac, à l'écouter jouer, assis sur les marches de l'escalier. Je vois aussi la langueur d'un dimanche après-midi d'automne pluvieux, quand le monde alentour disparaît dans les nuages, et que rien ne survit dans cet air cotonneux et mouillé que les quelques notes échappées de la pièce à côté. Cette musique lente et qui semble ne jamais finir sera un avant-goût pâteux de l'éternité de l'âme, d'un paradis mou, engourdissant. Toute lutte abolie. Et combien il sera temps, alors, de penser à l'amour et à l'art, de rêver de Dieu, noyé dans l'instant, un verre de whisky à la main...

mardi 18 mai 2010

Vieilles lunes romaines

Sur deux lectures de ce week-end.
Il semble écrit que nous sommes désormais dans une phase "essentialiste" de la pensée humaine, quête d'identité, retour sur soi, "religion des droits de l'homme", par rapport à une période "existentialiste" qui a duré pendant des siècles. Autrefois, il suffisait de se conformer à une pratique, à une norme sociale, pour être assuré d'incarner "le bien": c'est ce que les existentialistes, par la notion du "choix", ont dénoncé... et détruit. En réalité, les existentialistes ont détruit l'existentialisme de la société, comme dans ce film de Fellini où le découvreur des fresques romaines détruit, en leur laissant une ouverture à l'air libre, les merveilles qu'il vient d'apercevoir.
Pauvre religion catholique! S'il suffisait de se confesser pour être pardonné! Car cela était permis, et, à vrai dire, normal, dans les anciens temps existentialistes! Mais désormais toute faute est impardonnable, car c'est une faute contre l'essence, non contre l'existence - le seul lavement possible serait que l'individu lui-même ne la considère pas comme faute, la considère comme son essence: alors seulement, ayant été fidèle à lui-même, il peut se croire pardonné. Chaque être est son rédempteur (ou se croit tel), et, s'il n'est pas Dieu lui-même (même si certains l'imaginent ainsi), il est seul face à Dieu. Qu'allons-nous faire de nos papes et de nos prêtres? Même la religion musulmane, qui définit, si ce que l'on me dit est exact, un rapport direct, immédiat, à la divinité, me semble plus moderne, mieux adaptée au monde contemporain, que notre vieux catéchisme.
Un retour à l'Évangile (vieux refrain) est-il possible? Car le message du christ pourrait, par bien des aspects, s'inscrire dans la modernité. Mais non. En prêchant la soumission à Dieu et aux hommes, en recommandant de tout abandonner pour le suivre, Jésus "ne colle pas" avec l'essentialisme moderne. Il ne recommande pas l'épanouissement de soi, mais l'épanouissement de soi au sein de l'amour de Dieu et des hommes: il était trop en avance, sans doute.

jeudi 13 mai 2010

No man is an island

"No man is an island, entire of itself; every man is a piece of the continent, a part of the main. If a clod be washed away by the sea, Europe is the less, as well as if a promontory were, as well as if a manor of thy friend's or of thine own were: any man's death diminishes me, because I am involved in mankind, and therefore never send to know for whom the bell tolls; it tolls for thee."

John Donne, Devotions upon Emergent Occasions (1623)
-
http://en.wikisource.org/wiki/Meditation_XVII

Découvert grâce à un excellent livre intitulé "Le Chapeau de Vermeer" qui raconte la naissance du monde moderne grâce aux flux commerciaux au XVIIe siècle. Tous les chapitres sur les commerces espagnols, portugais, hollandais avec la Chine (et avec le Japon) sont des mines de renseignements étonnants. Par exemple, le fait que la moitié (au moins) de l'argent de l'Amérique partait en Chine (car nous n'avions rien à leur vendre...) rappelle étrangement le monde actuel.
Et il y a ce dernier chapitre, un peu séparé de l'objet du livre, qui parle du poème cité ci-dessus, et qui, sans les explications sur le commerce du XVIIe, serait en partie incompréhensible.

mercredi 5 mai 2010

"sort son gun"

"[L'enfant - c'est sur l'histoire d'un enfant drogué à Buenos Aires] sort son gun et le butte
Sous le regard indifférent de quelques putes"
Yann Walcker - http://www.yannwalcker.com/index.php3

(vu à une expo ce week-end - Question suffit-il de mettre quelques mots d'argot pour faire moderne? Il y a quelques années, je me souviens de deux auteurs qui avaient écrit des poèmes en alexandrins très classiques sur des gens qui se promenaient dans un supermarché. C'est plus comique qu'autre chose... mais désormais, toute rime ou tout vers paraît démodé, artificiel. Cela me rappelle que je dois écrire cet article sur "la mort de la poésie")

jeudi 29 avril 2010

Comment je me suis disputé...

