samedi 31 décembre 2011

Mille Francs-or

Durant une sieste réparatrice le rêve, influencé sans doute par le début prometteur des Papiers d'Aspern, qu'il serait possible d'aller vivre à Istanbul pour quelques années, avec moins de 1000€ (les 1000 Francs-or qu'il paye à la vieille logeuse pour le palais vénitien).
Tout cela est fort bien, mais qu'irais-je y faire?

mardi 27 décembre 2011

Dans le contemplation de la beauté...

Les vagues des générations successives, toujours prêtes à saper les plus formidables rochers, promises pourtant à une fin sableuse et moussue, à un inévitable recouvrement, au milieu des ordures, des algues, et d'informes méduses comme dernier témoignage.

Qu'on me dise que la mer finit toujours par triompher ne me réconforte pas. A court terme la terre l'emporte.

lundi 26 décembre 2011

A quinze ans du matin

"Le jour est éternel, et la pensée est fixe", écrit Paul Toussaint dans un de ses premiers poèmes, un texte fondateur pour lui. Voilà bien une idée de jeunesse, qu'il attribue pourtant au passeur Charon, le fidèle nocher des morts! L'illusion d'un temps qui ne s'écoule pas (ou pas assez vite) et d'un monde figé. Le mépris, la familiarité avec la mort. La recherche effarée du sens à donner à sa vie - hésitant entre les plus purs engagements (devenir poète, par exemple) et l'anéantissement résolu.
Préoccupations de l'homme de quinze ans! Le vieux Charon aurait bien ri à la lecture du poème, lui qui sait à quel point le jour est éphémère, la vie dépourvue de toute signification, et la pensée plus mouvante que le moindre effort pour la formuler.

Retour sur 2011 (2)

Et pendant que les pays européens se déchiraient, au point que l'édifice commun révèle sa nature fragile et temporaire, l'onde de choc du suicide d'un marchand de rue à Sidi Bouzid, habilement propagée (mais sans doute plus spontanée que je ne l'envisageais au tout début), a provoqué ces "révolutions" successives qui ont mis fin aux vieilles dictatures établies, Tunisie, Égypte, Libye (avec une aide que j'avais peut-être trop vite critiquée, et avec des conséquences qui demeurent à mesurer), aujourd'hui le Yémen, demain la Syrie. Même les Russes ne semblent plus avoir peur! (attendons cependant de voir comment la situation va évoluer de ce côté-là).

// Source: Common Creatives / Flickr / khalid Albaih

Retour sur 2011 (1)

Dans cette année 2011 riche en événements majeurs, à tel point que l'historien du futur y verra sans doute une de ces fameuses "années charnières" (bien plus, finalement, que 2001 dont nous avons collectivement exagéré l'importance), une "séquence d'événements" m'intrigue.
Entre mai et novembre, nous avons vu dans les pays méditerranéens (européens) d'abord les "indignés" de la Puerta del Sol, puis la chute des principaux gouvernements soit par les urnes (Espagne), soit par les "marchés" (Italie, Grèce). Je note aussi que dans ces deux pays sont apparus des "gouvernements de techniciens", un développement douteux dont il faudra suivre l'évolution (qui semble répondre au dégoût du politique, certes...).
L'impression paradoxale que cela me donne est que certaines des "indignations" - marché du travail fermé, népotisme et privilèges, spéculations diverses, incapacité du monde politique empêtré dans ses baronnies - ont été partagées aussi par les marchés, et que, au bout du compte, les indignés ont partiellement obtenu gain de cause dans l'affaire (quand on voit à quel point ils ont été moqués, au départ!). Mais le mouvement semble déjà lointain, à une époque où l'on rêvait encore d'autres options que l'austérité - si les indignés avaient su ce qui allait nous tomber dessus! (mais nous ne prêtions pas attention aux oiseaux de mauvais augure, pas plus que nous ne voulons les croire aujourd'hui).
Victoire précaire partagée par les indignés et par les marchés! Car contrairement aux apparences je ne considère pas le mouvement des indignés comme un mouvement uniquement anticapitaliste (à part quelques voix qui ont comme d'habitude occupé le haut du pavé): s'il en avait été ainsi, le mouvement aurait aisément été récupéré ou critiqué par les partis politiques. On me rétorquera que le mouvement "Occupy Wall Street"  est encore vivace (même si l'hiver new-yorkais a dû y mettre un frein) - mais ce mouvement, non dirigé contre la sphère politique (celle de l'action) me semble une farce anecdotique par rapport à celui de la Puerta del Sol.
Je précise toutefois que je ne crois pas à un quelconque complot: j'ai plutôt l'impression que les gouvernements méditerranéens se sont effondrés d'eux-mêmes, par lassitude, par indifférence - le "goût tragique de la vie" qu'évoquait Houellebecq, si éloigné de l'éthique de responsabilité communément attribuée aux pays du Nord.

vendredi 23 décembre 2011

Déclin industriel (2)

Ce sera avant tout le personnage de l'éditeur qui pâtira, plus que moi, du déclin du livre papier (qui survivra quand même - mais à un rythme ralenti). Doit on regretter cette perte? Son travail de sélection et de découverte était certes utile, mais les lecteurs du futur l'accompliront eux-mêmes, sans lui, à leur gré. Et chaque auteur pourra publier son "livre électronique" comme il le veut, et essayer de faire parler de lui en générant du buzz sur les blogs (sur les futures Brèves 3, par exemple?). Disparaîtra ainsi l'écrivain professionnel, bien sûr (mais en existe-t-il encore, à quelques exceptions près?)
De toute façon, si le livre est piraté gratuitement, peu importe qu'il y ait dix ou des millions de lecteurs - l'auteur ne sera plus qu'un ventre difforme, post-grossesse, déchiré par une césarienne virtuelle, personnage insignifiant derrière son clavier d'ordinateur, à qui ne restera que le loisir malsain de voir son œuvre vivre et grandir indépendamment sur les réseaux.
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Déclin industriel

Je vois le développement du kindle et autres liseuses électroniques comme une tragédie personnelle. Pour le développement de la lecture, je ne pense pas qu'en soi cela pose problème - même si j'avoue qu'à ce stade je préfère encore les livres de papier, que l'on garde sous la main, qui se présentent accidentellement à nous, qui s'accumulent de façon désordonnée mais significative (car ils nous décrivent), dont la rassurante présence sur les étagères nous raccroche à la vie et à la mémoire du monde.
Ce que je devine est que le livre électronique ne va pas tarder à être piraté sauvagement* (c'est tellement facile, léger!), et la littérature rejoindra la musique et les films dans le champ de ces arts qui n'engrangent plus d'argent, ou en tout cas dont le produit de base (l'œuvre) n'est plus le revenu principal. Ne se vendront plus que les bandes dessinées, les "livres d'éveil" (et encore!), ou quelques bouquins pour mamies écrits en gros caractères (les Musso, Lévy et autres), et demeureront bien quelques droits annexes, peut-être... en tout cas cela ne fera pas une industrie florissante. Parce que la technologie a mis plus de temps à évoluer, l'édition a bénéficié d'un sursis de 15 ans par rapport aux autres secteurs. Mais il ne reste plus beaucoup de temps. 
Et moi, j'ai laissé passer ce délai!

 
*: ce piratage sera incité également par l'absurde prix du livre électronique, auquel j'ai déjà rapidement fait allusion, exemple typique de sciage de sa propre branche de qui se moque-t-on?

jeudi 22 décembre 2011

Fédéralisme

Il faudrait continuer avec cette structure légère, l'alléger plus encore. Nous devons nous garder de vouloir devenir un empire* - ingérable, hors de tout contrôle, voué à l'échec. Les empires ne font rêver que "l'enfant amoureux de cartes et d'estampes"... C'est pour cela que je n'ai jamais prêté une oreille attentive aux élucubrations  cométoplannées des fédéralistes.
Et sommes nous déjà allés trop loin?



