lundi 8 septembre 2025

De l'autre côté

De l'autre côté de la mer, de l'autre côté de la vie, au pays de l'éternel soleil...

Après bien des péripéties, tous les plans longuement préparés se sont accomplis, parfois par des miracles si extraordinaires que je ne prenais même plus la peine de prier leur survenue.  

Et pourtant, tout me paraît ces jours-ci complexe, frustrant, et le monde d'avant me paraît simple, lisible. 

 

mercredi 16 avril 2025

La chute de "l'empire du bien"

Re-feuilleté l'Empire du Bien de Philippe Muray. Qu'en dire ? On se sent face à un objet qui a mal vieilli.... qui était peut-être visionnaire et pertinent à son époque, mais qui ne peut plus guère servir pour aujourd'hui. 
 
Les raticonades sur l'empire du bien, sur l'empire de la fête, paraissent bien futiles. L'empire du bien s'est effondré, hélas, et la fête est finie depuis longtemps. Les lumières sont éteintes. Nous regardons déjà cette période, le tournant des années 2000, avec nostalgie, avec le sentiment d'une perte irrémédiable, d'un enchassement de drames dont ne voit plus la fin. Pandémies, guerres, migrations, changement climatique, devoiement des progrès technologiques... Autant de monstres que l'empire du bien cachait, créant un aveuglement complice mais pas coupable. Philippe Muray avait beau se plaindre, on regrette que l'empire du bien n'ait pas triomphé. Malgré tous ses défauts, ses hypocrisies, l'empire du bien valait mieux que les royaumes du mal qui lui succèdent et promènent triomphalement sa dépouille sur leurs piques... 
 
Ah ! Si seulement nous pouvions revenir en arrière, interrompre l'enchaînement des causes, rétablir le sens du progrès. Il aurait fallu des hommes d'une autre trempe que les "fêtards" et leurs opposants aux critiques mesquines, dont les livres ont pris depuis longtemps le chemin des étagères poussiéreuses ou de la déchetterie. 

mardi 9 avril 2024

Looking back at the photographs

Une chanson qui ne m'a jamais quitté depuis plus de trente ans, dont je ne me suis jamais lassé, et pour laquelle je me tais dès que j'entends les premières notes : Parisian walkways de Gary More.
 
Sorte de mélodie simple, des paroles courtes — quasiment deux haikus — et cette guitare qui ne s'arrête jamais, surtout dans les versions en concert, au-delà du soutenable, comme le cri d'un événement à travers les brumes du temps. 

mardi 12 mars 2024

Les mots de Dino

J'aimerais retenir toutes les sensations que me procurent la présence de Dino, joies, angoisses, fierté, émerveillement. Par exemple, la prodigieuse évolution de la mémoire et l'apprentissage des mots: hier, “bibliothèque", "venise"... utilisés dans le contexte approprié (je lui ai promis de l'y emmener).
 
Déjà, les souvenirs des premiers mois s'estompent, et les photos, vidéos, ne donnent qu'une impression superficielle des vrais sentiments. 
 
Aussi, expliquer la sorte de dépression que j'ai traversée il y a moins d'un an, la peur de ne pas rassurer assez, de ne pas consacrer assez de temps et d'énergie à l'essentiel, c'est-à-dire à la gestion et l'épanouissement de notre petite famille, de la protéger du fracas et de la violence. 

lundi 11 septembre 2023

L'âge est différent (2)

Une autre remarque sur ma jeunesse.

Dans notre éducation, dans leur comportement, je ne peux que constater à quel point les parents ont été lacunaires, contradictoires. Ils se sont comportés comme des cuisiniers paresseux: ils ont collectés les différents ingrédients, puis ont tout mis dans la marmite en espérant que quelque chose se passerait par magie. Mais rien de ce qui devait se passer n'est advenu. Et le voulaient-ils seulement ? 

Par exemple, ils insistaient sur les valeurs "bourgeoises" et appliquaient tous les moyens pour nous éviter des distractions "populaires", pour nous apprendre les bonnes manières, etc. Mais ils étaient les premiers à critiquer la bourgeoisie du nord, à les mépriser profondément. Dans quelle direction aurions nous dû évoluer ? 

De la même façon, la question de la religion était à la fois omniprésente (messe régulière, prière) et très superficielle. Jamais nous n'avons eu la moindre discussion sur la foi, sur leur foi, sur dieu. Je n'ai jamais compris ce que croyaient vraiment mes parents. Tout cela était esquivé, ou délégué à d'autres. La religion n'avait aucun sens, pour nous. Ils ne portaient pas le clergé particulièrement en haute estime. Et même si je leur suis reconnaissant de nous avoir exposés à la religion chrétienne de façon finalement assez libre, je ne comprends pas l' objectif de tous ces efforts. Je ne m'explique leur attitude qu'en les pensant "athées à regret" comme si, en plantant la graine, l'arbre allait prendre terre alors qu'il n'avait pas poussé chez eux. Mais est la toute la vérité ? Encore une énigme...

Toutes ces contradictions ne semblent pas bien graves au regard de tous les drames de l'enfance dont nous avons été protégé. Le problème, c'est qu'elles ont dégénéré en incompréhension, en incompatibilité, en liens distendus et formels, artificiels. 

dimanche 10 septembre 2023

L'âge est différent

Autre impression de la "paternité": certaines sensations me rappellent mon enfance et mes souvenirs, mais dans l'ensemble mon expérience de la parentalité me semblent très différente de ce que j'ai vécu avec mes parents. L'époque était différente, ils étaient également plus jeunes, il y avait peut-être moins de "conseils" de toutes sortes (ce n'était pas forcément un mal...). L'impression générale (peut-être fausse) est que la parentalité n'a pas été pour eux un bouleversement fondamental, qu'ils ont continué à faire ce qui leur plaisait. Pour le reste, ils ont appliqué des préceptes issus de leur milieu social en vérifiant juste qu'on "marche droit". Et j'ai marché droit, bien qu'à reculons. 
 
Je ne dis pas que la tâche a été facile ni exempte de sacrifice. En fait, ils se sont peut-être rendu la tâche plus dure en refusant la bienveillance, et ils paient cher aujourd'hui de n'avoir pu maintenir la relation d'amour et de gratitude. Moi aussi, je l'ai payé cher, mais pas besoin d'insister. 
 
L'âge est différent. À tous égard, la présence de Dino, et peut-être d'un autre (?), tient du miracle. Alors que la parentalité faisait partie de l'ordre des choses. 
 
L'époque est différente. La multiplicité des "recettes" nous laisse dans l'indécision, dans l'impossibilité de croire en certaines normes. La résurgence des dangers crée des doutes sur l'avenir, alors que la priorité de nos parents était surtout notre réussite sociale (et la leur), ce qui conditionnait toute notre "éducation". 
 
Tout cela paraît douteux et vain, en 2023... Mais, à leur avantage peut-être, ils vivaient moins que nous dans l'instant, ils se projetaient dans le temps long de normes qui avaient vocation à se reproduire. Le divorce, la pauvreté, la souffrance du monde, et même la mort, semblaient des perspectives inimaginables. 


vendredi 8 septembre 2023

Une chance

Bref passage à Lille. Je regardais les terrasses animées, le mouvement de la ville industrieuse et néanmoins joyeuse, le spectacle de la jeunesse. Soudain il m'est apparu que j'avais eu de la chance d'y vivre mon adolescence, que cette ville m'avait donné ce dont j'avais besoin, un lieu de sorties, de découvertes, de possible épanouissement - et que je ne vois pas d'autre endroit qui m'aurait mieux convenu, à l'époque.

Pourtant, j'ai fui dès que je l'ai pu. Mais ce n'était pas à cause de la ville. 

Comme je continuais à marcher dans le labyrinthe des rues étroites, j'ai même pensé que, si je devais un jour "refaire" ma vie, ce serait à Lille que je devrais m'installer, que je pourrais y être heureux, dans une de ces petites maisons de brique, ou ces appartements lumineux. Je n'aurais aucun problème pour me faire de nouveaux amis, je saurais où sortir, où voyager, que faire. Brève vision d'une possibilité. Un jour peut-être jamais. 

mercredi 30 août 2023

L'âge du retrait

J'ai vécu tout cet été comme tétanisé par l'incertitude de ce qui sera, ou ne sera pas, incapable d'agir ni même de profiter de l'inaction. Cette necéssité d'attendre (en matière d'orientation professionnelle, de vie personnelle, même sur des détails très concrets) m'a donné une impression étrange d'absence, comme si je n'étais plus acteur de ma propre vie mais spectateur passif d'un téléfilm un peu longuet. On m'a posé des questions parfois, mais je les ai toutes esquivées, et j'aurais été bien incapable de répondre.

Qui je suis, et même le monde dans lequel je vis, semblent des notions très nuageuses, évanescentes. Et plus j'avance en âge, plus s'écroulent mes certitudes, mes désirs, ce que je croyais faire ma "personnalité".

Sur "les hommes"

Je n'ai ni le temps ni le goût pour la lecture ces temps-ci, mais il y a un sujet sur lequel je cherchais à me documenter, le mystère de la sexualité telle que perçue par les hommes contemporains. C'est un sujet sur lequel "les hommes" (ou en tout cas mon cercle d'amis) ne parlent jamais, ou alors par allusions si discrètes qu'on ne comprend pas vraiment ce qui est voulu dire (et qui, si jamais on les creuse, signifient généralement la fin de l'amitié). Je n'ai jamais compris quelle était la profondeur de leurs désirs, ni même leurs pratiques. Les seuls qui en parlent parlent trop; leurs paroles sont peu fiables.

Il ne m'a jamais été possible, par conséquent, de savoir si ce que je vivais relevait de la "différence" ou au contraire était une expérience tout à fait commune. La littérature ancienne aborde parfois ce domaine mais sous une forme romanesque et plutôt pudique, qui ne va pas au fond des choses (et qui, anachronique, ne peut pas réellement traiter des relations hommes-femmes du XXIe siècle). Il y a peut-être des choses dans la littérature contemporaine, mais je ne l'ai pas encore vu. Les livres que j'ai achetés sont soit vantards, soit "éducatifs"/"revendicatifs", soit sur des cas psychiatriques très particuliers, mais jamais sur le ressenti réel de situations habituelles.