Guère étonnant d'avoir rêvé cette nuit que tout était fini avec Della Rovere. Que dire de plus? Parmi les mille bonnes raisons pour être ensemble, ne fait certainement pas partie celle de reproduire le schéma cauchemardesque des disputes parentales... Où mettre la limite de ce qui est "décompression", de ce qui demeure tolérable, et de ce qui ne l'est plus? Suis-je moi-même clair dans cette affaire?
A cet égard, souvenons-nous des épisodes violents avec Irène Adler... on peut dire que je me suis considérablement assagi ces dernières années, probablement parce que je suis moins menacé dans ma vie extérieure, moins hargneux. Ou parce que je suis "entré dans l'âge adulte"? Difficile à croire...
Je suis étonné par sa capacité à tourner la page comme si de rien n'était, par mon incapacité à gérer ou à m'expliquer clairement sur le sujet... Mais à quoi cela servirait? Mieux vaut laisser passer, comme elle le fait. J'y attache une trop grande importance, sans doute. Deux mois après que nous nous étions rencontrés, j'avais déjà pensé tout finir suite à une semblable dispute (probablement une fois de plus sur un sujet insignifiant...).
*
Egaré dans d'autres pensées connexes, alors que j'écrivais ce message, je me souviens soudain du poème "Minor Swing" que Paul Toussaint avait écrit dans Jazz, Amer.. C'était à mes yeux un poème d'amour, où il est question de deux êtres incapables de vivre ensemble, mais qui finiront toujours par se retrouver (l'image des vagues qui traversent l'océan pour finir par se re-rencontrer a été volée à Jules Supervielle). Et quand je le lisais, c'était ma conception de ce qui allait se passer avec Irène Adler, c'est ce qui s'est effectivement passé, et, même, c'est parfois ce que j'ai poétiquement en tête, quand je repense à toute cette affaire adlérienne, comme quelquechose qui pourrait potentiellement arriver. Ce serait une vraie catastrophe, probablement.
Par ailleurs je pense que, même si le ton est celui d'un vieux grincheux "qui s'est fait larguer et bien fait pour lui" (style Bill Coleman), Jazz, Amer. est ce que Paul Toussaint a écrit de meilleur, de plus authentique. Mais je ne me battrais pas pour revivre une aussi déplorable authenticité avec Della Rovere: la poursuite de notre histoire m'importe.

dimanche 18 avril 2010

Un livre sérieux... (2)

Dans ces conditions, comment et à quoi bon écrire, si c'est pour n'être qu'un écrivain du dimanche (et encore, uniquement, de certains dimanches)... Il faudrait pouvoir ne faire que cela, y consacrer sa vie. C'est d'ailleurs, souvenons-nous, la raison pour laquelle mes pas m'ont attiré dans cette ville, initialement, et dans ce genre de professions...
Ceci dit, j'ai toujours porté ce doute en moi, et même lorsque, vers l'âge de quinze ans, je produisais deux poèmes par jour et dix projets à la semaine, je me plaignais déjà de ne pas y passer assez de temps: il faudrait compiler l'ensemble de ces textes sur ce thème depuis les origines.
De plus, je crée moi-même un malentendu sur ce que je dois écrire, si je commence à réfléchir à des livres sérieux, publiables (?) et visibles par tous, notamment par mes proches. En réalité, mon objectif initial n'était pas de construire une grande œuvre abondante et éternelle, mais de composer le bon poème que l'on pourrait découvrir au jour de ma mort - cette mort qui était à mes yeux imminente, tant la perspective du suicide était évidente... Il ne manquait plus que cela pour mourir dignement, quelques mots suffisamment beaux et explicatifs. Et quand je notais quelque part que la poésie m'avait "sauvé la vie", ce n'était pour une fois pas une exagération poétique! Portant, si on pousse ce raisonnement jusqu'à son terme, ce serait, davantage que l'écriture, le fait de ne pas avoir écrit ce fameux poème qui m'a maintenu en vie, qui m'a relancé, jour après jour, vers l'avenir ("vers la vie"). Je devrais donc être reconnaissant à mon incapacité et à mon doute (si tant est que je puisse me féliciter d'être encore en vie aujourd'hui).
Il n'a jamais été question d'édition, d'écriture au grand jour, en un mot d'être un artiste - et je fus bien naïf de croire, à certains moment, qu'il eût pu en être autrement! En réalité tout depuis le départ devait être secret, écrit aux heures tardives, dissimulé dans des dossiers cryptés. Rien ne devait être connu de moi - et surtout pas ce blog, mieux caché dans l'anonymat de la Toile qu'en n'importe quel tiroir de la vraie vie!