*: "ces constructions surdimensionnées projettent déjà l’ombre de leur destruction et sont d’emblée conçue dans la perspective de leur future existence à l’état de ruine." (W.G. Sebald, Austerlitz (cf post précédent: pour une fois on ne pourra me reprocher de ne pas faire ce que j'avais annoncé...))

dimanche 18 décembre 2011

Yolculuklar (2)

Oui, il faudrait tenir un journal plus précis de tous ces voyages, une relation méticuleuse! Il aurait fallu déjà le faire depuis longtemps... Prenons par exemple ce voyage en Syrie - contemporain de ces Brèves: comme tout cela me paraît proche, vivant, pas même de l'ordre du souvenir! Les portraits de Bachar el-Assad à chaque coin de rue, dans chaque boutique, l'espèce d'engourdissement en apparence bon enfant de cette société, (à qui manquent justement des "soupapes" telle que les consultations démocratiques, la liberté d'expression, l'alcool ou la fréquentation des femmes) - l'illusion d'une vie sereine, d'une entente possible à la longue (et nous y croyions!).
Ou les visages renouvelés d'Istanbul qui s'enrichit. Les improbables "cafés internet" où il fallait se rendre, au fond d'un village grec, des montagnes slovaques... Comme mes récits paraîtraient pittoresques, médiévaux, aux lecteurs du présent!

jeudi 15 décembre 2011

En mémoire

Je constate que le poète Paul Toussaint a enfin mis en ligne sa traduction du poème persan Afsaneh, traduction bien libre (car je doute qu'il comprenne quoi que ce soit au persan), qui me revient souvent en mémoire.
Et il a ajouté ce texte intitulé La mer calme - Poème, qu'il voyait comme "son bateau ivre",  ou "bateau gueule de bois", dans son habituelle posture ironique et indifférente vis-à-vis de sa propre existence.

dimanche 11 décembre 2011

Rien ne passe (Lefèvre-Deumier)

En fouillant dans mon ordinateur, j'ai retrouvé ce poème oublié, qui m'avait considérablement frappé il y a une dizaine d'années... Poème de Jules Lefèvre-Deumier, apparemment un des premiers à s'être essayé au poème en prose (ce dont la postérité ne lui a pas rendu gloire).


Rien ne passe


Nous nous faisons, en général, une bien fausse idée du temps. Nous l’accusons de nous ôter nos illusions, d’étouffer nos espérances, d’effacer nos regrets aussi bien que nos joies, d’effeuiller dans nos parterres nos fleurs les plus choyées, d’éteindre dans nos cieux nos plus belles étoiles. Nous nous trompons. Le temps n’emporte rien. Nos illusions, c’est nous-mêmes qui dépouillons leurs ailes, pour écrire avec leurs plumes une élégie sur leur perte ; c’est nous qui tuons l’espoir en l’embrassant ; c’est nous qui soufflons sur nos joies, qui tendons nos larmes au soleil pour qu’il sèche nos joues ; c’est nous qui saccageons nos fleurs pour en semer d’autres qui ne viendront pas ; c’est nous qui fermons les yeux pour nier les étoiles. Quant à moi, je n’ai rien perdu. Sous la surface glacée de ma source, l’eau vive coule toujours ; l’herbe est verte sous le givre de mon automne. Que me dites-vous que mes beaux-jours sont passés ? Ils ne sont pas morts, puisque je m’en souviens.


(Les Vêpres de l’abbaye du Val)

dimanche 4 décembre 2011

Austerlitz

The Economist, parmi d'autres, fait l'éloge de W.G. Sebald, "one of the foremost German writers of his generation". Je dois avouer que son roman Austerlitz m'était tombé des mains au bout d'une trentaine de pages (en voici un que j'aurais pu rajouter à la brillante liste évoquée il y a quelques semaines). Peut-être suis-je passé à côté de quelquechose*; il faudrait que je le retrouve dans les cartons de la cave.


*: je trouve dommage que le correcteur d'orthographe persiste à me souligner en rouge le mot "quelquechose", qui pour moi a une signification bien différente de "quelque chose", une signification plus large, indépendante de l'objet et de la "chose". Même s'il est incorrect en français, je pense que l'usage du mot groupé (notamment via l'abréviation "qqch")  va rapidement se généraliser - et en tout cas sur ce point je me permets d'imposer ma volonté.

dimanche 20 novembre 2011

Souvenir de ce qui ne fut pas

Par l'association explosive d'un accent, de mots et de souvenirs, m'est revenu en mémoire le visage de cette personne rencontrée lors de l'été stambouliote. Un des "moments" dont il faudra faire un jour l'inventaire et le récit.
Ses colocataires étaient partis, et nous étions convenus de passer l'après-midi ensemble pour visiter Üsküdar (appelons-la pour cette raison la Scutarienne, à ne pas confondre avec la Chalcédonienne, que j'ai croisée à la même époque sans le savoir, mais connue seulement quelques semaines plus tard). Nous mangeâmes sur le pouce dans une des gargotes cachées derrière les premières mosquées, puis marchâmes longtemps jusqu'en haut de la rue Çavuşdere, là où se trouve le complexe de Çinili. Un long arrêt reposant. 
Nous redescendîmes ensuite, lentement, à travers un vaste cimetière noyé dans une végétation sans contrôle, jusqu'au quartier désert et étrange autour de la mosquée Selimiye (et de l'énorme caserne que l'on aperçoit de partout, et qui semble maintenir un couvre-feu sur toute cette partie de la ville). De là, nous retraversâmes le Bosphore par le bac de Harem à Sirkeci, retrouvâmes une agitation plus familière, allâmes sous le pont de Galata - où la rencontre inopinée d'un couple d'amis interrompit toute possible intimité. Quel gâchis... Et surtout, comme j'aimerais remonter dans le temps, et suivre ces deux-là, le long des rues silencieuses, dans cette lumière qui embellissait même les vieux konaks croulants, afin de me murmurer que la voie était libre, de hurler à ma sourde oreille qu'il suffisait d'un mot, d'un geste, pour que ma vie prît un autre tour...
Certes, la situation n'était pas limpide, et notamment j'ignorais la nature des relations qui la liaient à ses colocataires. Devions-nous aboutir à quelquechose, ou n'était-ce effectivement qu'une visite charmante que nous faisions à deux à défaut d'être seuls? Je n'avais aucune confiance en moi, ni ne me trouvais suffisamment attirant, désirable à ses yeux, pour risquer quoi que ce fût. De plus, par rapport à ses amis ou à notre groupe, un échec m'aurait mis dans une situation délicate (alors que nul ne s'en souviendrait aujourd'hui! piètre couardise). Et c'est seulement maintenant, bien des années après, que je me rends compte qu'il n'y avait en réalité aucun risque, et que, possiblement, évidemment, elle aurait pu m'aimer!

Je revois aussi nos dernières minutes: quelques jours plus tard, après le cours nous étions allés chez elle, derrière la place Taksim. Le bruit, la chaleur de la ville nous poursuivaient jusque dans sa chambre (comme les choses étaient devenues évidentes, alors!). Sans doute étions nous en train de poursuivre une conversation anodine, quand mon téléphone sonna. L'ami français, que je n'attendais pas de sitôt et avec qui j'avais prévu une semaine de tourisme avant de quitter Istanbul, venait d'arriver de l'aéroport, et je dus me précipiter vers le terminal des bus Havaş.
Je ne me souviens même plus si nous nous sommes dit adieu dans une vague accolade. Je me souviens de ce soleil indécent sur la place, de cette atmosphère pesante, pleine de poussière et de vie, alors que - forcément! - je devais confusément comprendre ce que j'avais manqué! Peut-être même, si j'ose un instant ré-observer cette scène à distance, la Scutarienne m'a-t-elle suivi du regard, tandis que je m'éloignais pour toujours, d'une allure faussement joyeuse et indifférente, libéré.
Car il n'était plus question d'être triste: les vacances commençaient, et je pensais sûrement, dans un haussement d'épaule, dans l'insouciante confiance de la jeunesse, que d'autres opportunités se présenteraient.

mardi 1 novembre 2011

Une décision raisonnable

Bien que j'en trouve la forme un peu cavalière, voire franchement inadmissible dans le contexte d'une Europe faite de relations de confiance entre États, la décision du malheureux premier ministre grec Papandreou, annoncée aujourd'hui, de soumettre une partie du dernier accord sur l'euro à un référendum, me paraît plutôt sensée politiquement. C'est sans doute la seule décision qu'il pouvait prendre dans la situation actuelle d'appel à la désobéissance (qui n'avait pas attendu la crise pour être appliquée...). Une démission suivie de nouvelles élections n'aurait rien changé, quoi qu'en dise l'opposition (comme si elle pouvait y changer quelque chose!), et n'aurait fait que renforcer les vociférations vaines mais justifiées des "indignés".
Nous avons pu croire que le dernier plan de sauvetage allait effectivement sauver la Grèce, mais Papandréou doit disposer de suffisamment d'éléments prouvant le contraire. Tout est fini, mais mieux vaut en faire porter le fardeau à tous plutôt qu'à un seul. C'est une sage décision démocratique, dans la mesure où il semble évident que le vote des Grecs signera leur sortie de l'euro. On ne peut prendre cette décision sans légitimité (soit par référendum, soit par une nouvelle élection sur la base de programmes clairs, en connaissance de cause).