J'ai vu un jour en librairie une sorte de journal qui semblait suffisamment honnête, mais je ne l'ai pas achété sur le moment et n'ai jamais pu en retrouver l'auteur. Belle occasion manquée hélas.

jeudi 13 avril 2023

Le témoin aveugle

Feuilleté rapidement quelques pages du Journal d'Ernst Junger écrites lors de son affectation en France en 1942. Lecture instructive mais répugnante aussi. Les descriptions de sa vie parisienne, les pièces de Guitry, les rencontres avec Cocteau... Comment n'a-t-il pu ne pas voir ? Ou s'il a vu, ne pas dire ? Et si encore il se bornait à quelques impressions personnelles, on pourrait tolérer l'aveuglement et l'autocensure... mais non, le Journal abonde en apitoiement pour les soldats allemands blessés ou morts dans le froid. Que venaient-ils chercher en Russie, qui servaient-ils ?.. 

De la même façon, les générations futures nous reprocheront sans doute de ne pas avoir consacré toutes nos pensées au drame de l'Ukraine, au réchauffement climatique, au sort du monde. Serons-nous tous vus comme des Ernst Junger, acteurs de ces tragédies (à notre niveau), coupables même parfois, paradant pourtant dans une fête permanente, incapables d'empathie ? 

mercredi 5 avril 2023

Avant la nuit

J'essaie de m'assurer que Dino dispose d'un cadre aimable, dans lequel il puisse s'émerveiller de la vie et monde... Mais parfois je suis saisi par l'angoisse du moment où la violence du monde nous rattrapera, s'imposera à lui.
Pour moi, cette violence est venue tard: j'étais déjà de l'autre côté de l'enfance. Au fond de moi palpitait une confiance encore brûlante, venue de ces temps lointains, que personne n'a pu détruire. En conséquence (si je me souviens bien), le désir permanent du suicide et la "difficulté d'être" ont toujours été contrebalancés par une réminiscence de la félicité, et par la croyance que les choses s'arrangeraient d'elles-mêmes. 

mercredi 8 mars 2023

Interpréter le silence

Les silences dûs à la fête, à l'esprit qui voyage et n'a pas le temps de témoigner... 

Ou le silence des doutes indicibles.

À partir de janvier, des complexités logistiques et professionnelles m'ont fait perdre pied dans l'organisation de ma vie... Le noeud du problème est sans doute la pression que je me mets pour prétendre à Della Rovere que tout est facile, pour lui éviter de s'angoisser ou de s'énerver continûment. Mais cela requiert du temps, de l'énergie que je n'ai pas. La psychologue dit que l'on ne peut être parfait partout. Je coupe tout engagement autre que familial (et strict nécessaire professionnel). J'en viens à supplier Dino d'être gentil... Tout cela dans l'idée de mettre Della Rovere dans des conditions favorables pour un deuxième enfant. Au détriment de toute autre considération. C'est comme s'il n'existait plus que cela, et l'envie de bien faire pour Dino, de ne pas perdre une seule minute de son enfance. L'angoisse d'en être séparé me serre le cœur, mais mon comportement n'est certainement pas le bon. Je crée des situations de négociations perpétuelles. Le désir en pâtit, alors qu'il faudrait au contraire profiter des bienfaits de la vie, glorifier ce qu'elle m'a apporté en comblant mes demandes les plus improbables ! 

jeudi 3 novembre 2022

Maxime de ma vie

Échec tout à fait prévisible. Mais que nous aurions pu éviter avec un peu d'écoute du corps et des cycles. Hélas, tout l'effort de calcul et de contrôle va de nouveau reposer sur moi. Quelle mauvaise farce.
Si je pense à cela, à mon inexistante "carrière", à tous les projets évanouis et aux désirs enterrés, je vois l'âge adulte comme l'âge où rien ne se passe comme prévu, où tout prend un temps démesuré et une énergie qui nous est comptée. A l'inverse, tout à coup, les décisions vraiment importantes doivent être prises en un quart de seconde, au gré de hasards brusques, sans aucune possibilité de revenir en arrière.
Maxime de la vie ? Je l'ignore. Autour de moi beaucoup semblent accomplir leurs souhaits, en les ayant tranquillement planifiés. 

Plan sur la comète

Della Rovere prend ses dispositions pour réessayer, avec des idées très précises sur l'année qui vient. Refroidi par toutes les difficultés qui ont précédé l'arrivée de Dino (à un moment où je m' étais presque résigné), je suis beaucoup plus prudent. Cela prendra du temps certainement, et le temps nous est impitoyablement compté. Il fallait être sérieux au bon moment. 

mercredi 5 octobre 2022

Au bord du fleuve, aucun message

On me dit que le corps aurait été retrouvé dans la Loire, deux ans après, de ce père de famille qui avait disparu, laissant sa voiture sur la route, sans donner aucune explication.

Au bord du fleuve, un chemin de terre
Sur le chemin, une voiture
Dans la voiture, personne 
Au bord du fleuve, aucun message 

Continuer avec des suppositions sur ce qu'il est devenu. Ou un dialogue entre le père et sa fille (peut-être plus intéressant de s'intéresser au sort des vivants) 

dimanche 11 septembre 2022

La bataille d'Izioum

Tandis que les médias nous inondent d'articles ruminés depuis trois décennies sur la reine d'Angleterre (paix à son âme), des événements historiques se déroulent à l'est de l'Europe, près de Karkiv, dont on mesure mal l'ampleur et les conséquences.
 
Si difficiles à suivre (et si mal documentés) que j'ai dû reprendre temporairement Twitter pour avoir quelques nouvelles qui courent plus vite que les rédactions parisiennes. Ce retournement si brusque ! Cet effondrement colossal, imprévu...
 
Les exploits militaires de l'Ukraine demeureront dans l'histoire, comme est demeurée la résistance, puis la victoire, des Grecs contre les Perses. Marioupol vaut bien les Thermopyles, et Izioum, Marathon.

samedi 10 septembre 2022

Dans le brouillard (2)

Quelle indécence de ma part !... Attribuer ma paresse à la guerre en Ukraine. Certes, les premières semaines de choc ont laissé l'observateur abasourdi, mais il faut continuer à dire les choses, même des peines et des joies quotidiennes. Sinon, le fracas du monde a gagné, et nous a vaincus. 
 
À ma décharge peut-être, chacun a fait de même, attribuant à la guerre toutes sortes de problèmes (voir le débat sur l'inflation), alors que leurs causes sont plus anciennes et n'attendaient qu'une guerre pour exploser. 

vendredi 19 août 2022

Dans le brouillard

Long silence où plus rien ne semble avoir d'importance... La guerre en Ukraine rend tous les états d'âme vains - encore plus leur expression dans ce blog! - et menace toutes les joies d'une catastrophe imminente. 

samedi 19 mars 2022

Dans les ruines de Mariupol

Images et informations au compte-gouttes, qui ne font qu'accroître l'inquiétude et la culpabilité de ne pas pouvoir agir. Bombardements de la maternité, du théâtre où se réfugient les habitants, des couloirs d'évacuation... Comment une telle sauvagerie, de la part des Russes, peut-elle seulement s'expliquer, pourra-t-elle s'expliquer dans le futur ? Les générations à venir en porteront la honte.
 
Autre conséquence significative : dans les ruines de Mariupol, dans la résistance ukrainienne, apparaît clairement aux yeux du monde une nation. Jusqu'ici, pour l'observateur lointain, l'Ukraine semblait une construction douteuse et bancale. L'histoire aurait pu prendre un autre tour sans doute (une Russie à l'influence plus positive aurait peut-être pu rallier à elle certains ukrainiens?). Mais c'est aussi dans la violence qu'émergent les convictions et les solidarités. L'Ukraine a gagné son droit d'exister. 

dimanche 27 février 2022

Si tu franchis le Dniepr...

Pourquoi être surpris, sidéré devant ces images, ces familles réfugiées dans le métro, ces ukrainiens qui prennent le chemin de l'exode ? Tout était pourtant prévisible, visible, et je n'y ai pas cru... 
 
Les conséquences d'une action aussi brutale me paraissent incalculables. Nous sommes également menacés. Mais côté russe aussi, quel est l'objectif recherché? A supposer que la faible Ukraine tombe, que son gouvernement soit liquidé, comment la Russie tiendra-t-elle un aussi grand pays, ses villes de centaines de milliers d'habitants, quand personne n'a été capable de maîtriser trois villages afghans ou sahéliens ?
 
Je recherchais, sans doute pour me rassurer, les mots ambigus de la Pythie: "Si Crésus franchit l'Halys, il détruira un grand empire". 

jeudi 17 février 2022

Au bois dormant

Dans le dernier film de Woody Allen ("Coup de Chance"), le héros ne parviens pas à écrire son livre car il veut être Dostoievski ou Proust. L'équivalent en littérature du syndrome de la belle au bois dormant, qui attend stupidement que le prince charmant vienne la réveiller avec un baiser: il viendra peut-être, peut-être pas...
Combien j'ai pu m'aveugler pourtant, à croire que je pourrais m'affranchir des écrits médiocres et des relations tortueuses ! Le mythe du coup de foudre, le mythe du coup de génie... constituaient ma ligne de vie, la base de tous mes mensonges. 

dimanche 13 février 2022

Où qu'il soit, il fera partie du monde

Réflexion de Martin Gayford en conclusion de son livre sur David Hockney en Normandie, mais applicable aussi à Claude Monnet, aux peintres flamands, à Hokusai: "La morale est la suivante : ce n'est pas le lieu qui est intrinsèquement intéressant, mais la personne qui le regarde. Où qu'il soit, il fera partie du monde."
 
Applicable à toute forme de création artistique peut-être, quand elle s'élève au-delà du folklore, et qui explique qu'on puisse s'émouvoir pour des haïkus, pour l'Odyssée, pour les souvenirs d'un parisien de la belle époque, pour des musiques lointaines... L'important est d'avoir jeté un regard intelligent et sensible, d'avoir vraiment regardé et ressenti, d'avoir voulu (et réussi à) le restituer. 

Il y a des mois que j'ecoute

"Il y a des mois que j’écoute
Les nuits et les minuits tomber
Et les camions dérober
La grande vitesse à la route"

J'avais les premiers mots d'Albertine Sarrazin en tête l'autre jour. C'était une découverte ancienne, (je crois) encore au collège, un livre de poche fripé sur l'étagère la plus poussiéreuse de la bibliothèque (celle consacrée à la poésie !). Mais ces mots ne m'ont jamais vraiment quitté.