Un livre sérieux...

Une interrogation, de nouveau. J'ai toujours considéré que l'écriture était ma vraie raison d'être, et, à ce titre, je vis le fait ne pas (ne plus) écrire dans la culpabilité et le regret. Pourtant, dès que je tente de m'y mettre, une chose ou l'autre m'arrête, depuis les conditions pratiques ("où? quand?") que le contenu de ce qui doit être écrit. Par exemple, je réunis quelques éléments pour un "autoportrait du peintre flamand" (il faudra que je revienne dessus), puis je me rends compte que je n'ai en tête qu'une collection de petites scènes décousues. Ce serait déjà bien, évidemment, d'écrire ces petites scènes, mais où cela mènerait-il? J'aimerais pourtant que ce projet fonctionne. Mon intention est enfin d'écrire un livre sérieux, c'est-à-dire un livre qui ne soit pas une histoire à clés sur ma vie actuelle, comme Sherlock Holmes, comme la Nuit de Georges, mais l'histoire de quelqu'un d'autre. A cet égard, le titre "autoportrait" serait volontairement déroutant, car pour une fois je ne veux pas faire un "autoportrait en peintre flamand". On peut certes arguer que Moreiro n'est pas une autobiographie masquée... Cependant, c'est aussi une histoire à clés, d'une certaine façon, même si les clés ne me concernent pas directement (c'est d'ailleurs ce lien entre l'histoire de Moreiro et la vraie histoire qui ont provoqué le blocage actuel, duquel j'essaie de sortir en détournant totalement le déroulement du livre... et dont je ne me sortirai qu'en ayant, également, enfin trouvé un nom satisfaisant au frère de Moreiro!). L'univers de Moreiro est aussi un univers faux, inventé, inversé d'une certaine façon (d'où le rappel du soleil qui se lève à l'ouest): il est autrement difficile de décrire un vrai monde. Bien sûr, l'écrivain garde une certaine "licence poétique", mais je conçois l'écrivain sérieux comme un Zola, un Flaubert, ou, plus près de nous, un Jonathan Littell (dont je n'ai pas lu le livre), amassant les notes et les recherches pour accentuer le réalisme de ce qu'il écrit, et pour qui l'intrigue compte, certes, mais demeure le support de quelque chose plus vaste, la description de la vie, l'inscription éternelle d'une vérité fugitive...
C'est ce qu'ont également réussi, dans leurs domaines respectifs, les grands peintres, les musiciens, les cinéastes. Personne n'oublie bien sûr la main qui a créé ces œuvres: mais la main perd de l'importance avec du recul, car, en cela comme en bien d'autres choses, "la nature imite l'art", et la vision - même faussée - de l'artiste prend valeur de vérité, avec le temps: le souvenir des époques anciennes n'appartient pas aux historiens, ni aux archéologues, quoiqu'ils en pensent. Les poteries ébréchées déterrées du sol grec peuvent bien parler, elles ne diront jamais autant que l'émotion suscitée chez un adolescent, il y a déjà quinze ans de cela, par l'éblouissant Oedipe-Roi de Sophocle - qui se souciera de vérité, dans de tels instants miraculeux!