Je rapproche cet événement des révolutions arabes, en intensité, en potentialités comme en menaces. Qui sait quel monstre sortira de ce processus? Pour les Grecs, des deux côtés le mal semble infini; pour nous, cela pourrait n'aboutir qu'a une insignifiante amputation (mais n'est-il pas décevant de tirer pareille conclusion dans une Union de solidarités entre les peuples? et doit-on aussi rejeter le projet européen?). Malgré la multiplication des signes inquiétants, et même si mes propres affaires sont mal engagées, je ne crois toujours pas à l'effondrement du monde et de l'ordre ancien.

lundi 31 octobre 2011

Une révélation fortuite

Et je parle de rencontre avec Cavafy, voilà qui trahit bien mon vieux rêve d'écrivain, et la raison pour laquelle, malgré la terreur qu'il soit découvert, je garde ce blog public. Car je persiste à me persuader que j'écris dans l'espoir d'une rencontre avec le lecteur, à la lueur d'une lampe de nuit, quand la ville même s'est assoupie dans un silence imparfait.
Au lieu de cela, je ne peux qu'espérer au mieux une révélation fortuite, un accident de "sérendipité", à la lumière vive des néons d'un open-space, qui divertira un moment le salarié peu motivé, jusqu'à ce qu'un collègue vienne inopportunément interrompre sa lecture, ou que le téléphone, l'obligeant à reprendre le travail, le tire d'une rêverie improductive.

dimanche 30 octobre 2011

Faits

Malgré la succession d'événements funestes - le suicide de Meyr, la perte d'anciennes fondations, l'éternel retour du même, sans parler des affres de "l'homme de trente ans" - la vie continue... Et dans cette campagne propice aux heureuses découvertes, je viens de dévorer en quelques heures le premier tome des Faits de Marcel Cohen.
Quelle merveille! On trouve dans ces anecdotes, systématiquement à la troisième personne, ce que sans doute j'ambitionnais de faire de ce blog au commencement, c'est-à-dire une description objective de l'homme, de la cité, et du monde - sur laquelle se sont ensuite greffées toutes sortes de considérations personnelles, d'impressions touristiques, de rêves. Certes, malgré la nature universelle de ses courts récits, Marcel Cohen n'en dévoile pas moins ses propres préoccupations, ses doutes. Mais il me semble parvenir à s'évader de sa personne ou des systèmes usuels, pour tracer un portrait rapide et ironique de l'humanité d'aujourd'hui (une humanité qui, malgré les années, ne se remet pas de la Shoah et de sa propre barbarie). Si seuls ces Faits pouvaient demeurer dans deux mille ans, comme l'archéologue du futur nous comprendrait sans effort!
Et au-delà de tous ces mérites déjà exceptionnels, j'y vois quelquechose de bien supérieur, une poétique beauté que je n'avais pas vue depuis longtemps, qui par bien des aspects me rappelle mon éblouissante rencontre avec Cavafy. Qu'on en juge:


VIII
Chaque fois qu'il en a le loisir, et où qu'il se trouve, un homme ne peut s'empêcher de visiter au hasard les appartements à louer. Ce n'est pas du tout parce qu'il s'estime mal logé et il n'a aucune raison de vouloir déménager. Ce qu'il cherche relève plutôt de l'hygiène mentale. En arpentant les pièces vides, il tente, en somme, de s'observer à la dérobée, et sous tous les déguisements compatibles avec le lieu, à la manière dont un comédien compose son personnage devant un miroir. Au-delà, c'est un peu comme si, à force d'éliminer tous les possibles, il espérait se convaincre qu'il avait toutes les bonnes raisons de parvenir où il se trouve déjà, et d'être aussi ce qu'il est devenu.
XXI
A peine triomphe-t-il pour la troisième saison consécutive qu'un jeune torero sent sa gloire se refermer comme un piège. Certes, on lui offre des cachets de plus en plus mirifiques, mais ils contribuent à créer une exigence et une attente toujours plus vives du public. Pourtant, et sauf à se jeter sur les cornes, comment ne pas voir qu'il est presque impossible de toréer en s'en approchant davantage? Et, de même, il est le plus mal placé pour expliquer que, si bien des matadors paraissent prendre plus de risques que lui, c'est une simple illusion d'optique: c'est seulement parce qu'ils sont plus besogneux que le danger paraît plus grand.
C'est bien pourquoi, alors même que ses amis se réjouissent sans réserve, le torero s'assombrit un peu plus à chaque succès: il sait, seul, que les qualités auxquelles il doit ses triomphes sont aussi celles qui préparent son déclin, peut-être même sa perte.
XLI
Un homme se demande quelle solitude élémentaire il cherche encore à préserver (et avec quelle étrange pudeur) quand il se croit tenu d'expliquer qu'il vient de passer une heure à s'acquitter de tâches ingrates, alors qu'en réalité il observait, allongé dans l'herbe, comme il le faisait enfant, l'offensive d'une légion de fourmis rouges contre les cohortes, sans cesse renouvelées, d'une armée de fourmis noires.
LXXVI
Alors que les êtres et les choses témoignaient sans relâche de sa présence au monde et qu'il lui semblait, jour après jour, apprécier un peu mieux son sillage parmi eux, un homme découvre que tout ne répète plus, désormais, que sa propre absence.
Quand, et comment, cette inversion s'est-elle opérée? Il serait bien incapable de le dire. Certes, si douloureux soit-il, et contre toute apparence, ce sentiment d'une perte est peut-être la preuve d'une regard plus aigu, auquel cas il n'avait à peu près rien vu jusque là, se dit-il. Et, à plus forte raison, comment aurait-il pu deviner ce qu'il expérimente maintenant tous les jours: que la beauté, alors même qu'on la touche, est déchirante comme un adieu et qu'un visage ami est parfois plus douloureux qu'une plaie ouverte.
Cependant, cet homme va, vient et se dépense sans compter.


PS: remerciements au blog de PA qui m'a fait découvrir cet auteur et m'a donné l'envie d'en acheter les livres.

mardi 18 octobre 2011

Αποκάλυψις

La mort de Meyr. Je l'ai apprise la semaine dernière, et voulais écrire une oraison funèbre bien inspirée. Mais je n'en ai pas eu le temps, et voilà qu'on m'écrit que Meyr s'est suicidé. Meyr! que je mettais à l'égal de Socrate, que j'avais fait figurer dans la trinité des sages de Moreiro, avec Pelks et Belsz. Événement apocalyptique aussi bien dans le sens moderne qu'ancien - catastrophe et révélation. Il fallait bien que ce soit aujourd'hui...

Je connaissais certes son pessimisme profond, que je croyais contrebalancé par son humour, ou son appréciation des belles choses (sa collection d'estampes en témoignait). Il prophétisait la fin du monde tel que nous le connaissons, l'avènement d'un "communisme doux" (sans être lui-même communiste, et cette perspective ne le réjouissait guère). Pourquoi un grand esprit ouvert et inventif comme lui n'a pas eu la curiosité d'attendre que se réalisent ses prédictions, de savoir que la marche du monde prenait bien la direction qu'il avait envisagée?
Et c'est sans doute ce qui me bouleverse le plus dans ce suicide: que ses soucis personnels aient étanché la soif de connaissance, éteint le désir d'être spectateur confortable du monde, à défaut d'en être acteur. Il était pour moi le représentant de l'ordre ancien, l'homme qui a fait le choix d'une vie consacrée à l'étude, au partage de la connaissance... Tout cela pour s'achever dans un vague pavillon, près de l'autoroute... comme on est loin du message de Meyr, du message des grecs anciens à la recherche de la vérité de l'homme! J'ai le sentiment d'une trahison personnelle, comme si le seul message révélé dans ce suicide était le suivant: le monde ne vaut pas la peine d'être connu, ni son avenir.

Ou bien y a-t-il un autre message enfoui plus profondément? est-ce que Meyr nous aurait signifié que la "fin du monde" qu'il décrivait a, en réalité, déjà eu lieu sans que nous ne nous en soyons rendu compte? Le discrédit complet des politiques renvoyés par les extrêmes et les "indignés", l'effondrement de la finance internationale et des grandes économies occidentales, le déclin culturel qui nous a fait perdre toute attache aux racines anciennes de notre civilisation, à part une vague nostalgie commerciale... Si l'engrenage est déjà enclenché, mieux vaut, effectivement, mourir que d'assister à ce gâchis, nous dirait-il dans une dernière leçon magistrale.

Ou bien est-ce encore autre chose?

dimanche 16 octobre 2011

Retour de Florence

Découverte finalement surprenante que ce retour à Florence... Vue et revue et cent fois, à tel point que les plus somptueux panoramas nous paraissent une image mensongère, "ceci n'est pas une ville", pensons nous en paraphrasant Magritte. Tout respire la fausseté dans cette ville que l'on croit cultivée, brillante, et qui n'est qu'un parc d'attraction, avec des habitants qui prétendent encore que cette ville leur appartient (impression de "dépossession" que j'ai déjà ressentie dans certains quartiers de Paris). Au moins les Vénitiens ne se bercent plus de ces illusions! Et les Romains, au contraire, conservent un semblant d'existence indépendante en abritant la capitale d'un État et de la Chrétienté. 
Mensonge que ces visages sereins de Botticelli, de Gozzoli, quand les pestes et la violence dominaient leur ville. Mensonge que cette architecture sécuritaire et majestueuse, reflet d'une stabilité factice, copiée dans les palais de justice et les sièges bancaires, à tel point qu'on se croirait dans une publicité pour Lehman Brothers (par exemple, Piazza Strozzi).