Je m'accuse souvent d'avoir gaspillé ma jeunesse, de n'être pas assez sorti, de ne pas avoir assez fait de sport, assez vu de monde, etc. J'ai fait peu de choses, c'est vrai. Et de ce peu de choses, il ne me reste que des souvenirs insignifiants (je vais tâcher d'en reconstituer des bribes). Tous les amis de cette époque se sont évanouis en quelques brèves années. 

mardi 4 janvier 2022

Un petit coup au carreau

Souvenir de l'an dernier quand j'écoutais les lectures de la Recherche par la Comédie Française:

"Un petit coup au carreau, comme si quelque chose l’avait heurté, suivi d’une ample chute légère comme de grains de sable qu’on eût laissé tomber d’une fenêtre au-dessus, puis la chute s’étendant, se réglant, adoptant un rythme, devenant fluide, sonore, musicale, innombrable, universelle : c’était la pluie."

A-t-on jamais fait plus parfait dans la littérature (dans un haïku japonais peut-être ?), plus exact ? 

mardi 23 novembre 2021

Lignes de faille

Ressemblance troublante entre Dino et des photos d'autrefois. Et je me prends à rêver... qu'il serait possible de lui offrir une jeunesse, joyeuse, sans les failles de ma propre jeunesse.

Comment ne pas lui transmettre ces failles, ou ne pas lui en transmettre d'autres, plus grandes encore ? Sans compter les failles que provoqueront d'autres personnes, et dont je ne me rendrai même pas compte ! 

samedi 20 novembre 2021

W polityce głupota

Commentant la déplorable actualité polonaise, Donald Tusk (dont j'apprécie nombre de prises de parole) écrit : "Le monde a été étonné après l'interview du Premier ministre polonais, dans laquelle il annonce la troisième guerre mondiale causée par le conflit entre la Pologne et l'Union européenne. En politique, la bêtise cause les malheurs les plus graves."

J'ajouterais à la bêtise: la fatigue. Et un mélange des deux, peut-être la pire cause de malheurs: la croyance en la permance des choses. En politique, à la force des institutions. Dans les relations humaines, à la valeur des contrats et des serments. Nos lignes Maginot mentales, qui nous font prendre les constructions humaines pour des réalités.

Cette croyance a fait s'effondrer des empires... Et même après leur chute, certains continuaient à les croire immuables, sous d'autres formes (lire le récit d'Eileen Powell, sur cet aristocrate gallo-romain dans sa villa au VIe siècle, ravi de sa vie confortable et érudite pourtant condamnée à l'anéantissement).

Sans aller dans un exemple aussi lointain, regardons nos démocraties fragiles, nos institutions bancales, construites sur trois bouts de papier. Nul besoin de hordes barbares. Un souffle, propagé par de mauvaises bourrasques, et tout est fini. 

Sur la citation d'Alfonso Reyes

A cette citation ("Nous publions afin de ne pas corriger indéfiniment nos brouillons"), j'ajouterais une étape initiale: nous écrivons pour nous débarrasser des idées qui nous hantent, pour pouvoir passer à autre chose. C'est aussi l'usage de ce blog.

Je repense aussi à mon projet de voyage parisien de Sofia Frino. Cela fait cinq ans que j'y réfléchis. J'aurais mieux fait d'écrire rapidement quelque chose à l'époque plutôt que de retourner sans cesse cette histoire insignifiante dans mon cerveau. D'ailleurs, je me désole de n'être hanté que par cette histoire insignifiante. Même de ma vie actuelle, il y aurait matière à faire des livres autrement plus captivants et vrais

Dune

On me recommande Dune, je le lis (à la "faveur" d'une atttaque de covid que j'espère encore modérée...). Les 150 premières pages sont très étranges. Quasiment pas d'action, mais une suite de dialogues entre différents protagonistes. On dirait du théâtre, du théâtre no peut-être, avec des personnages dont on nous annonce à l'avance par des citations liminaires les traits de caractères (le traître, la prêtresse...), de longs silences où l'on observe le paysage, un détail d'architecture.

Je ne crois pas avoir déjà lu quelque chose de semblable. Cette narration non-narrée apporte un mystère supplémentaire au livre, au-delà du vocabulaire ésotérique et des péripéties que j'imagine plutôt communes dans les livres de science-fiction. 

dimanche 7 novembre 2021

Sur trois mémoires

Pour les besoins d'un projet très embryonnaire j'avais acheté en début d'année quelques récents livres de mémoire. Je ne m'attarde pas sur la ridicule, snob et indécente Jeunesse de Pierre Nora. Plus intéressant et modeste, Une jeunesse à l'ombre de la lumière de Jean-Marie Rouart, quoiqu'encore sur ce milieu parisien intellectuel qui semble le seul en France à pouvoir produire des écrivains... 
Pour un peu de fraîcheur, feinte ou pas, lire plutôt Ma vie d'écrivain de Patrick Rogiers, un écrivain artisan de grand talent, rapportant ce qu'il faut d'anecdotes érudites et de remarques personnelles pour rendre le lecteur plus riche une fois le livre refermé (combien de livres, au contraire, nous laissent un sentiment de gaspillage, surtout avec leurs prix excessifs). 

PS: citant Alfonso Reyes: "Nous publions afin de ne pas corriger indéfiniment nos brouillons." 



Dalla Tana al Ghattajo è sichurissimo

Dans le fantastique livre d'Eileen Power, déjà mentionné, cette phrase à laquelle je pense souvent, citation d'un voyageur florentin : "le chemin pour aller de Tana au Cathay est parfaitement sûre". Sichurissimo... en ces temps troublés, on se prend à rêver. Peut-être y a-t-il eu quelques brèves années au XXe siecle où ce chemin a été possible... Je me souviens par exemple des livres de Bernard Ollivier (Longue Marche) qu'il faudrait relire !
De Tana à Beijing par la Russie, le Kazakhstan et la Chine devrait encore être pratiquable, à condition de montrer patte blanche et visée touristique. Les autres itinéraires sont sans doute fermés, à part la voie maritime qu'emprunte l'essentiel de notre commerce, et la voie aérienne bien sûr, si facile qu'elle est à peine un voyage.

"Il n'y eut pas que des missionnaires qui se rendirent au Cathay. Odoric, parlant des merveilles de Hangzhou, renvoie pour confirmation à des marchands vénitiens qui l'ont visitée: "c'est la plus grande ville du monde entier... Etc

Le bon larron

Souvenir d'Éthiopie, parmi tant d'images frappantes et qui restent en mémoire, une représentation très simple de la crucifixion sur le mur d'une église, à Lalibella. Je n'arrive pas à en retrouver l'image, ni dans mes photos, ni sur internet... On y voyait la croix avec à gauche un carré surmonté d'un triangle orienté vers le haut, à droite un carré au-dessus d'un triangle descendant... "Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras dans l’éclat de ton règne. / En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis."
Économie des mots et économie des signes... Mais pour le croyant, un message évident, émouvant, presque magique. 

lundi 1 novembre 2021

La terre riait encore (2)

Sur la nostalgie, je lisais récemment cette remarque d'un Européen de l'Est qui se demandait pourquoi la génération de ses parents continuaient à éprouver de la nostalgie pour l'époque communiste : finalement, disait-il, mes parents ne sont pas nostalgiques des longues files d'attente, des privations de liberté, des organisations de propagande... Ils sont nostalgiques de leur jeunesse. 

La terre riait encore

"La terre riait encore" Jacques Chardonne cité par Michel Deon (qui lit encore l'un ou l'autre?), citation dégottée dans un bouquin jauni mais passionnant et au titre aguicheur: le rendez-vous de Patmos.

Dans le livre, il s'agit de la nostalgie de la Grèce d'avant-guerre, celle de Lawrence Durell... Chaque époque est nostalgique de la précédente. Michel Déon va chercher loin la Grèce authentique, tant les touristes envahissent les îles, les monastères et les villages se vident... On parle des années 1960.

Si je plonge dans mes souvenirs, je crois avoir vu un peu de cette Grèce enchantée, les petits ports déserts, les tavernes où l'on passait dans la cuisine choisir son plat en soulevant les marmites (quel plaisir!), les chèvres capricieuses, la simplicité de la vie... Était-ce une réalité, une illusion ? Pour un petit enfant du péri-urbain qui ne connaissait que son pavillon, son école et son supermarché, la Grèce offrait un contraste presque démesuré. D'ailleurs, les souvenirs de l'enfance à la maison et ceux de l'enfance en vacances sont comme deux univers éloignés, à peine reliés par quelques réseaux d'étoiles. 

Au mitan de sa vie

Sylvain Tesson commentait sur le destin d'Ulysse et des autres héros, dont l'objectif était d'être "au mitan" de leur vie, là où le soleil tombe directement, sans les ombres projetées de la nostalgie ou de l'envie. L'homme ne peut se dire heureux, n'être dans la plénitude de son être, que s'il s'affranchit de ses tensions en avant ou en arrière. "Je suis là où je dois être."

À un moment, il y a quelques semaines, je l'ai pensé. Mais c'est un état impermanent (contrairement à ce que suggère le "ser feliz" de la langue espagnole). Plus le temps passent, plus les regrets s'accumulent, et plus les frustrations grandissent - car le champ des possibles se réduit, et remettre à demain devient une pratique incertaine. Mais les objets de nos regrets et de nos frustrations perdent aussi de leur valeur. 


jeudi 9 septembre 2021

Une source obscure d'autorité

Parmi les nombreuses énigmes de ma jeunesse, cette question qui revient sans cesse: pourquoi mon père ne m'a jamais parlé ? Pourquoi il ne m'a jamais rien dit ?

Bien sûr, il bavardait, racontait des anecdotes professionnelles, parfois un souvenir lointain et peu précis. Mais par exemple, d'expliquer pourquoi ce souvenir un compter, pourquoi son métier l'intéressait (ou pas), cela je ne l'ai jamais entendu.

J'ai l'impression d'avoir eu dans mes parages une source obscure d'autorité, avec des explosions de colère imprévisibles, des réflexions absurdes que j'ai fini par ne plus respecter, et une sorte de morale étriquée faite de conventions non réfléchies, non expliquées et souvent inexplicables.