lundi 12 avril 2010

La croix et le croissant (livre)

Excellent livre sur les relations entre islam et chrétienté au moyen-âge*. Livre dévoré dans les transports comme aux terrasses de café durant ce week-end plutôt ensoleillé, illuminé par cette lecture. Tant de choses découvertes! Mais on voudrait en savoir plus!
Par exemple, l'auteur, Richard Fletcher, nous décrit le réveil commercial de l'Occident, par le biais des cités marchandes (Amalfi, Pise, puis, Gênes, Venise, mais aussi Marseille et Barcelone), qui évincèrent progressivement les flottes musulmanes et byzantines... Grâce à des archives miraculeusement conservées, il est possible de connaître quels étaient les achats effectués sur les marchés étrangers: mais s'il ne s'était agi que d'achats, l'Occident se serait appauvri dans ce commerce (or, ce n'est pas ce que semble dire l'auteur): quelles marchandises vendaient-ils, en échange? Des grosses laines des Flandres (à qui pouvaient-elles bien servir, au Caire ou à Bagdad?)?
Pour d'autres anecdotes, citons en passant, l'étymologie commune de "douane" et de "divan", ou la falsification opérée sur le personnage du Cid, mercenaire à la solde aussi bien des rois chrétiens que musulmans. Et bien d'autres sujets!
Il faudrait pouvoir y revenir plus tard, tout cela est passionnant.

* référence du livre:

Une fausse Istanbul

Un rêve étrange où je me trouvais avec un groupe de quatre personnes dans Istanbul, mais encore une fausse et différente Istanbul. La Corne d'or n'existait plus, et le Bosphore n'était qu'un modeste fleuve, traversé par un petit pont. Sur la rive "européenne", au bord de la mer, les monuments habituels, mais en plus petit, et sur la rive asiatique, des immeubles anciens, puis, dans le lointain, une haute colline avec une forteresse poussiéreuse. Et je me souviens très bien qu'il était question d'abord de se rendre à cette forteresse, puis que quelqu'un disait que nous y étions déjà allés: car, dans un plus ancien rêve (fait il y a quelques mois - ou est-ce un rêve dans le rêve?), j'ai déjà vu la ville sous cette configuration: un Bosphore très étroit, avec, plus vers le nord, un télésiège qui en remonte les pentes, où se trouvait, à l'époque de ce rêve antérieur, notre hôtel - dans un style de gite de montagne -, et, de l'autre côté un village de vacances, dans la forêt. Il y a aussi un appartement, celui de Yücel, qui se trouverait dans la vraie ville au niveau du grand bazar: mais dans mon rêve, il me semble que le grand bazar n'existe pas.
Dans le nouveau rêve, je me trouvais d'abord dans une relation semblable à celles de ma sœur, et, comme dans le rêve de Vadi Bey, nous renouvelions les vaines tentatives d'Ixion... Cela avait lieu dans un marché fait de petites échoppes en toile, étriqué comme un marché de noël estival. Auparavant il avait été question de restaurant également, mais je ne me souviens plus. Puis je me retrouvais avec Della Rovere, et nous descendions vers le faux Bosphore dans l'idée d'aller visiter Dolmabahçe, que finalement (réveil?) nous ne visitions pas.
On pourrait ajouter un jour ce rêve, mais de façon ironique, au projet de "Romance d'Istanbul" qui traîne depuis bien longtemps sur un petit papier, au fond d'un tiroir... Pour l'instant en tout cas, combiné aux interrogations du quotidien, il me plonge dans un marasme vide et intense...

mardi 6 avril 2010

Lieux rêvés (4)