PS: mais ne restera finalement dans mes souvenirs que cet échange inattendu avec Della Rovere, annonce de bouleversements futurs.

samedi 8 octobre 2011

Petites montgolfières blanches

Ce rêve où nous aidions Woody Allen à déménager. Il habitait dans un grand immeuble avec une splendide cage d'escalier, au milieu duquel un ascenseur consistait en de petites montgolfières blanches, nuageuses. C'était extraordinaire.
Sans doute un rappel du GRMF, que j'ai repris le week-end dernier.

Excellente compagnie

Pour qu'on ne m'accuse pas de toujours jeter les livres dans mon cimetière des éléphants, et pour répondre à cette "fonctionnaro-intellectuelle" qui me demandait ce que je lisais, voici quelques auteurs ou livres indépassables, qui m'ont bouleversé en leur temps, et dont j'ai parfois fait état dans ces Brèves: parmi les vivants, Lodge (bien sûr!), Wolfe, Coe, Weyergans (?), Clair, Updike, Houellebecq, Paul Toussaint (pour être généreux), et, parmi les morts, Barbey d'Aurevilly et Balzac (les deux meilleurs), Durell, Dumas (celui du Comte de Monte Cristo, le roman le plus extraordinaire), Yourcenar (celle des Nouvelles orientales et du Denier du rêve), Proust, Tolstoï, Dostoïevski, Flaubert, Maupassant. Et bien sûr les grands poètes, Hugo, Jaccottet, Cavafy, Baudelaire, Chénier, Pessoa, Corneille, Froidmont.
Voilà... (de nouveau, liste ni définitive, ni exhaustive)

Du temps qu'on existait (suite... et fin?)

Enfin pu acheter Du temps qu'on existait, ce fameux livre de Marien Defalvard, pour lequel une rumeur favorable avait aiguisé ma curiosité, et... plouf (bruit d'un bloc de béton qui tombe au fond d'un port). Phrases et postures pesantes, mots alambiqués déféqués aléatoirement, mais surtout, Gott, quel ennui! Je ne nie pourtant pas quelques recherches dans certaines expressions - et un roman un peu touffu, "frouillé", débarrassé de l'obligation du scenario, n'est pas pour déplaire à notre époque minimaliste et cinématographique... mais quarante pages auraient suffi! On se croirait en face de ces films expérimentaux, à peu près tolérables sous forme de court-métrage, inadmissibles en long-métrage et pour lesquels la salle se vide progressivement, à part un vague carré des fidèles rassemblés là par d'autres motivations qu'artistiques. Moi non plus, je ne suis pas resté jusqu'à la fin: après une vingtaine de pages j'ai feuilleté la suite, et déjà quel temps perdu! Mais aussi, quel temps perdu pour lui, gaspillé (au moins il aura gagné quelque argent, et il n'aura qu'à faire mieux la prochaine fois).
Bref, voilà un livre qui va vite rejoindre le vaste cimetière de ces livres qui me sont "tombés des mains", et que je n'ai pas ramassés, livres dont la couverture ou la bonne réputation avait attiré mon attention au point de les acheter, mais qui n'ont pas rempli leurs promesses, et pour lesquels j'ai considéré que j'avais des choses plus intelligentes à faire que de les lire.
C'est une question de coût d'opportunité, effectivement, et - qui sait? - si jamais je me casse une jambe et que je dois rester immobilisé des semaines, peut-être rouvrirai-je le Defalvard? Et puis, qu'il ne le prenne pas mal, car il sera en excellente compagnie: entres autres Pynchon, Douglas Kennedy, Siri Hustvedt (indifférence à son récit), Pamuk, et dans les classiques plus anciens, Céline, Yourcenar (celle des Mémoire d'Hadrien), Les Trois Mousquetaires (aventures me semblant aller nulle part), Le Rouge et le Noir, Belle du Seigneur... (liste non définitive et non exhaustive).

dimanche 25 septembre 2011

D'infertiles pâtures

Soirée parisienne dans un milieu fonctionnaro-intellectuel. Après quelques considérations politiques (primaires socialistes, retour de DSK, affaire Karachi) et artistiques (dernières lectures, expositions récentes, foule à ces expositions malgré une "carte culture" que tout le monde semble posséder), la conversation s'est vite orientée vers le vif du sujet, des questions d'argent qui seules semblaient intéresser, finalement. Avec quelque gêne furent comparés les salaires, les statuts et grades, les perspectives.
Par exemple, cette révélation étonnante qu'un scénariste recevrait 3000€ pour un quart d'heure de fiction, alors qu'un pigiste ne toucherait que 75€ pour une journée passée en reportage, non défrayée (chiffres invérifiables mais apparemment de première main). Quelle surprise! Que l'imagination d'un homme vaille quarante fois la vérité!
Et qu'en interpréter sur notre société? Refuserions-nous d'observer, de décortiquer le monde réel, pour nous abandonner à des rêves, des faussetés agréables et chatoyantes? Ou considérons-nous que la vérité n'est finalement pas si intéressante, que sa quête n'en vaut pas la peine: qu'importe en effet, puisque des historiens du futur trouveront bien suffisamment de sources pour nous dire ce qu'il en était vraiment?
Nous éloignons-nous des "Lumières"? Et faudra-t-il jeter à la poubelle (après un modeste effort de tri sélectif) le concept de "société de l'information", comme nous avons envoyé paître dans d'infertiles pâtures les autres vaches sacrées de notre jeunesse, la "fin de l'histoire", "l'alter-mondialisation", ou la "nouvelle économie"?

vendredi 23 septembre 2011

Une femme modestement voilée

Une femme modestement voilée dans le métro m'a rappelé cette amie de l'autre rive, la Chalcédonienne... Elle faisait partie du champ des possibles à l'époque (et peut-être encore maintenant, avec un peu d'effort).
Elle faisait aussi partie de ces personnes qui n'ont "pas de conversation" - une expression, émanant presque exclusivement de femmes, qui me glaçait autrefois (de peur d'en faire partie?). Il est certes vrai que je n'aime pas m'entourer de taiseux, préférant m'abriter sous les bavardages des autres.

samedi 17 septembre 2011

Ce qu'il en restera

Ces réflexions sur Marien Defalvard cachent autre chose, par exemple quand j'écris que les éditeurs ont "sacrifié la vie de ce garçon": ce n'est pas ce que diraient les éditeurs, qui pourraient, à l'inverse, me rétorquer que ce garçon a reçu un cadeau inespéré, une gloire littéraire à laquelle tant de monde a rêvé et rêve encore! (qu'on me montre pourtant ce qu'il en restera dans quelques années)
En d'autres temps j'aurais été ouvertement jaloux, et je n'aspirais à rien d'autre qu'aux éclatants succès du jeune débutant, bien mérités! D'où vient que tout cela ne m'inspire même pas un regret? "C'est ce qu'il aurait fallu faire..." ajoute-je sans conviction.


Car je me rends compte que ce fantasme d'une vie d'écriture, cette "vieille maîtresse" qui m'a fait mener une double existence, a perdu tout charme à mes yeux. J'avais échafaudé pourtant bien des projets dessus, et jusqu'à mes occupations actuelles, jusqu'à ce blog. Suis-je enfin un adulte raisonnable, ou ai-je au contraire cessé d'être sérieux, unique, fidèle à mon destin? J'ai lentement plié en seize, en trente-deux, cette conception orgueilleuse du "moi", puis je l'ai abandonnée, lui ai tourné le dos sans faillir.
Comme, même sans l'ombre d'une dispute, une relation se dénoue...
Et maintenant?

mardi 13 septembre 2011

Prix du livre

Ce post sur un événement de la rentrée littéraire me rappelle encore une fois à quel point les livres neufs sont beaucoup trop chers (sans parler du prix scandaleusement élevé du livre électronique!). Qui peut mettre 20€ dans un livre, à part quelques retraités bien indemnisés ou des "fonctionnaires grecs, coutumiers des prébendes et des quatorzièmes mois"? Surtout, investir 20€ dans un très bon livre qui fera réfléchir ou voyager hors du quotidien, pourquoi pas? Mais quid d'un mauvais livre acheté sur la base de quelques critiques complaisantes, d'une quatrième de couverture dithyrambique? Il y a aussi un risque financier dans l'achat d'un livre - sans même devoir faire la comptabilité de notre coût horaire, du temps gaspillé que l'on aurait pu bien mieux employer!