Si je me souviens bien, il y a eu deux ou trois essais, quand il m'avait donné ses "feuillets", lu un poème de Baudelaire (j'avais déjà plus de 20 ans). Et ces dernières années, les souvenirs se font plus vifs, plus précis, il me raconte une enfance complexe et malheureuse. Pourquoi ne pas en avoir parlé plus tôt ?

Certes, à l'époque, je n'étais peut être pas disposé à écouter, certainement pas à m'épancher, je le fuyais comme je fuyais les autres, plus lui que n'importe que d'autre. C'était un étranger pour moi, un étranger sur une autre planète. Et pourtant, je l'aurais entendu sans le vouloir. Tous les souvenirs avec mon père sont gravés d'une façon plus forte (peut être parce qu'ils ne sont pas nombreux) : quand nous étions allés le voir à son bureau et qu'il m'avait montré son ordinateur, les sorties sur le solex, la journée où nous étions allés à Waterloo, au musée d'Ixelles et à la maison d'Erasme (sans soupçonner que ces lieux déviendraient ceux de ma vie future). 

Pourquoi? Pourquoi ? Pourquoi ?! Comment peut on se fermer à ce point ? Et vivre si longtemps sans altérité ? Et en a-t-il toujours été ainsi ? Et aurait-il pu en être autrement ? 

mercredi 8 septembre 2021

De Marcel Cohen

Lecture de Marcel Cohen dans le restaurant où je profitais d'un précieux moment de solitude et de déconnexion...
 
Mais je ne m'attendais pas à un tel choc. Je voulais presque pleurer dans la salle du restaurant, au milieu des joyeux groupes de dineurs. Et les images restent encore vivantes, poignantes le lendemain, cette mère enfermée dans la clinique, et qui ne peut  ni crier ni parler à son fils de l'autre côté de la rue, de peur de porter l'attention sur lui. Les occasions de s'échapper qui ne sont pas saisies. Les promesses trahies de la France. Tout cela vu à hauteur d'enfant, à plus de soixante ans de distance.
 
Comment une telle infamie a-t-elle pu se perpétrer ? Et pire encore, s'enfermer aujourd'hui dans l'espace d'un événement ponctuel ?

jeudi 19 août 2021

Fin de règne

Interview intéressante d'Augustin Trapenard (un chroniqueur de France Inter) dans le Soir. Il y raconte son enfance et son adolescence dans une famille bourgeoise en Auvergne, ses difficultés pour affronter les codes en vigueur (comme dans toutes les familles de l'époque, ou quasi toutes). 
 
À tous les niveaux, à tous les âges, la norme brise. Hommes comme femmes en sont les victimes. Réussir à s'affranchir sereinement de la norme est la "clé du bonheur", peut-être, mais c'est un chemin difficile, par rapport à la soumission ou à l'opposition bruyante, qui sont les deux alternatives habituelles et insatisfaisantes. 
 
Pendant des années, je n'ai rencontré des individus qui semblaient tous faits du même moule, et qui semblaient tous incarner quelque chose. Même les amis homosexuels m'avaient paru faire dans la caricature et correspondre à une certaine forme de norme. Même les amis proches se taisaient face à leurs blessures secrètes, personne ne disait rien d'honnête, et moi non plus je n'ai rien dit.  Contrairement à ce que je peux souvent lire, notre jeunesse n'a pas été une période légère, insouciante : nous étions dans l'angoisse constante du présent, de l'avenir, du rôle que nous devions jouer, des erreurs "irréparables" que nous devions éviter de commettre. Dans les semestres incertains de la vie étudiante (y compris le stress des examens ou de trouver un énième stage), je n'ai pas trouvé beaucoup de place pour l'épanouissement personnel. 
 
La première libération (tardive) a été l'entrée dans la vie professionnelle, qui a signifié indépendance financière et perspectives à plus long terme. Également libérateur, le départ de Paris, car j'ai senti que cette ville trop codifiée ne me conviendrait pas (erreur de jugement?).
 
Enfin, avec le temps, quand les fissures sont devenues plus béantes, et que certains masques trop lourds à porter ont pu être enlevés, certaines relations plus authentiques ont pu être nouées... L'époque y est aussi pour beaucoup, qui multiplie les remises en cause et incite à relativiser nos certitudes. Les codes sont déconstruits de l'extérieur, par la société elle-même, mais de l'intérieur aussi, car toute personne intelligente voit bien qu'ils ne sont précisément que des codes, des cadres douteux inadaptés aux préférences individuelles. Cet évanouissement de la norme est source d'une immense confusion, mais aussi le moyen d'un affranchissement personnel, pour autant que nous puissions/voulions jamais être tout à fait libres. 

mercredi 18 août 2021

La lampe merveilleuse

Je lis pour la première fois l'histoire d'Aladdin dans la traduction de Galland. J'avais commencé l'intégrale des Mille et une nuits (dans cette traduction), mais le livre trop lourd m'était tombé des mains. "C'est ennuyeux", se souvient Della Rovere.
Sans doute faut-il le lire par petits morceaux, ou ne pas en avoir les attentes préconçues par la littérature moderne d'une intrigue logique, ou d'une "morale" compréhensible. Dans l'Histoire d'Aladdin, il n'est nulle part expliqué pourquoi le magicien choisit Aladdin pour aller chercher la lampe, et lui-même ne s'encombre d'aucun questionnement inutile. Quand l'histoire semble terminée surgit un frère cadet du magicien qui prolonge l'intrigue d'un tiers sans apporter grand chose. De tels "développements" seraient immanquablement coupés dans notre littérature efficace et rationnelle (peu d'auteurs ont rompu avec cette économie de moyens, sauf Proust peut-être, ou Nerval). Mais d'autres intrigues potentielles sont survolées qui auraient contribué à de fascinantes histoires: par exemple, Aladdin dispose aussi d'une bague magique (dont il se sert à peine!), et le conte révèle la présence de deux génies, celui de la lampe merveilleuse, et celui de la bague. A un moment, le génie de la bague explique qu'il ne peut s'opposer aux réalisations du génie de la lampe. Quelle aventure aurait-on pu construire sur  la coexistence des deux génies ! Mais aussi, quelle inépuisable réserve de rêves !
Enfin, il est vrai que la traduction de Galland est ampoulée et sans doute illisible pour la plupart des lecteurs, mais cette langue précieuse, ces formules grand-siècle, ajoutent aussi leur propre exotisme au texte, comme en écho l'enchantement des nuits de Versailles. Comment faudrait-il traduire autrement? Et qui sait si, pour un lecteur égyptien d'aujourd'hui, le texte d'origine n'a pas lui aussi certaines constructions lourdes et mystérieuses, un langage derrière lequel flamboient les lumières de l'orient médiéval, la cour des califes de Bagdad...
"On ne saurait exprimer la surprise et l'étonnement du sultan lorsqu'il vit rassemblées dans ce vase tant de pierreries si considérables, si précieuses, si parfaites, et d'une grosseur dont il n'avait point encore vu de pareilles. Il resta quelque temps dans une si grande admiration qu'il en était immobile. Après être enfin revenu à lui, il reçut le présent des mains de la mère d'Aladdin, en s'écriant avec un transport de joie: "Ah! que cela est beau! que cela est riche!" "
Comment faudrait-il traduire autrement? 

mardi 17 août 2021

La chute de Kaboul

Images de la piteuse débâcle de Kaboul, grand gâchis de dizaines d'années, de milliards de dollars et de milliers de vies.
Sommes-nous dans la même situation qu'il y a vingt ans ? Question difficile. L'occident à changé, sa position dans le monde aussi.
Quels sont désormais les intérêts de l'occident en Afghanistan ? Notamment pour l'Union européenne et la France, à part le flux probable de réfugiés qui traverseront l'Asie (car même un conflit aussi lointain peut entraîner ces mouvements de population que l'Europe veut éviter à tout prix... problème que les États-Unis ignorent). 
Mais en qui concerne le terrorisme (motif de l'intervention initiale), que représente l'Afghanistan quand le monde regorge désormais de "sanctuaires du terrorisme", ou de républiques respectables devenues des États voyous ?
Un problème de moins, peut-être? 

+ ref au livre sur les empires 

mardi 29 juin 2021

Midi

La beauté écrasante, évidente, triomphante. La beauté qui nous fait courber la tête et baisser les yeux. La beauté qui s'affranchit des époques et des lieux. La beauté au-delà du souvenir, au-delà de tous les désirs. 

jeudi 24 juin 2021

N'efface pas la tâche sur la nappe

Heureuse découverte sur Twitter ce matin (note personelle: je dois acheter tout livre possible de ce poète - vite!)


Instructions à la servante (Yehuda Amichaï)
 
Ne débarrasse pas les verres et les assiettes
N’efface pas la tâche sur la nappe !
Il est bon que je le sache :
On a vécu avant moi dans ce monde.
 
J’achète des chaussures qui étaient aux pieds d’un autre homme.
Mon ami a ses pensées.
Ma bien-aimée est une femme mariée.
Ma nuit est usée par des rêves.
Des gouttes de pluie sont dessinées sur ma fenêtre…
Dans les marges de mon livre, des notes ont été écrites par d'autres.
Sur les plans de la maison dans laquelle je veux vivre,
L’architecte a dessiné des étrangers devant l’entrée.
Sur mon lit il y a un oreiller avec le creux
D’une tête absente.
 
Aussi, ne débarrasse pas
La table.
Il est bon que je le sache :
On a vécu avant moi dans ce monde.


samedi 19 juin 2021

Dino dans le métro

Je m'inquiétais dans le métro, tous les regards me paraissaient suspects, les dangers évidents... Mais l'expérience semblait pour Dino parfaitement normale, ni angoisse, ni émerveillement démesuré. Un parfait "urbain", qui ne se souciera pas de la cohue, ni ne se rassurera en écoutant le bruit des voitures.

Je me suis souvenu des rares fois, deux ou trois fois dans toute mon enfance peut-être, où nous avions pris le tramway avec mon père (on disait le "Mongy"). J'ignore d'ailleurs pour quelle obscure raison nous étions allés en ville sans la voiture. C'était une aventure marquante, surtout au moment où, en fin de parcours, le tramway s'engouffre dans le ventre de la ville.