Un lieu supplémentaire, qui curieusement n'apparaît pas en rêve, mais éveillé, quand j'entends certains morceaux de musique classique (Mozart, Schubert). Il s'agit d'un de ces villages terribles et austères, aux vastes maisons en pierre apparente, isolés dans les rochers, près de bois de sapin montagnards, une étrange Suisse posée au sommet du Péloponnèse.
Pourquoi la vue de ce village surgit-elle quand j'entends cette musique? L'écoutions-nous quand nous montions la route vers le village? Ou y a-t-il un lien secret entre une certaine harmonie et le fait que ce village a probablement brûlé l'an dernier, dans les feux de forêts qui ont fait rage en Grèce?
C'est un peu ridicule... mais j'en viens à penser à toutes sortes de liens spirituels (ce qui n'arrive presque jamais, nonobstant ma croyance récente en la vie éternelle), à des correspondances à l’œuvre dans le monde, qui nous lieraient aux hommes et aux lieux. J'ai même, après avoir envisagé de séparer ce blog entre les entrées sur les rêves ("lieux rêvés", etc) et les autres, renoncé à un tel projet: car il semble que, tout compte fait, mes rêves ont été de fidèles miroirs du monde réel, de la marche du monde, et de moi-même, bien plus authentiques que les fantaisistes positions que je professe comme vérités indétrônables!

Verdict

Ai mené l'enquête suite au rêve mentionné antérieurement, ai jugé l'affaire rapidement: non-lieu. Quant au gibier de potence, ce ne fut qu'une apparition fugitive et infondée.

mercredi 17 mars 2010

Lieux rêvés (3)

Encore une fois mes rêves m'ont ramené à Istanbul, mais, pour changer, sur la rive asiatique du Bosphore. Nous montions (avec qui? je ne me souviens plus) à partir d'Üsküdar, il y avait d'abord un parc (dans la rue qui longe la mosquée de droite) avec deux rues parallèles, puis une grande place, et là un complexe d'immeubles imbriqués, un peu vieillot, que nous contournions. Puis à l'intérieur de ce complexe se trouvait un restaurant, dont l'intérêt était une grande baie vitrée, qui ouvrait sur la colline de Çamlıca (en fait une colline complètement vierge, et d'autres montagnes méditérranéennes derrière). Je me souviens d'avoir dit que j'aimais bien cet endroit car on y voyait enfin la fin de la ville, ce à quoi mon interlocuteur (mais qui?) me répondait que ce n'était pas du tout la fin de la ville... Puis nous redescendions, et là nous arrivions sur une grande place (en haut du parc déjà décrit), où se trouvait une série de grands immeubles et d'hôtels de style "brooklynois", avec des grooms qui attendaient à l'entrée.
Ce rêve est sûrement lié aux recherches que je souhaite faire d'un hôtel sur la rive asiatique, pour retourner à Istanbul... mais en réalité j'ai fait ces recherches le lendemain matin, incité par le rêve... Disons aussi que ce rêve est prémonitoire de l'avenir d¨'Üsküdar, ce paisible petit quartier très conservateur, qui ne sait pas encore qu'il va devenir le centre de la ville (avec la finition du nouveau métro). Il faudrait se dépêcher d'acheter une de ces vieilles maisons ruinées au dessus des mosquées, ou plus près de la Selimiye, avant qu'il ne soit trop tard.
Puissent mes rêves m'emporter de nouveau là-bas!

mardi 16 février 2010

Qui ne peut partir...

Encore "un rêve qui ne peut partir" (concernant Vadi Bey, cet excellent poète). En fait je ne suis guère surpris. Il faudrait voir ce qui est dans l'ordre du réel / du possible, mais j'ai quelques doutes.

Temps des brèves (3)

Le rapport au doute joue aussi un rôle. Lorsque, adolescent, je me lançais dans ces pièces en vers, ou dans ces "réflexions à trois voix", etc. j'assumais sans détour ce que j'écrivais, et même quand, après relecture, je constatais que le résultat n'était pas à la hauteur, je n'y voyais qu'une occasion de commencer autre chose, qui serait assurément non pas mieux, mais bon. Est-ce que je ne crois plus en moi?
En fait, je suis assez vite passé à la phase du doute perpétuel, mais c'était encore sur le mode de l'ironie, comme écrivait Paul Toussaint: "Ah, puissé-je tousser toute ma vie / Et donner au monde un beau poème, / Je ne parlerais plus maladie… / L'espoir serait ce que je sème!"
En ne parlant à personne de l'écriture, à l'époque, de quoi voulais-je me protéger? De ce qu'il y aurait eu à savoir sur moi (ainsi que je le justifiais)? Ou n'est-ce pas, plus bassement, plutôt pour prémunir toute critique? Quelles conséquences auraient eu cette critique?