Du temps qu'on existait


Cet écrivain de 19 ans, Marien Defalvard (quel nom grotesque! j'espère au moins que ce n'est pas le sien dans la vraie vie), déclare, à propos de son roman au titre désagréable, qu'il a cessé d'étudier pendant un an: quand il était lycéen, il pouvait encore (tant le lycée est facile et ennuyeux) travailler sur son livre, chose devenue impossible une fois entré en hypokhâgne à Louis-le-Grand. D'autant plus que, d'après lui, les éditeurs successifs lui auraient imposé par deux fois une réécriture profonde, et donné d'immenses listes de lecture (Gide, Montherlant...) à ingurgiter en quatre ans. Et maintenant, il va aussi falloir qu'il consacre plusieurs mois en interviews, reportages TV, ou dédicaces à la Fnac.
C'est ce qu'il aurait fallu faire... (à moins que tout cela ne soit qu'une fiction, un beau récit publicitaire, puisque la rumeur court que le livre n'est pas de lui - mais j'en doute, et c'est plutôt cette polémique sur l'identité de l'auteur qui me semble un coup publicitaire).

J'ai hâte de lire ce fameux livre (impossible pour l'instant: il est épuisé sur Amazon!), mais j'aimerais plus encore pouvoir lire le premier livre qu'il prétend avoir écrit à 15 ans, et sur la base duquel les éditeurs auraient pris la responsabilité de sacrifier la vie de ce garçon. Non pas que je pense un adolescent incapable d'écrire un bon roman, un chef d'œuvre, bien au contraire! Ce qui m'intéresse est une version non retravaillée par des milieux littéraires, par des adultes... Et je soupçonne qu'il y a en fin de compte peu de changements fondamentaux entre le livre définitif et la première ébauche (qui ne pouvait être médiocre), je crois plutôt que les éditeurs ont attendu que Marien Defalvard soit majeur, et surtout ont inventé avec lui un scénario, un personnage (cette réminiscence de jeune Victor Hugo chevelu, qui semble vouloir "être Chateaubriand ou rien"), et lui ont donné quatre ans pour former sa conversation par le biais de lectures - et probablement aussi de "coaching médiatique".

lundi 12 septembre 2011

De meilleures cartes, jouées différemment

S'il était possible au moins de retenir l'enchaînement de certains actes, d'ajouter à des excuses confuses l'argument percutant, conclusif! Non, au lieu de tout cela, il faut se contenter de ce que l'on a dit, de ce que l'on a fait...

lundi 5 septembre 2011

Harmonie

Della Rovere me dit avoir particulièrement "la pêche"... au moment-même où je m'environne de remises en cause, et songe aux changements. Comme nous sommes loin de ces moniales aux règles rigoureusement coordonnées!

dimanche 28 août 2011

Il louera sa vigne à d'autres cultivateurs

Dans la même veine que mes considérations sur mon mode "hébraïque" d'écriture, on pourrait faire une distinction entre l'approche hébraïque et l'approche chrétienne radicalement nouvelle introduite dans les Évangiles. Par exemple, dans la parabole de la vigne, où le maître de la vigne revient punir les vignerons qui ont refusé de lui envoyer les fruits et tué son fils: "Il fera périr misérablement ces méchants, et louera sa vigne à d'autres cultivateurs qui lui remettront les fruits en leur saison". Depuis lors, Dieu ne chercherait plus à perfectionner un peuple, mais à reconstruire à chaque fois, ailleurs: "La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle". Dur message, bien loin de l'alliance promise à Moïse.
En somme, pour revenir au mode d'écriture, on aurait d'un côté le lent murissement d'un projet, d'un ouvrage cent fois remis sur le métier, comparé à la dispersion dans cent esquisses rejetées à chaque échec (qu'on prenne, comme exemple, l'éternel recommencement des ordres religieux, de la sainteté à l'inévitable débauche).
Et on aurait tort de considérer la confrontation entre la Synagogue et l'Église comme la lutte entre deux entités équivalentes. Synagogue et Église ne sont simplement pas sur le même plan, pas dans la même dimension ou de la même espèce. L'une se construit patiemment, y compris sur ses propres ruines, autour d'un même peuple,  l'autre réinvente ses objectifs dans des projets nouveaux. Ou, pour le dire poétiquement, l'une grandit par bouturage, l'autre par gramination ou pollinisation, dans des lieux inattendus, au gré du vent ou d'improbables abeilles.
Pourtant, l'Église catholique garde encore un réflexe "hébraïque", à vouloir préserver son unité en dépit du bon sens. La meilleure illustration de ce caractère "chrétien" évoqué ci-dessus serait davantage la multiplication infinie et absurde des sectes protestantes: pour chacune, il aurait été inenvisageable d'accomplir une réforme (comme le judaïsme s'est "réformé" après la destruction du Temple), il faut fonder une nouvelle Église, prétendument différente et meilleure que toutes les autres, plus pure...

mercredi 24 août 2011

Des hommes de trente ans

Si je déteste cette connaissance (appelons-le "néocons"), c'est un peu pour les mêmes raisons que pour EM (Best) déjà évoquées autrefois - mais au moins ce dernier avait une joie de vivre qui me faisait envie, alors que le néocons exhibe de prétendus problèmes psychiques, des déprimes passagères, des revirements... et les a imposées à des amies pourtant séduites. Encore un qui rejoint cette vaste cohorte des hommes de trente ans qui s'inventent des drames personnels pour donner une profondeur à leur personnage insignifiant, et qui en font abondamment profiter et souffrir tous les autres - alors même que, par sa beauté, son intelligence, il devrait participer à la célébration de la vie!

On pourrait aussi y voir le pendant à cette "obligation de bonheur" qui nous est imposée par le monde contemporain: la nécessité de disposer de quelques blessures secrètes, et de pouvoir s'en parer le moment venu (de même qu'un jeune poète croit qu'il n'y a de beauté possible que dans la tristesse). Des fêlures que, finalement, nous chérissons davantage que nos plus éclatants succès car, pensons-nous, elles nous ont bâtis, elles nous ont soi-disant rendus plus forts au lieu de nous détruire (absurdité).

Si je voulais être magnanime, je pourrais y entrevoir le drame de cette génération d'hommes transformés en objets (sexuels), en force de travail brute pour le compte des plus jeunes et (surtout) des plus âgés, à qui l'on demande, après des études ingrates et des stages misérablement payés, de produire de la valeur et des enfants, tout en épargnant et investissant (avec quel argent?) pour un future morose, et qui résident dans des logements étroits indignes de leurs forces vitales... peut-être...

Mais aussi, à titre personnel, on pourrait me reprocher de ne pas accorder de crédit aux pseudo-souffrances de ce "jeune Werther". Quel aveuglément, quel engluement dans mes propres contradictions! C'est comme si je ne pouvais concevoir que ce genre d'individu puisse "prétendre au malheur", ou qu'il faille a minima qu'un requin l'eût dévoré, ou qu'un kadhafiste l'eût torturé (éventuels accidents récents), pour que je lui concède quelques problèmes personnels! Et voilà une possible vérité: sauf cas extrêmes, nous n'aimons pas notre prochain, ou en tout cas nous nous fichons d'éprouver la moindre empathie pour lui: nous n'avons que du mépris pour ses difficultés aisément surmontables, forcément inférieures aux nôtres!

dimanche 10 juillet 2011

Secrets et symboles

Ces inlassables descriptions de la franc-maçonnerie m'ont toujours paru dénuées d'intérêt, malgré tout le mal que les mensuels se donnent à en exagérer l'emprise. Pourtant, une société cultivant les secrets et les symboles auraient, en théorie, tout pour me séduire. Mais je ne suis justement pas un homme de société, envieux de recevoir l'enseignement de quelque initié! Comme si mes abysses et mes doutes ne me suffisaient pas!
Et avouons que d'avoir travaillé autrefois (sans m'en rendre compte) pour un "vénérable maître" aux capacités pourtant limitées ne m'incite guère à l'indulgence. J'imagine bien l'intérêt du personnel politico-économique à se regrouper en loges étroites autour de l'alibi d'un cérémonial pseudo-historique, une ésotérie grotesque. Je veux bien aussi croire qu'aux temps de la toute-puissance de l'Église (déjà bien passée quand a commencé l'essor des loges!) ou des dictatures (mais la loge n'est-elle pas aussi coercitive qu'une autre organisation?), ces rassemblements aient eu quelque sens... Mais il y a sûrement plus efficace à l'âge de la démocratie et du suffrage universel. Tout cela me semble uniquement absurde, nonsense - sauf - si c'est ce que je soupçonne - pour s'assurer appuis et prébendes. Et s'il y en a sans doute d'authentiques, je perçois mal dans mes connaissances les déistes assoiffés d'amélioration sociétale et individelle! Quel enfumage!
Dans une société ouverte, le "perfectionnement de l'humanité" ne doit plus être objet de secret ni de rituels attouchements... Il faut agir et parler! Tout le reste est accompli en vain, en vanités faciles et patriciennes!
Notables, défenseurs du honteux ordre ancien, là où il faudrait innover! Le vrai "secret" à méditer est le suivant: rien n'est fiable ni stable, tout est à l'image de ces cathédrales branlantes, condamnées à une ruine inévitable, à un renouvellement souhaitable.

samedi 2 juillet 2011

La phrase

J'avais trouvé en rêve la phrase "qui aurait résolu tous les problèmes de la vie". Combien j'aurais dû me réveiller à l'instant même, interrompre mon rêve, au lieu de paresseusement le laisser se poursuivre en développements inutiles! Et maintenant la phrase comme le rêve se sont évanouis, ne reviendront plus. Je ne garde plus que la certitude de son existence, comme tous ces êtres dont le souvenir se limite à un nom sur une pierre - cette dernière aussi vouée au moisissement et à une mort inévitable.

jeudi 30 juin 2011

Une orbite plus vaste, sans doute

Et alors que rien ne m'y préparait, je me suis soudain mis à penser à ce post sur les chemins rêvés, écrit le 10 juin 2008... il y a trois ans déjà! On ne progresse pas. On ne progresse plus. On est bloqué. Je suis bloqué. Les mêmes dilemmes, les mêmes impasses.On tourne autour du pot, sans aller à la soupe...