Comme nos enfances peuvent différer! Par exemple, je pense n'avoir jamais pris le train de toute mon enfance. Mon seul souvenir est que ma sœur avait eu la chance de prendre le TGV pour aller en classe de neige. Je devais avoir sept ans. Ensuite, à V*, j'ai pris des trains de banlieue parfois pour aller au zoo de Vincennes, au Jardin des Plantes. Mais je n'ai pas dû monter dans un "vrai" train avant mes 18 ans. 

lundi 7 juin 2021

On a mis les mains sur tes hanches (2)

Dans la chanson citée précédemment, on retrouve un procédé poétique intéressante avec ces rimes approximatives "granges/hanches". Il y en a d'autres exemples chez Brassens.

Gainsbourg a mené le concept plus loin, dans "L'anamour" par exemple, où la rime atteint un niveau si raffiné qu'on ne sait plus quel mot rime avec lequel ("transit" avec "exit"? ou avec "transat"? "pâli" plus avec "pas là" qu'avec "Asie"):

    "Aucun Boeing sur mon transit
    Aucun bateau sur mon transat
    Je cherche en vain la porte exacte
    Je cherche en vain le mot exit"

    "Tu sais ces photos de l'Asie
    Que j'ai prises à 200 Asa
    Maintenant que tu n'es pas là
    Leurs couleurs vives ont pâli"

Par ce procédé, Gainsbourg a réussi à se débarasser de plusieurs siècle de règles codifiées, à remplcaer la rime par l'assonance (qui est la seule qui compte), une révolution que (je crois) la langue anglaise avait effectuée depuis longtemps*. Malheureusement, cette révolution est venue trop tard, à un moment où la poésie française commençait à s'éteindre. Le champ des possibles est resté inexploré, ouvert néanmoins pour les générations futures qui voudront s'y aventurer.

(*: cf. Yeats, précédemment cité:
    "And therefore I have sailed the sea, and come
    To the holy city of Byzantium")

dimanche 6 juin 2021

On a mis les mains sur tes hanches

Sur France Inter, l'écrivain et maintenant chanteur Gaël Faye mentionne un procédé poétique qu'il affectionne chez Georges Brassens : le remplacement d'un morceau de phrase attendu par un autre. Il cite l'exemple de la chanson "Le pornographe":
    "Je ne fais pourtant de tort à personne,
    En suivant mon chemin de petit bonhomme" 
Qui devient:
    "Je ne fais pourtant de tort à personne,
    En suivant les chemins qui ne mènent pas à Rome

Il y en a un exemple plus parlant encore dans "Le père Noël et la petite fille" :
    "Il a mis du pain sur ta planche
    Il a mis les mains sur tes hanches" 
    "Il a mis du grain dans ta grange
    Il a mis les mains sur tes hanches" 
    "Il a mis l'hermine à ta manche
    Il a mis les mains sur tes hanches" 
    "Il a mis de l'or à ta branche
    Il a mis les mains sur tes hanches" 
Qui devient:
    "Le joli temps des coudées franches
    On a mis les mains sur tes hanches" 

Ce "on" définitif, comme un salissement indélébile, donne son tragique à la chanson par le simple changement du pronom. Curieusement, dans la reprise qu'elle en a faite, Barbara n'a pas repris la formule, évitant de dire "On a mis les mains sur mes hanches". Inadvertance? La chanson perd quasiment tout son intérêt, perd son universalité. Ou peut-être précisément Barbara n'a-t-elle pas osé, ni voulu, maudire la petite fille qui subit le viol de la société. Peut-être a-t-elle considéré ce message trop lourd, elle qui connaissait ce sujet, et a-t-elle préféré croire à la possibilité de l'oubli. 

mardi 11 mai 2021

Sur Roger Raveel

Bozar (Bruxelles) organise une grande rétrospective sur Roger Raveel, "l'un des peintres belges les plus importants du XXe siècle", en tout cas une peinture avec laquelle je n'ai aucune affinité. Je soupçonne même une opération de collectionneurs belges intéressés à faire monter le prix de leurs acquisitions. J'avais failli ironiser quand Maître Kanter m'avait dit avoir acheté une toile de cet artiste. Par politesse je m'étais contenté de ne pas réagir (de toute façon, mon avis lui importait peu). C'était à un moment de bascule où je commençais à me demander comment sa personnalité avait pu m'intéresser, et je crois que son goût pour Roger Raveel avait été l'argument fatal en sa défaveur, le "passage de minuit" après lequel tout redevient citrouilles et croûtes souillones. 



mardi 6 avril 2021

Le maître du temps (2)

Autre caractéristique : toutes les activités d'Édouard Philippe ont un aspect public: engagement envers les citoyens, publications de ses romans (et non élucubrations dans des cahiers cachés ou des blogs oubliés), même la boxe qu'il pratique en club... Alors que les rares activités que je mène ont une nature confidentielle voire secrète, solitaire. Mélange de décisions assumées et d'échecs imposés (ou vice versa). J'ai tout fait pour me créer une personalité transparente, insaisissable, pour que personne ne me connaisse vraiment, même mes plus proches amis, même dans mes activités les plus innocentes, anecdotiques. 

lundi 5 avril 2021

Le maître du temps

Interview de l'ancien premier ministre Édouard Philippe à la télévision. J'apprends qu'outre sa pratique régulière de la boxe il a rédigé plusieurs romans policiers, je lis qu'il a trois enfants, etc. sans compter les responsabilités politiques, les innombrables activités publiques, l'entretien d'un considérable réseau d'amitiés... Comment fait ce surhomme ?
Le temps est élastique, certes, et "plus on en fait, plus on en fait". Peut-être s'épargne-t-il un certain nombre de tâches ménagères, certes, ou dispose-t-il d'aide pour ses enfants ? Peut-être que la vie politique, avec ses incessants déplacements, permet de se consacrer discrètement à certaines activités littéraires, plus facilement qu'au bureau ou à la maison ? 
Mais tout cela n'explique pas le phénomène. Avec ma modeste activité professionnelle et mon encore plus modeste vie personnelle, je ne trouve ni le temps de lire, ni celui d'écrire, ni celui de garder le lien avec mes amis, ni celui de faire du sport de façon sérieuse, ni celui de gérer décemment ma "maison"... C'est comme si je n'étais qu'une fraction d'homme, incapable de rien mener à bien. 

La mort de Normunds Kindzulis

La mort atroce de Normunds Kindzulis, relayée dans quelques journaux, provoque des haussements d'épaule navrés, un peu de bruit sur Twitter, sera oubliée dans quelques jours. Pourtant, il ne faut pas aller chercher aux confins de l'Union européenne pour trouver des cas similaires, en Belgique récemment, partout.
Même si certaines attitudes ont changé, si les droits ont été réaffirmés, le chemin à faire pour une vraie reconnaissance semble toujours plus loin (cette reconnaissance se fera quand la société sera devenue indifférente aux préférences sexuelles, mais est-ce seulement possible?).
Et il semble que chaque nouvelle avancée se traduit par un renouvellement de rage. Une rage de ceux qui qui ne supportent pas de voir l'homosexualité affichée comme une façon de vivre, d'être, mais qui (prétendent-ils) se seraient satisfaits de la savoir cachée, réduite aux récits sordides. Discours bidon, et "pensée" bidon. D'une part, la violence aurait été similaire, pire même (car sans réponse possible - sans la protection de la loi). D'autre part, imposer le silence, reléguer dans la "deviance", etc. tue aussi. 

samedi 13 mars 2021

Souvenir de l'été dernier

Même les vibrations 
De la cloche fêlée sont brûlantes -
Lune d'été

(Tachibana Hokuchi) 

lundi 8 mars 2021

Le retour manqué

Je me prends à regretter de ne pas avoir poussé davantage pour la publication du Retour de WA... Certes, cela m'aurait obligé à m'impliquer dans la vraie vie au lieu de ne faire qu'envoyer courriels et courriers. On peut aussi reconnaître que le seul refus "motivé" était accompagné d'une critique dure que j'ai déjà évoquée: qu'on ne s'attache pas assez aux personnages, que les points du vue ne sont pas assez tranchés, etc.
Pourtant, j'y avais semé les thèmes de la décennie à venir, la manipulation des réseaux sociaux, la cancel culture, et même #metoo (en filigrane), sans doute traités avec trop de légèreté. Et sans doute aussi me suis-je égaré dans les personnages, quand la seule personne vraiment protagoniste de l'affaire est Sofia Frino, qui n'apparaît pourtant qu'au début et à la fin. Il faudrait clarifier, rendre moins brouillonne l'intrigue centrale. 
Mais est-ce que le moment n'est pas déjà passé ? À quoi sert un livre qui aurait pu intéresser son époque, quand cette époque est déjà révolue? Même remarque que sur les poètes contemporains, peut-être doués mais condamnés à la confidentialité ou au silence. Qui les redécouvrira dans cent ans ? Et qui pourra encore s'émouvoir de mots aussi anciens ? 

dimanche 7 mars 2021

La mort de Pierre Jaccottet

Dans une émission culturelle, le chroniqueur de France Inter annonce la mort de Philippe Jaccottet  prénommé par erreur "Pierre Jaccottet". Je lève mon nez de la tasse de café, me demandant si l'on parle d'un frère du poète, d'un homonyme... Della Rovere me demande si je le connais...
Triste fin. Le dernier grand poète de la langue française, le dernier encore à peu près publié et dont les mots pourraient se répéter au-delà des générations, disparaît dans l'obscurité, ignoré même par les gens de bonne culture.
Triste symbole de la poésie française... Peut-on même parler de déclin ? Elle est devenue insignifiante, à peine anecdotique... Dans d'autres pays, aux États-Unis par exemple, les choses semblent bien différentes. Est-ce lié à la langue française si peu malléable ? Est-ce lié à notre histoire, où la poésie s'est perdue dans le genre courtisan qui a ringardisé la rime ? Ou au fantôme de Rimbaud, dont le message a intimidé tous ses apprentis successeurs ?
Cachés dans des blogs perdus, dans des revues confidentielles, il existe peut-être des poètes de valeur qui pourraient "parler" au plus grand nombre, et dont les émotions pourraient se transmettre au delà de leur infime cercle. Mais nés dans le désert, ils demeurent stériles, incapables de modeler leur époque, et à ce titre auront peu d'intérêt pour les générations suivantes, si jamais par accident ou grande chance leurs traces ne se sont pas définitivement perdues. 