Temps des brèves (2)

Ou bien, faut-il considérer que toute cette histoire d'écriture est, en fin de compte, une affaire passée? Quelquechose qui m'a été utile en son temps à bien des égards (mais qui peut-être aussi, en m'isolant du monde, m'a joué quelques tours...), et qui n'a plus de sens maintenant que je dois être "dans le monde", et non plus un jeune homme en formation, cherchant indifféremment son destin dans toutes sortes de direction? Il aurait fallu être plus motivé et plus "centré", à une certaine époque, pour devenir un vrai artiste (un vrai poète était mon objectif, peut-être).
Ce n'est pas que le fait de ne plus écrire et, finalement, de ne plus ouvrir un soupirail entre moi et le monde extérieur, me désole particulièrement. Je n'ai pas le sentiment qu'un roman, ou quelqu'autre écrit de ma part, apporterait aujourd'hui quoi ce soit aux autres, ou m'apporterait quoi que ce soit (au contraire, ce serait source de nombreux ennuis - mais voilà encore le couard qui parle!). J'aimerais seulement savoir si, peut-être, dans dix ans, dans vingt ans, me reviendront cette envie, ce besoin d'écrire que j'ai éprouvé autrefois. Dans quelles circonstances (que je n'imagine en rêve que dramatiques), et pour raconter quelles nouvelles sornettes?

dimanche 24 janvier 2010

Temps des brèves

Un nouveau problème s'est posé (en réalité, il n'est pas nouveau: il est aussi vieux que moi). J'ai décidé de mettre en ligne tous les anciens poèmes de Paul Toussaint, et j'ai commencé à le faire sous le même format que les brèves (consultables notamment aux adresses http://2n2j.blogspot.com/ ou http://pontdessoupirs.blogspot.com/), dans l'idée qu'il lui serait plus facile de les relire, et pour moi de les modifier, espérant peut-être, secrètement, qu'un jour quelqu'un les lira, et qu'ils lui seront utiles comme ils le furent pour moi… Beau petit projet qui m'aurait permis de renouer avec ces textes d'autrefois.
Mais je suis coincé : il m'est impossible de travailler dessus at home, sans être obligé de rompre le secret (il y aurait beaucoup à dire, sur ce secret) – car, sans mauvaise intention, elle passe son temps à vouloir savoir ce que je fais. J'épie une arrivée possible derrière mon dos : je ne veux pas dire, et pourtant, je ne veux pas me cacher…
Quant à vouloir le faire at work, c'était mon idée initiale. Ceci dit, je n'ose pas m'occuper de pages de blog au travail : non seulement je pense que cela peut m'être reproché (non sans raison), mais en plus, cela me gêne. Je ne vais pas aller m'isoler dans un espace public dès que j'aurais envie d'écrire la moindre ligne. C'était tout de même plus simple avant ! Et pourtant, je n'ai absolument pas profité de cette indépendance…

dimanche 10 janvier 2010

Mano Solo

Je viens d'apprendre la mort de Mano Solo, que mon ami Sébastien White m'avait fait découvrir - cet ami avec qui j'avais eu il y a plus de treize ans une longue conversation ("ce qui me fait peur, ce n'est pas la mort, c'est la vie" - je l'ai citée quelque part cette phrase), au motif que "avec [moi], on peut discuter", et avec qui finalement je n'ai plus jamais parlé. J'ai acheté le disque quelques semaines plus tard... Je pense qu'il y a peu de musique qui m'ait autant bouleversé, en son temps.
Cette mort me ramène à l'adolescent d'alors. Je serais sans doute bien différent, sans Mano Solo, et peut-être n'existerais-je plus; car derrière le désespoir de la vie, il y avait chez lui l'accrochage ultime à l'instant, à l'enfance... Je me suis accroché; j'ai "construit la nouvelle déchirure"*.
Je m'en suis détaché, aussi. Il a changé de thème (tant mieux pour lui) pour aborder des sujets déjà rebattus, et il y a des périodes où une œuvre est essentielle, puis lentement elle perd de son attrait, quelquechose a changé en moi, non en elle probablement... Et pas d'autre artiste sauveur sous la main cette fois, il faudra que je résolve mes problèmes tout seul...