Le monde évolue, certes, on a un peu voyagé, on s'est intéressé à deux ou trois autres choses: une orbite plus vaste, sans doute... et de nouveaux amis, de nouveaux rêves! Tout cela... pour se retrouver par un matin pluvieux en face du même mur infranchissable.

Ce mois de juin ne m'a pas apporté grand chose depuis la redécouverte de mon ancien journal. Même ce blog se fait vieux; les soucis s'archivent comme des rides. Qui peut dire pourtant qu'une vie sans cesse renouvelée est possible? Ou qu'existent des moulins à prières ne rendant pas toujours le même son?

mardi 28 juin 2011

Krebs

Une récente nouvelle, affligeante, sur un collègue que je connaissais peu, m'a rappelé cette Plainte sur la mort de Sylvie, poème de Saint-Amand qui m'est revenu intact de ma jeunesse:

Ruisseau qui cours après toi-même
Et qui te fuis toi-même aussi,
Arrête un peu ton onde ici
Pour écouter mon deuil extrême.
Puis, quand tu l'auras su, va-t'en dire à la mer
Qu'elle n'a rien de plus amer.


Raconte-lui comme Sylvie,
Qui seule gouvernait mon sort,
A reçu le coup de la mort
Au plus bel âge de la vie,
Et que cet accident triomphe en même jour
De toutes les forces d'Amour.


Las ! je n'en puis dire autre chose,
Mes soupirs tranchent mon discours.
Adieu, ruisseau, reprends ton cours
Qui non plus que moi ne repose ;
Que si, par mes regrets, j'ai bien pu t'arrêter,
Voici des pleurs pour te hâter.

dimanche 19 juin 2011

Brève relecture (2)

Autre enseignement de cette brève relecture, le nombre de brèves a connu une inflation considérable en 2010 et surtout depuis 2011. Il faut dire qu'en 2008, après la réouverture de ce blog, je n'ai plus rien écrit pendant quelques mois. C'est ce court déplacement à Bruges qui curieusement a tout relancé: que s'y est-il passé? et surtout, que s'est-il passé avant, durant ces mois pour lesquels il n'y a plus aucune trace? Ce silence m'angoisse, rétrospectivement...
Il serait pourtant faux de ne voir dans cette inflation qu'un désir plus grand d'expression personnelle. En réalité, j'ai réussi à vaincre le dilemme de l'écriture d'un blog (d'un journal intime, secret), la difficulté de trouver le "temps des brèves", grâce à deux développements techniques de la plateforme Blogger: d'abord, la possibilité d'envoyer des posts par courriel (d'où certains qui semblent des brouillons au moment de la publication), puis l'application BlogPress sur iPod/iPhone, qui permet d'écrire en toutes circonstances, dans des aéroports, dans le calme de la nuit, ou devant un film sans intérêt.

Brève relecture

Brève relecture des brèves (j'en ai fait un fichier Word de sauvegarde au cas où la plateforme Blogger se mettrait à ne plus fonctionner)... Et il y avait bon nombre de corrections à faire, formules obscures (notamment dans ma période "durellienne"...), fautes d'orthographe (une faute qui revient souvent: l'oubli du double "n", comme dans griffonné, pavillonnaire, confessionnelle - c'est pourtant simple!), quelques erreurs de grammaire. Mettons cela sur le compte de l'oubli ou de la précipitation de livrer un témoignage si nécessaire à la bonne marche du monde... (mon œil!)
Ou doit-on en conclure que la maîtrise absolue de la langue française est un exercice impossible. Il me semble avoir lu que nous sommes une des seules langues dans lesquelles la dictée est devenue un art - et il est vrai que par exemple à un Turc ou à un Allemand, dont les langues s'écrivent comme elles se prononcent, cet exercice serait parfaitement incompréhensible.

vendredi 10 juin 2011

Colosse de Memnon (2)

Courte rumination et un petit complément. L'esprit de Memnon et celui de Christiania sont certes opposés, mais ne sont en réalité séparés que par une modeste cloison, une infime membrane, déchirable au moindre choc, mais reformable à l'infini (la "nature humaine" est généreuse).
Un peu d'orgueil, un peu d'amour suffit.

Colosse de Memnon

"L'esprit de Memnon", ou plutôt devrais-je l'appeler "le colosse de Memnon" (tant ce sentiment me paraît aujourd'hui un ennemi indétrônable, qui chante à l'aube depuis des siècles), je l'avais injustement confondu avec "l'esprit de Christiania": "Certes, l'esprit de Christiania flotte encore, et je me sens tout autre..." (mai 2011). Quelle erreur! L'un est un éloignement, une incompréhension douloureuse de soi, tandis que l'autre consiste à s'assumer sereinement. Ou, autrement formulé, l'un est une destruction inquiète, l'autre une revendication insouciante.
Au moindre moment de solitude, c'est comme si toutes mes attaches (pourtant joyeusement acceptées) s'évanouissaient, comme si je n'avais ni père, ni certitude quelconque... J'envie ces personnes qui savent exactement qui elles sont. Seuls aux mots peut-être j'appartiens, à la langue française.

Dans la même veine, j'ai presque honte de révéler que je déteste voyager seul. N'est-ce pas un aveu de possession par le Colosse de Memnon? Et cela signifie-t-il que je me suis devenu une mauvaise fréquentation? Comme je me sens loin, par exemple, de cet ami que j'avais évoqué ici (surnommons-le "le resquilleur") et qui partait seul dans des voyages lointains: "c'est le meilleur moyen, me disait-il, de rencontrer les habitants ou d'autres voyageurs. Voyager avec des amis oblige à ressasser les mêmes histoires: on ne bouge pas" (j'invente un peu, mais ce genre de déclaration m'avait frappé: nul ne s'étonnera d'apprendre qu'il aimait l'affreux violon solitaire de Bach). Ce sont les autres qui vous créent, qui vous accolent des attributs, et, une fois mort, seuls demeureront hélas ces attributs... Notre sujet, notre "moi", dans l'isolement de cet aéroport bruyant et encombré, me semble un perpétuel recommencement, un pacte aisément récusable, toujours enclin à une extraordinaire métamorphose!

jeudi 9 juin 2011

Lahdenväylä

Ces pays dont les mots nous sont absolument étrangers, que l'utilisation de l'alphabet latin rend plus agressifs encore - puisqu'il nous est obligé de les lire, et impossible, contrairement aux caractères arabes ou chinois, de les considérer comme une partie anodine et décorative du paysage.

dimanche 5 juin 2011

Le magnifique livre

Le "magnifique livre" auquel je faisais allusion est le Journal atrabilaire de Jean Clair. L'auteur, membre de l'Académie Française depuis 2009 (cette élection m'était passée inaperçue) a été conservateur de musées renommés (Beaubourg, Musée Picasso par exemple), mais, curieusement, ce ne sont pas ses opinions artistiques, toutes documentées qu'elles soient, qui forment le plus intéressant de ce journal. Ni le côté "atrabilaire", sans doute fort commun pour de hauts fonctionnaires approchant de la retraite. En réalité, il n'est jamais aussi passionnant que quand il évoque des souvenirs d'enfance, des rêves. Toutes ces réflexions personnelles touchent à l'universel humain, irréductible, car non conçues pour distraire ou instruire des lecteurs avertis, ni comme vengeance contre des milieux parisiens.
Je prends note en particulier de ses longues pages sur l'avènement du matriarcat, qui me frappent maintenant comme une évidence (comment n'y ai-je pas pensé plus tôt?), et sur lesquelles il faudra revenir.
Wie nah fühl' ich von dir! Ce paragraphe relatif aux blessures d'enfance, que l'on pourrait citer entièrement dans ces brèves, sensation que jamais je n'aurais pu si bien décrire. Et je m'amuse aussi de cette page où il raconte avoir évité un ami à cause d'une dispute imaginaire survenue dans un rêve de la nuit précédente - décision qui ne souffre aucun débat*.

vendredi 3 juin 2011

Verweile doch, Augenblick!