samedi 6 mars 2021

Retour sur 2020

On craint même de se retourner sur l'année passée et ses fantômes. Tous les bouleversements dans un espace soudain fermé...
Pourtant, c'est dans cette immobilité qu'a surgi la vie, que ce sont enfin réalisées les anciennes promesses. Paradoxe de la gratitude et de la mauvaise conscience - quand 2020, commencée dans l'infertilité supposée, s'achève dans son inverse éclatant, joyeux. 

dimanche 21 février 2021

Une mode passagère

Vu sur Twitter: quelqu'un ironise sur ce vieil article du Daily Mail (décembre 2000) qui décrit internet comme "une mode passagère déjà abandonnée par des millions de gens"... 
Bien sûr a posteriori cela ne paraît guère visionnaire. Mais je me souviens très bien que justement à cette époque-là, il y avait eu une certaine lassitude d'internet. L'effet de nouveauté avait disparu, les pages mettaient longtemps à apparaître, pour ne pas montrer grand chose. C'était un peu avant l'apparition des smartphones, et de tous les sites qui allaient révolutionner nos vies, les réseaux sociaux, les applications. Pour 5-6 ans encore, les jeux étaient sur disques, comme l'étaient encore la musique et les films (ou alors il fallit trouver de pénibles moyens de télécharger).
Seul nous servait le courrier électronique (pour ma part, une boîte Yahoo): internet était devenu quelque chose d'utile sans être excitant. 
Cette courte période de creux a duré un an peut-être, et la question du Daily Mail se posait réellement : un palier avait été atteint sans que l'étape suivante nous apparaisse encore clairement. Par certains aspects (par exemple la lassitude vis-à-vis des réseaux sociaux, ou la surabondance des informations), nous sommes peut-être de nouveau arrivés à ce moment de palier, où le champ des nouveaux possibles nous est pour l'instant incertain, où un retour en arrière semble parfois envisageable, désirable même. 

dimanche 17 janvier 2021

Volver

Dans ces journées immobiles je songe à mes futurs voyages - la préparation d'un voyage étant déjà un voyage. 

Et comme toujours, je voyage à Istanbul, explorant virtuellement les fantômes de Constantinople (la mosquée de Vefa par exemple, nouvellement restaurée, mais il y a 7 ans si croulante et désolée que j'avais passé mon chemin), les quartiers le long du Bosphore, et les alentours de la ville que faute de temps et de compagnie j'avais remis à plus tard, Edirne notamment, ou İznik, que les vieux murs enserrent depuis des millénaires.

Et voilà un autre endroit où je voudrais retourner rapidement : Cordoue, Séville où je ne suis jamais allé, Grenade bien sûr, le palais de Medina al-Zahara, plus loin Tolède... L'un des premiers voyages que j'avais fait sans mes parents (en fait, le premier voyage si j'exclus les séjours linguistiques) et qui m'avait fait une impression profonde. La ville écrasée de soleil, où l'on se refugiait dans des chapelles où trônaient les immenses toiles du Greco, aperçues dans l'abattement de la chaleur et du vin rouge... Souvenirs flous mais heureux. 

lundi 11 janvier 2021

Sailing to Byzantium

Il y a des poèmes lus dans l'enfance qui nous portent pour le reste de notre vie.

Et il y a des poèmes que nous portons en nous sans les avoir jamais lus, qui soudain éclosent au hasard d'une page. Double éblouissement: le jaillissement du poème dans la réalité d'un livre, et le soulagement d'une sensation enfin parvenue à son port.

"Sailing to Byzantium" de Yeats... depuis 20 ans les mots me manquaient pour décrire cette soif étrange de la ville, même si, pour ceux qui auront lu les autres messages de ce blog, la dimension ottomane et même récente de la ville m'a longtemps attirée beaucoup plus que le mythe byzantin. D'ailleurs, j'ai passé de longues semaines à Istanbul sans jamais mettre les pieds dans la Küçük Ayasofya, la Bodrum Camii, l'Imrahor Camii (dont l'accès n'était pas non plus facile). J'étais plus occupé à écouter le muezzin et boire des bières, qu'à me mettre dans les pas des anciens pèlerins. Et surtout, stupidement (?), j'occupais beaucoup trop de temps à écrire mes "romans" dont personne n'a voulu.

samedi 26 décembre 2020

Believe that further shore / Is reachable from here

History says, don't hope
On this side of the grave.
But then, once in a lifetime
The longed-for tidal wave
Of justice can rise up,
And hope and history rhyme.

So hope for a great sea-change
On the far side of revenge.
Believe that further shore
Is reachable from here.
Believe in miracle
And cures and healing wells.

Call miracle self-healing:
The utter, self-revealing
Double-take of feeling.
If there's fire on the mountain
Or lightning and storm
And a god speaks from the sky

That means someone is hearing
The outcry and the birth-cry
Of new life at its term.
Seamus Heaney

samedi 12 décembre 2020

20 novembre

On aimerait en dire plus sur l'émotion, le bonheur, ou autres sentiments qui viendront a posteriori. Mais dans cette salle d'hôpital où tintaient les sondes et les moniteurs (ou pire, cessaient parfois de tinter !), l'impression principale était d'impuissance, de fragilité.
Et dans le regard échangé (?), toutes sortes d'appréhensions et de questions auxquelles je n'aurai jamais la réponse !
Il faudra laisser le souffle de vie balayer ma nature pessimiste, me permettre de profiter de l'instant, me permettre de faire confiance à un si petit être pour s'épanouir dans l'aventure qui commence. 

dimanche 15 novembre 2020

La nuit de novembre

"De ma peine il semblait souffrir,
Mais il ne poussa qu'un soupir,
Et s'évanouit comme un rêve."

Lisant ces vers de Musset (curieusement toujours lisibles et parlants, malgré tout le temps et toutes les critiques amoncellés depuis), je repensai à la fin de mes "échanges" avec Maître Kanter... Fin dont je mets du temps à me résoudre, alors que la question est close depuis longtemps certainement. Quel nom donner à tout cela ? Le mot "échange" est-il même correct ? Qu'ai-je donné ? Qu'ai-je reçu, à part un peu de confiance en moi vite étanchée, quelques illusions construites sur des mensonges et des silences, et jamais aucun geste ni aucun rêve ? Il ne me reste rien que des questions innombrables, que des incertitudes. Je suis même incapable de savoir ce que je voulais, ce que je veux, ce que je voudrai un jour !

A un moment pourtant, j'ai cru voir une solution possible. La présence quasi-imaginaire de Maître Kanter comblait un besoin, me permettait de m'exprimer, me renvoyait une image plaisante, encore jamais vue. De cela, je devrais être reconnaissant. Et je le suis, même s'il s'agissait sans doute plus pour moi d'une construction intérieure que d'un être réel, et j'ignore à qui adresser ma gratutide. "Tels sont les désirs qui nous ont quittés sans s’être accomplis ; sans qu’aucun n'atteigne à une nuit de volupté ou à son lumineux matin."

samedi 14 novembre 2020

Ils sont dans le jacuzzi...

Dans ces moments d'ennui, promenade sur Instagram où, par le jeu des algorithmes, surgissent en foule les images de ces couples heureux, amoureux, voyageurs, élégants, sportifs, désirables en tous points... J'avais lu il y a quelques temps qu'Instagram est le réseau social qui rend le plus malheureux (dans une rude compétition avec les autres réseaux !).
On a beau savoir que ce ne sont que des fictions personnelles, qu'eux-mêmes dissimulent leurs douleurs, leurs solitudes, s'angoissent dès que les réactions leur semblent insuffisantes, se grisent de l'avis de parfaits inconnus... Mais parfois, au détour d'une image, par certains aspects de vie ordinaire, on croit deviner un peu d'authenticité, une vérité vaguement plausible. Et la question perpétuelle revient: pourquoi rien de cela ne m'est jamais arrivé ? Même pas le reflet de cette image ? Même pas le commencement d'une ébauche d'un reflet de cette image ?

*

Et encore, je regarde cela "de l'autre côté de la jeunesse", de l'autre côté de la vie. Mais pour un jeune aujourd'hui, combien en effet ces images doivent être frustrantes, douloureuses. A l'époque, rien de cela n'existait. Il n'y avait quasiment rien entre la littérature et la pornographie pour constituer un imaginaire. En étions-nous plus heureux, ou moins heureux ? Je l'ignore.
Ces images m'auraient rendu malheureux certainement, mais peut-être m'auraient-elles aidé, à leur façon, à comprendre ce à quoi ma future vie pouvait ressembler. Au lieu de cela, je ne voyais alors que des récits sordides, des "ponts des soupirs" scabreux, des personnages caricaturaux qui n'éveillaient en moi ni jalousie, ni aucun désir. 

mercredi 11 novembre 2020

Un homme libre

Rêve où je me retrouvais au lycée (?) et où l'on me demandait "qu'est-ce qu'un homme libre ?".
Et je me promenais, dans les citations littéraires et les peintures, dans l'émerveillement des arts et de la pensée. Hélas, je ne me souviens plus de rien ! Sauf à la fin, je redisais le poème d'Henri Michaux, "un jour, un jour peut-être..." et j'évoquais la fin de la pièce de théâtre Art, avec cette peinture blanche, peinture d'un skieur vêtu de blanc, qui s'éloigne dans un tourbillon de neige... "Voilà un homme libre", concluais-je.

*

Clown

Un jour,
Un jour, bientôt peut-être,
Un jour j'arracherai l'ancre qui tient mon navire loin des mers

Avec la sorte de courage qu'il faut pour être rien et rien que rien.
Je lâcherai ce qui paraissait m'être indissolublement proche.

Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
D'un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînements "de fil en aiguille"
Vide de l'abcès d'être quelqu'un, je boirai à nouveau l'espace nourricier.

A coups de ridicule, de déchéances (qu'est-ce que la déchéance?), par éclatement.
Par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j'expulserai de moi la forme qu'on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage
Et à mes semblables, si dignes, si dignes mes semblables.

Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une immense trouille.
Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m'avait fait déserter.
Anéanti quant à la hauteur, quant à l'estime.
Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.