Ces rires d'enfant, ces éclaboussures, la lecture d'un livre magnifique sous un soleil généreux: je ne voudrais pas d'une autre vie.
Et pourtant, le temps qu'il a fallu pour arriver ici! Les sarcasmes des camarades, les éclaboussures, tout ce qu'il a fallu apprendre dans l'ennui des ciels identiques... Je ne voudrais pas revivre cette vie, ni aucune.
Je voudrais que cet instant dure toujours.

jeudi 2 juin 2011

Redites

Après tout, ces répétitions que je me reproche ne devraient pas m'accabler autant. On pourrait aussi les considérer comme un avatar renouvelé de cette méthode "hébraïque" d'écriture, que j'ai déjà évoquée ici. La variation incessante sur une idée fixe, afin d'arriver à la forme parfaite...

mercredi 25 mai 2011

Un blog commercial

Cette découverte de l'ancien journal (quelle erreur d'y avoir retouché!) me refroidit dans l'écriture de ce blog. Et maintenant je me souviens que ces Brèves sont justement nées d'une volonté de sortir de problèmes personnels pour évoquer des aspects généraux: le monde, la cité, l'homme... Je ne voulais pas écrire un journal intime - même si le ver était dans le fruit! à cause de cette catégorie "épilogue" qui ne devait qu'être anecdotique, et qui ne l'est plus.
Il est temps de passer à autre chose, peut-être. D'ailleurs, j'ai inauguré un blog commercial concernant mes achats d'estampes (à la suite de cette visite londonienne que j'avais rapportée ici): l'idée est de montrer les objets que j'achète afin de leur faire acquérir une plus grande valeur. L'estampe est un objet qui m'est bien adapté, puisqu'on ne peut le montrer à son entourage ou dans son environnement de peur d'en abimer les couleurs, de froisser le délicat papier - mais que l'on peut montrer en version numérique sans aucun risque  de contrefaçon (à l'inverse d'une photo que l'on peut copier infiniment). L'idée est aussi de raconter les procédures d'enchères et les opinions sur l'intérêt de tel ou tel artiste, les goûts, les couleurs. Mais avant tout une visée commerciale, et pour cette raison je le rédige en anglais et j'y ajoute des publicités.

dimanche 22 mai 2011

Leper in his lair

Relu dernièrement:

"I never saw sad men who looked
With such a wistful eye
Upon that little tent of blue
We prisoners called the sky,
And at every careless cloud that passed
In happy freedom by."

Oscar Wilde, Ballade de la geôle de Reading

jeudi 19 mai 2011

On pourrait en faire un tout autre récit

Je m'en veux presque de cette exploration dans les eaux profondes de 1996 et 2002, j'ai l'impression d'avoir relu les mêmes phrases, les mêmes clichés que dans ces brèves... N'ai-je absolument pas progressé? Certes, l'esprit de Christiania flotte encore, et je me sens tout autre... mais à quoi bon si c'est pour vivre l'éternel retour du même?
Par exemple, cette idée jamais contestée que la poésie m'a sauvé du suicide, à l'adolescence - idée encore rabâchée il y a quelques nuits (ou ici pour une version plus détaillée). On pourrait en faire un tout autre récit, pourtant! La posture prétentieuse du pseudo-artiste, caché dans le secret des tiroirs et des blogs, m'ayant isolé du monde, au moment où bien d'autres choses auraient été possibles. Pour résumer, loin de me sauver de la mort, on pourrait dire que la poésie m'a séparé de la vie, en quelque sorte...

Et même là je constate avec effarement que ce "nouveau récit" avait déjà été vaguement ébauché il y a plusieurs mois, même là, même dans mes paradoxes et mes ruptures je me répète!

dimanche 15 mai 2011

2002 (bis)

"De ma fenêtre, j'entends une sorte de musique orientale, à la terrasse du café des conversations animées ont lieu, d'autres personnes observent, une tasse à la main, un verre aux lèvres, l'incessant défilé de la rue, les voitures, les couples qui passent, la nuit qui tombe doucement. Ah! Pouvoir vivre! Vouloir vivre!"

Écrit sous les toits de Paris, le 20 août, lors de cet été solitaire où, au lieu de rester tétanisé par la chaleur et la timidité, j'aurais dû - quoi? et qui sait où cela m'aurait mené? Tout semble tellement plus facile à distance, de l'autre côté de la jeunesse!

2002

Je relis aussi, rapidement mon journal de 2002: resucée des mêmes thèmes, intonations et considérations patriciennes (c'est un héritage du "Vierger" dont je peine encore à me débarrasser, et même les révoltes à deux francs du poète maudit de 1996 me paraissent préférables!), désespoir, inactivité... Je n'y vois qu'un profond marasme: il est vrai qu'à partir de là j'ai cessé d'être stimulé par mes études. Toutes ces années n'ont servi à rien, j'aurais pu faire tant de choses intéressantes, sexuellement (alors que je me sentais stupidement bloqué - mais c'est aussi l'époque de mes affaires vénitiennes, et j'ai retrouvé Irène Adler peu après), et chercher à écrire pour de bon, être publié (pour être honnête, c'est exactement ce que j'ai fait, et le journal de 2002 s'ouvre sur l'envoi des manuscrits du Pas d'un homme pauvre). Quel échec!

samedi 14 mai 2011

Pensées (peu) profondes (2)

Et puis, au milieu de citations ineptes et bavardes, cette phrase lourde d'expérience: "Lors même qu'on souffre de sa différence, on jouit de sa différence" - 1998.

Pensées (peu) profondes

Étonnement! J'ai retrouvé en fouillant dans un vieux carton mon carnet de Pensées profondes, que j'avais ultérieurement, par sarcasme, renommé "Pensées (peu) profondes", avec en page de titre, dans de jolis listons, les deux devises: "Puisque je vis, j'essaierai" et "Tout ce qu'on dira mort pour moi sera vivant (phrase  reprise par Paul Toussaint dans Vers la Vie). De nouveau, il m'est difficile de mesurer ma proximité avec ces mots d'autrefois, qui me semblent distants, écrits par d'autres... Influencé par mon retour de Christiana, je me sens libre, détaché de mon être passé, détaché de mon être présent, de tout.
Habituel usage de la dissimulation, ce carnet était protégé, scellé dans un placard oublié: et maintenant tous ces secrets n'ont plus d'importance, je n'ai plus aucun compte à rendre sur leur teneur. Il en sera probablement de même, dans peu d'années, de ces brèves.

Pour commencer, et bien qu'il soit injuste de se moquer d'un adolescent qui ne peut plus répondre et se justifier, retenons quelques belles perles lyriques, l'usuelle posture de l'artiste maudit:
  • "Je m'enferme face au monde comme une tortue; seulement, ma carapace de solitude est tournée vers l'infini du ciel." - 28/04/1996
  • "Ô vous tous! Vous serez vieux, vous mourrez, vous serez oubliés. Oh! Quel malheur! Oh quel malheur la vie!" - 03/05/1996
Puis on entre dans des eaux plus connues, avec des exergues de circonstance:
  • "Tels, ils marchaient dans les avoines folles / Et la nuit seule entendit leurs paroles." (Paul Verlaine, Fêtes galantes - Colloque sentimental) - 1997
  • "Hors l'écho je ne parle à personne, à personne." (Philippe Jaccottet, Portovenere) - 1998
Quelquefois pourtant, des phrases prémonitoires, ou dont j'avais gardé le souvenir:
  • "Il faut mener une vie lente et monocorde pour pouvoir rêver le crayon entre les doigts à cette vitesse de vie que l'on n'a pas ou plus." 09/02/1996 (Préface de à MALH [aucune idée de ce dont il s'agit])
  • "Éléments bruyants, tuez moi! / Seulement, après le passage, / La ville sera pâle et froide. / Le port s'endormira. / Même le silence se sera tu." (Le Paradis perdu [idem, je ne me souviens pas avoir écrit un poème (?) de ce nom])
  • "Il n'y a pas de joie, de mélancolie, ou d'hybrides; toute parole n'est qu'on mode différent du malheur." (Introduction aux quatre saisons, Vers la Vie)
Mon rêve de vie à l'époque était le suivant: "Je me mets à rêver parfois. une pièce, des hommes, et des femmes, des poètes, tous! et de la poésie! Je suis là-haut tranquille, dans les bras d'une femme... et j'écoute." - 25/02/1996. C'était le rêve de ma jeunesse, qui n'a peut-être jamais vraiment disparu, le désir de faire partie d'un "milieu littéraire", bohème, où nous aurions eu ad libitum de la poésie, de l'alcool et des femmes. D'une certaine façon, ce que j'espérais trouver dans ma vie ultérieure, à Paris, puisque toutes les biographies en font mention, puisque les grands écrivains, comme je me les figurais, ne passaient pas leur temps avec bobonne, ou à s'occuper d'enfants pleurnichards, ou à s'encombrer de métiers informes... Bien sûr tout cela peut prêter à sourire, et de tels cénacles n'existent sans doute pas - ou plus - remplacés par des plateaux-télé et des blogueurs du dimanche soir, mais c'était un rêve honorable, authentique. C'est ce qui m'a fait garder un semblant d'estime de soi, l'orgueil qui élève l'homme, à une époque où tout me poussait à la destruction.