Clown, abattant dans la risée, dans l'esclaffement, dans le grotesque, le sens que toute lumière je m'étais fait de mon importance.
Je plongerai.
Sans bourse dans l'infini-esprit sous-jacent ouvert à tous, ouvert moi-même à une nouvelle et incroyable rosée.

A force d'être nul
Et ras
Et risible...

Tu es vivant

Rêve dans une maison inconnue, en fin de nuit. Deux jeunes chétifs s'approchent, s'embrassent (curieusement, il ne s'agissait ni de moi, ni de personne dont je me souvienne). L'un d'eux finit par demander l'heure - six heures du matin - et par dire qu'il a bien fait d'entrer dans la maison à ce moment-là. L'autre répond justement que non. C'est l'heure où le père entre dans le salon, avec sa grande tasse de thé.
Le père ne semble guère surpris, il fait une remarque bienveillante sur le célibat qui s'achève. Ils s'embrassent de nouveau, l'un d'eux s'en excuse. Le père répond après un silence: "tu es vivant" ou plus exactement "tu es en train de vivre" ("you are living")..

dimanche 11 octobre 2020

Nouvelle normalité

Avec du recul, on se demandera comment chacun aura vécu cette année étrange, avec ses confinements, ses couvre-feux, ses sorties masquées, la méfiance même parmi les proches, et les idées folles et antagonistes gonflées par la solitude et les réseaux sociaux... Mais pour moi la nouvelle normalité n'a pas été si pesante, l'activité professionnelle s'est poursuivie, la fin de l'activité sociale à en partie été un soulagement, la forte probabilité d'avoir contracté le virus dès le mois de mars m'a évité la panique, et les perspectives à venir ont rendu la vie à deux légère, joyeuse... 

samedi 26 septembre 2020

vieilles lunes

Fascinante lecture: Quand notre monde a cessé d'être chrétien de Guillaume Cuchet. L'auteur cherche toutes les causes, bouleversements sociaux, familiaux, exode rurale, montée de l'individualisme, apparition de la télévision... mais surtout, à ses yeux, le Concile Vatican II qui a brouillé les bases de la foi, qui a ravagé les pratiques. Est-ce vrai ? Est ce valable pour tous les pays ? 
Conclusion sous forme de question rhétorique : "est-ce la même religion?"  N'est juste resté que la puissance du message christique (pour ceux qui font l'effort de se renseigner), mais la construction ecclésiastique s'est effondrée. Et tous les dogmes, résurrection de la chair, enfer, immaculée conception, rémission des péchés, ont disparu comme des vieilles lunes vides de sens, que même les prêtres ne savaient plus expliquer.
Il faudrait raconter, de façon plus détaillée, mon expérience de ces questions. Par exemple, mes parents qui ne nous ont rien transmis parce qu'il ne savaient pas quoi nous transmettre... L'hostie ravalée au niveau de "symbole". La "transcendence" comme un mantra jamais expliqué.
La religion catholique n'est plus qu'un marqueur social pour une minorité  malveillante, et un vague marqueur culturel quand quelque extrémiste vient troubler le fond oublié de notre identité.
Pire encore, par ses positions sociales (venues d'on ne sait quelles piètres interprétations ou lectures), l'Eglise semble pour beaucoup avoir trahi le message du Christ, et incarner, non pas l'hypocrisie ou l'arriération (ce qui pourrait encore lui être pardonné), mais le mal lui-même. 

dimanche 30 août 2020

Bundestag

Déplorables images d'une foule berlinois "furieuse" (excitée par les réseaux sociaux et appelant Poutine à l'aide (!) cherchant à s'engouffrer dans le Bubdestag, tandis qu'à quelques centaines de kilomètres des femmes biélorusses manifestent pour la démocratie et pour des élections enfin libres. Quelle indécence.

*
 
J'espère que les hystéries de notre époque seront vite oubliées, rangées par les historiens du futur dans la collections des nombreuses fièvres sans conséquences... Cette somme de "colères" individuelles que ne vient plus calmer les mouvements collectifs (syndicats, partis, expressions artistiques) est stérile. Parvenue au pouvoir (États-Unis, Royaume-Uni, Italie), elle sombre dans un chaos et une surenchère inextinguible. La chute est douloureuse, mais la remontée le sera aussi sans doute (si nous y parvenons). 

mardi 25 août 2020

Des événements (2)

Sur tous ces événements, et bien au-delà, on pourra me faire un reproche similaire: que  des crises fondamentales, des artistes devenus immanquables (ou qui le sont peut-être déjà aujourd'hui), n'ont pas affleuré ces lignes... Et l'on se demandera dans quelle bulle, dans quel hospice lointain j'ai vécu, en constatant que l'écho d'immenses batailles n'a pas déclenché chez moi le moindre murmure.

vendredi 21 août 2020

Vers la fausse Istanbul

Rêve que j'allais à Istanbul (une "fausse Istanbul"* que nous n'apercevions que de loin). J'étais avec la Mazarine sur un bateau qui longeait Büyükada, où des palais vénitiens s'élevaient le long de falaises gigantesques, reliées par de hauts ponts.

Plus tard, j'arrangeais un voyage familial en Méditerranée (au départ de Venise? Ou Patras?) mais nous arrivions d'abord dans un aéroport turc, avec un ascenseur qui ne fonctionnait pas.

*

Au réveil, déplorable annonce de la reconversion de Kariye Camii (Saint Sauveur in Chora), j'imagine que celle-ci suivra le "modèle" de la mosquée/musée Fethiye, avec la salle principale pour la prière et les autres pour la visite (?). Tous ces monuments fragiles et précieux méritent mieux qu'une instrumentalisation grossière. J'en tremble. 

jeudi 13 août 2020

Des événements

Des événements importants de cet été (Biélorussie et Méditerranée orientale) les médias français ont été presque muets dans les premiers jours où ils ont eu lieu. La crédibilité de l'union européenne s'y joue pourtant, son modèle, ses valeurs, et sa force. 

Phénomène presque inexplicable pour moi, à l'heure de l'information en temps réel. Peut-être que ces événements manquaient d'images spectaculaires (du moins au début), nécessitaient un peu de pédagogie (localiser Minsk et Kastelorizo), et qu'ils semblaient très lointains, surgissant comme d'une autre époque.

jeudi 6 août 2020

Explication du monde

Dans toutes les explications du monde, la sagesse des anciens grecs n'a rien perdu de sa valeur: une lutte entre dieux jaloux, amusés à se jouer de nous, emportant nos derstinées dans leurs querelles, dans leurs amours peut-être. Comment justifier autrement l'ironie et la cruauté de la vie? Ni le hasard, ni un dessein supérieur auquel se soumettre, ne semble intellectuellement satisfaisants. 

vendredi 26 juin 2020

26 juin 2020

Pensée fugace tandis que je courais dans les extrémités boisées de la ville, à la recherche de nouveaux chemins, de sentes cachées, agrandissant les limites connues de mon environnement à défaut d'explorer le monde. Oserais-je le dire, sans attirer sur moi les malheurs? Les travaux de la semaine accomplis. La joie de se savoir en bonne santé (surtout en ces temps troublés). La bienveillante attention de ceux qui compte pour moi. Dans sa poche aquatique, un  “lutin“ amateur de trampoline cabriole. Que demander de plus? 

mercredi 3 juin 2020

Dix ans après

(Rares) lectures de confinement, les Trois Mousquetaires et Vingt ans après... débusqués dans les hauteurs de l'étagère où ils sommeillaient depuis plusieurs générations.

J'avais tenté de lire les Trois Mousquetaires il y a une dizaine d'années. Je n'avais ressenti aucun intérêt pour ces histoires niaises d'amitié et de bravoure à la recherche d'un vague "ferret" qui sauverait l'honneur d'une reine. Au quatrième chapitre, le livre avait sagement rejoint la poussière un instant perturbée.

Parfois l'humeur change, les sentences se révisent, et l'on découvre un intérêt pour des choses ou des personnes précédemment condamnées. J'ignore ce qui a changé en moi (le besoin d'action dans un moment de claustration?), emporté en quelques jours par ces pages spectaculaires - le récit de la mort de Buckingham, par exemple, les manipulations de Milady, comment ai-je pu ignorer cela si longtemps? 

Et surtout, dans Vingt ans après, la sobre descriptions des désillusions, les amis dressés les uns contre les autres, les carrières qui n'ont pas avancé (scène très familière...). Ce passage consternant, en fin de livre, où D'Artagnan instille la méfiance de chaque mousquetaire envers les deux autres, pour s'assurer qu'aucun ne le trahira... Le livre se finit même trop vite, on en réclame plus! 

Heureusement la livraison du Vicomte de Bragelonne est "en cours d'acheminement". Hâte-toi! 



lundi 18 mai 2020

Message ouvert pour

Terrible angoisse. On voudrait que tout se passe bien. Empêché d'accéder au centre médical (pour cause de coronavirus), j'attends des messages qui tarderont bien trop.
Immatérialité et impuissance.
S'il lui est donné d'exister et d'arriver à l'âge des questions et des troubles, j'espère qu'il/elle ne doutera jamais d'avoir été intensément désiré(e)!

*

Me revient le message ouvert pour moi à l'abbaye de Chantelle:

"Qui regarde le vent, ne sème point,
qui observe les nuages, ne moissonne pas.
Comme tu ne connais pas la route du vent, ni les secrets d'une femme enceinte, ainsi tu ne peux connaître l’œuvre de Dieu qui dirige tout."




mercredi 13 mai 2020

Retour sur 2019

Je regrette de ne pas avoir davantage décrit, sur le moment, les événements de cette année si différente des autres pour moi. Non qu'il y ait eu le moindre changement tangible dans le cours de ma "vie extérieure", mais ces événements ont enrichi ma "vie intérieure" d'émotions nouvelles, qui auraient mérité de figurer ici.

Pour me justifier, je dirais que ces émotions étaient justement trop vivantes, trop incertaines, pour être  "partagées". La puissance mensongère du souvenir devra s'y substituer, qui déjà recrée les choses sous un angle moins vivace, plus apaisé.

mardi 5 mai 2020

Bundesverfassungsgericht

On se souviendra que le coup de grâce et le renversement de l'Union européenne seront venus, non d'autocrates extrémistes ou d’États périphériques jamais convaincus par le projet, mais de juges constitutionnels confortablement drapés dans des convictions statiques et nationales des enjeux contemporains.

Ceci dit, l'Union européenne se construit sur des ambiguïtés, sur des contradictions, sur des reculs aussi. La dimension "fédérale" de la Cour de Justice de l'Union européenne et son activisme dynamique en faveur de la construction européenne étaient passées sous l'écran de radar, et lui avaient permis de prendre le relais d'une Commission impuissante et d'États incertains. Cette situation n'était peut-être pas viable démocratiquement (pas plus néanmoins qu'une rébellion de juges nationaux qui s'arrogent l'interprétation du droit européen pour 26 autres États). 

La création d'un espace démocratique lisible pour les citoyens européens devraient idéalement se substituer à ces échafaudages bancals, mais la société prend le chemin inverse, avec son hyper-fragmentation du fait des réseaux sociaux (qui entretiennent les effets de bulle et de complot), sa fascination pour les discours simples et radicaux dont la violence même rassure (car donne l'illusion que tout est possible?). 

La crise du coronavirus pourrait peut-être permettre un certain réveil (la "crise", c'est "l'irruption de l'avenir dans le présent" - intéressante formule du Dyonisien). L'inanité et l'impuissance des présidences autocratiques sont exposées (mais les intéressés le perçoivent-ils seulement? l’aveuglement semble irréversible hélas), les manipulations sont dénoncées. Il est aussi apparu clairement que l'impuissance des institutions européennes provient surtout des dissensions entre États-Membres, et que les solutions ne sont pas à Bruxelles mais à Berlin ou La Haye. D'un côté, l'absence d'une communauté, de l'autre, la demande presque désespérée d'une communauté ("que fait l'Europe?"): cette contradiction conduit à des situations négatives (dont profitent les extrêmes, qui brocardent l'inaction d'une Europe dont ils ont pourtant coupé les ailes!), et force l'Europe à n'avancer qu'à reculons, forcée par des catastrophes successives, quand toute autre option mènerait à l'anéantissement.

vendredi 1 mai 2020

Une impression durable

Réveil au milieu de la nuit.... Je me trouvais dans le métro, un peu égaré, je rencontrais soudain ma grand mère (paternelle). Nous n'avons pas parlé mais nous nous sommes étreints, avec émotion.

Rêve d'autant plus étonnant que je pense rarement à elle, que je n'en parle pas, qu'elle m'évoque peu de souvenirs. Dans notre enfance, nous étions loin de C**, et nous la voyions surtout dans des occasions assez formelles (avec pour seuls souvenirs les nuits à écouter les voitures, et les promesses non-tenues de tante Roberte). Nous étions aussi "manipulés" pour ne pas aller la voir - elle en avait fait le reproche (justifié) à ma mère, qui prétendait que nous nous ennuyions à C** et nous demandait de le dire. Pourtant, j'ai en mémoire son rire, des jeux de cartes ou livres anciens que j'y lisais, une journée où nous étions allés au manège et avions attrapé le pompon (les plaisirs de la vraie ville, que nous ignorions dans notre quartier "péri-urbain"). 
Ce n'est pas grand-chose.
Passé mes dix ans, elle a commencé à décliner, à perdre lentement l'esprit, et c'était une gentille personne poudrée un peu gênante, à qui l'on ne savait quoi dire, et qui ne nous reconnaissait plus (je me demande comment nous aurions pu faire sur elle une impression très durable, alzheimer ou non, en l'ayant vu si rarement).
Pourtant, l'émotion de la voir "dans le métro" était bien réelle cette nuit, comme si nous avions des choses à partager, une relation jamais construite, une tendresse jamais exprimée.

Couper les vivres

Je repense souvent à cette discussion déjà ancienne, il y a deux ou trois ans peut-être. Mon père expliquait qu'une cousine (déjà étudiante) était en couple avec un homme beaucoup plus vieux qu'elle, et que, par réaction, mon oncle lui avait "coupé les vivres". Cette mesure avait paru tout à fait raisonnable à mon père (notons au passage que l'oncle en question a quitté son épouse pour une femme plus jeune... on n'est plus à un paradoxe près).

Cette anecdote en dit plus que cent messages que je pourrais écrire. Il n'y aurait pas eu d'échappatoire (si la situation avait dû se présenter), uniquement des réactions violentes, des renonciations terribles. Dans tout cela, "l'amour paternel" n'a pas sa place, il ne l'a jamais eue.

lundi 20 avril 2020

Annonce

A défaut d'ange surgissant de la lumière, une tâche sur une bandelette mouillée d'urine... mais je crois que l'émotion est la même. Crainte, incertitude, gratitude...

mercredi 8 avril 2020

Le monde d'après

Retournement social: certains métiers dévalorisés s'avèrent les plus utiles - éboueurs, caissiers, brancardiers - tandis que nombre de hauts diplômés se retrouvent oisifs (ce n'est pas mon cas), à la campagne, à écouter les oiseaux chanter et à réinventer le monde sur les réseaux sociaux.

Le monde d'après sera-t-il aussi différent que certains le prétendent? Malheureusement sur ces aspects sociaux, économiques, géopolitiques, sans doute non, sans doute même pire. Hormis quelques rêveurs, tous voudront retourner à la normale, voire minimiser les sacrifices qu'il faudrait pour réellement changer de monde. Les tendances les plus négatives des années précédents s'aggravent (complotisme, isolationnisme, etc.) et les solutions les plus extrêmes sont parées des vertus du "bon sens".

vendredi 13 mars 2020

Telle personne en parfaite santé

Difficulté de la situation, on ignore pendant quatorze jours si l'on est atteint, tout en étant contagieux. Par conséquent, la méfiance s'impose. Telle personne en parfaite santé est semeuse de mort. Comme les amis que l'on étreint, toutes les intéractions sociales deviennent dangereuses. L'insouciance (hier encore, quand j'y repense!) cède soudain la place à la panique.

jeudi 5 mars 2020

In the electric mist

Cette sensation que j'avais décrite il y a des années, de se sentir soudain l'objet d'un désir que l'on n'avait pas cherché à provoquer, d'un désir trop pressant auquel on ne sait comment répondre, si ce n'est pas par la prostration sidérée puis la fuite... L'on s'interroge: n'avais-je pas envoyé des messages ambigus - dans un regard, dans une attitude - n'aurais-je pas voulu répondre aux mêmes sollicitations ailleurs ou à d'autres moments, n'ai-je pas provoqué cette situation en travaillant depuis quelques temps, et en réussisant enfin, à cet âge presque trop avancé, à me construire un corps désirable? A quoi bon?


mardi 28 janvier 2020

Sous le parapluie, un poète oublié, une montagne froide

Sous la pluie battante, entre le pub irlandais et le restaurant japonais, j'aurais très bien pu mettre ma capuche au lieu de m'abriter sous son parapluie, de me calquer sur son pas rapide, sautant joyeusement au-dessus des vastes flaques comme pour prouver ma souplesse et ma vigueur...

*

Paul Toussaint a décrit en son temps une situation similaire (et dont la conclusion avait été similaire!), dans un poème qu'il avait failli supprimer du recueil.

Nous marchons lentement le long du fleuve, 
Abrités embrassés sous ton parapluie bleu, 
Nous nous aimons – quel dommage qu’il pleuve ! 
Mais qu’importe, après tout, le vieux soleil mielleux ?

Et si nous faisions l’amour ?

(...) Passent les avenues, rêve la ville, 
Et toujours nous marchons dans l’air pesant du soir ; 
 Sur ton visage, un dernier rayon brille, 
Une promesse en ton regard un chant d’espoir… 

Et si nous faisions l’amour ? 

*

Il faut savoir se satisfaire de peu, savoir se satisfaire de rien, un sourire à peine esquissé, une information parcimonieusement délivrée (qui accroît nuages et questions eu lieu de dissiper les mystères), une rare attention non forcée. "On me parle d'un volcan, mais je ne vois qu'une montagne froide" lui avais-je répliqué, un jour, furieux de ne rien obtenir.

jeudi 29 août 2019

Quand le cœur ne grandit pas

Il était écrit peut-être qu'un tel bonheur resterait un moment isolé, un segment fermé et stérile... Un nouvel échec !
Je m'y suis habitué pourtant, depuis tant de déceptions accumulées... Et le médecin avait déjà annoncé n'avoir pas entendu de battement de cœur - sans établir néanmoins de pronostic définitif, nous nous étions pris à y croire. 
La longue cohorte du florentin, de la parisienne, de la bruxelloise, du padouan, de la trébizondaise, de mes enfants imaginaires, baptisés par les lieux auxquels j'ai associé leur absence...  peuple le monde de leurs potentialités évanouies. Seule consolation peut-être dans ce désastre, Della Rovere également effondrée, décidée à remédier au "problème" (sans doute pas une malchance statistique). 

mardi 20 août 2019

A l'est d'Erzurum...

Turquie orientale... ce voyage si souvent rêvé, maintenant effectué dans l'enchantement, dans une entente confiante jamais égalée peut-être avec Della Rovere, approchant Trabzon, Ani, Van, Doğubayazıt en face du Mont Ararat...
Chaleur des rencontres (la surprise de voir deux touristes... quand on compare avec la Cappadoce et ses cohortes de cars chinois ou indiens), qualité d'infrastructures presque démesurées, préservation des monuments (parfois même trop, et le présent semble détaché du passé), diversité des paysages... Pourtant personne n'y va, jamais. J'ai moi-même reporté ce voyage dix fois au moins. Peut-être l'exotisme n'est pas assez fort pour des touristes ouest-européens? Ces grandes routes trop longues, ces restaurants à la lumière glauque, cette vie austère et banale, n'éveillent peut-être pas leur imagination, leurs désirs... 
Quelque chose dans l'urbanisme débridé d'un pays émergent, et toutes les plaies mal cachées, tous les silences qu'on n'ose rompre. Un voyage qui ne manque ni de grandeur, ni de tristesse. Les vallées de Yusufeli et leurs villages de bric et broc, les peupliers, les terrasses plantureuses, bientôt recouverts par l'eau morne des barrages. Ce que l'on voit n'existera plus. Et pour nous aussi, de tels moments surnageront comme des vestiges miraculeux, inexplicables, construits par des vivants oubliés.

"Un corps mort au fond de sa mémoire, où on ira le rechercher un jour."