mercredi 11 mai 2011

Dialogue

"On n'écrit pas à deux", dit Erik Orsenna. Il n'y a pas de littérature qui soit un dialogue (sauf à inclure les "dialogues" que d'informes blogueurs ont avec leur maîtres, plutôt des borborygmes qu'ils leur imposent à leur insu, résultat d'une digestion laborieuse).
De même la fonction "commentaire" des blogs ne m'a jamais paru d'une grande valeur ajoutée, excepté la correction orthographique: il suffit de voir les quotidiens en ligne et les blogs de journalistes, qui semblent n'attirer que des excités et des "serial-blogueurs".
Je ne parle pas des médias participatifs, comme wikipédia (auquel je suis contributeur), dont l'objectif est de créer un système d'amélioration mutuelle: mais, dans ce cas, il s'agit d'atteindre une vérité objective et universelle. L'exercice doit donc être choral, cela n'a rien à voir avec un "journal intime".
Tout cela n'est pas égoïsme et fermeture. On y reviendra, mais autant prévenir dès maintenant: j'écris par crainte que rien ne reste de moi qu'une image fausse, élaborée par d'autres. Ce blog a ainsi vocation testamentaire - et qui voudrait que son testament soit objet de pourparlers irréfléchis?

mardi 10 mai 2011

Chongqing

Deux nouvelles très intéressantes, dans le gratuit du jour, pour tous ceux qui chercheraient encore des traces du "réveil de l'Asie", et pour les historiens du futur.
  • Les îles Samoa vont changer de fuseau horaire à la fin de l'année, afin de s'ajuster à leurs principaux partenaires commerciaux de l'Ouest du Pacifique - décision historique, dans la mesure où elles avaient choisi l'actuel fuseau horaire il y a 119 ans, pour faciliter les relations commerciales avec la Californie.
  • Une liaison ferroviaire Anvers-Chongqing est désormais ouverte, sur une distance de 10 000 kilomètres.

lundi 9 mai 2011

Viande des Grisons (bis)

Cette histoire de Graubünden, dont j'aurais vite perdu le souvenir, ne l'eussé-je enregistrée dans ces brèves, aura au moins servi, en fin de compte, à modérer une de mes angoisses.
Car si cette viande sèche peut encore me paraître appétissante, c'est qu'il me sera loisible, dans les quelques années à venir, de demeurer sur le marché, en cas de banqueroute constatée de mon affaire avec Della Rovere.


(Jacqueline B pourrait reprendre quelques paroles de Frino, ou les siennes, de cette façon.)

dimanche 8 mai 2011

Viande des Grisons

Cette affaire de Graubünden, que j'aurais vite oubliée, ne l'eussé-je consignée dans ce blog, aura finalement le mérite de me rassurer.
Car si cette vieille carne peut encore me sembler consommable, c'est qu'il me sera possible de rester sur le marché pour quelques années encore, dans l'hypothèse où mon commerce avec Della Rovere tomberait en faillite.

samedi 7 mai 2011

Retour de Christiania

Frino pourrait dire qu'au fond il n'y a pas de culpabilité à ressentir, ni de doute, si tout est effectué dans la "poursuite du bonheur", dans "l'ouverture de ses chakras"... Et, après tout, le monde contemporain ne semble pas voir d'immoralité dans toutes sortes d'actes autrefois réprouvés (adultère, homosexualité, inceste même, peut-être), pourvu que tout cela soit fait dans la joie et la plénitude. C'est en quelque sorte la conséquence de ce que j'appelais le "devoir du bonheur".
Il n'y a pas de place pour une "mauvaise vie"; seul s'en rend coupable celui qui s'en accuse lui-même. On ne lui pardonnera pas non plus le doute, le revirement, ni la repentance!
Les critères de jugement sont à géométrie variable, car ce n'est plus la société qui les impose aux individus, mais l'individu qui se les fixe. Problème majeur toutefois: le conflit n'a donc plus lieu entre l'individu et la société, mais entre l'individu et les pléiades de systèmes de valeur de ses congénères; il se dessine certes, ici ou là, des modes de pensée dominants (parce que l'homme est trop paresseux ou fatigué pour concevoir ses propres valeurs), groupes, clans... Mais non un vaste ensemble. Et c'est bien là que réside la difficulté, car il n'y a plus de rébellion possible. Il n'y a plus d'ennemi à abattre, nul ne peut adopter d'honnêtes postures d'homme libre, de libertin: l'ennemi est trop nombreux. L'ennemi est partout. Ou, plutôt, il est un peu partout. (insaisissable, ni l'église catholique - insignifiante; ni les pouvoirs publics - accaparés par d'autres soucis plus pressants; ni les bien-pensances - y compris progressistes tant dénigrées).

jeudi 5 mai 2011

Explétif

La lente rédaction de ce blog m'amène à envisager des questions de grammaire que je ne m'étais jamais vraiment posées. Je les indique généralement en fin de post, entre crochets et en italique. Récemment, et à deux reprises, m'a été posé le problème du "ne explétif". Voici les deux phrases:
  • "je crains qu'autant de mots-clés attirent des yeux indésirables sur ce blog - tant pis... ce sera mieux que rien!" (2 mai 2011);
  • "parfois je crains que ce blog soit connu de mes plus proches, je me dissimule, mais au fond je ne pense pas qu'ils devraient s'en formaliser." (14 avril 2011).
Dois-je rajouter un "ne"? Jacqueline de Romilly écrit que c'est une question d'usage, que "l'idée de crainte pèse sur la subordonnée". Ainsi, "je crains qu'il ne vienne" signifie "il viendra et cela me déplaît", "je crains qu'il ne vienne pas" signifie "il ne viendra pas et je le regrette". Ma Grammaire méthodique explique par ailleurs que l'emploi de ce mot est "toujours facultatif et indique un niveau de langue recherché".
Je veux bien avoir un niveau de langue recherché, mais le "ne explétif" ne me semble pas traduire ce que je veux exprimer ici. Le sens des deux phrases est justement que je ne crains pas d'attirer des  logiciels espions par l'utilisation de mots-clés douteux, ni de révéler mes pseudo-vérités à des amis... (C'est une de mes habituelles fanfaronnades, car il est évident qu'une diffusion à mon entourage de ce blog m'importunerait considérablement. J'y reviendrai. Quant à mes "ne explétifs", je garde ma posture téméraire, et je continue à* les ignorer.) Tant pis pour "l'usage"!

["continuer à" ou "de"? Je retiens de la Toile que les deux sont possibles, que "continuer à" est préférable, sauf pour motifs euphoniques - je m'en tiendrai à cette règle]


lundi 2 mai 2011

Humaniste et occidental...

Cette réaction unanime de joie à l'annonce de l'assassinat d'Oussama Ben Laden* me laisse une impression de doute. D'une part, certes, il était temps de l'empêcher de nuire (et il n'y a pas de quoi pavoiser que la première puissance militaire mondiale mette dix ans pour localiser un seul homme, au XXIe siècle!); d'autre part, certes, la vraie marche des choses, humaniste et occidentale, aurait été de le capturer et de le juger, ou au mieux (soyons réalistes) de se contenter d'un discours sobre. Mais nous avions tous admis que cet homme était le mal incarné, et que le supprimer changerait tout (ce qui est hélas loin d'être prouvé...) - sommes-nous tous devenus "bushistes", pour croire encore à la lutte du bien et du mal? Tout cela ressemble à une vaine vengeance.
Je mets en relation cet événement et notre intervention en Libye, où nous semblons chercher par tous les moyens à liquider Mouammar Kadhafi: avec quelle légitimité? et surtout, dans quel but? Que changera la mort d'un homme, si ses idées et son système survit? On aimerait pouvoir dire que c'est aux peuples de se libérer eux-mêmes - et peut-être finissent-ils finissent par le faire, au bout du compte, avec parfois une légère aide bienvenue (cf. mon post sur le printemps arabe, où je me réjouissais des manœuvres américaines). Mais j'ignore dans quel contexte, dans quel exemple historique, la volonté d'imposer la démocratie et la liberté par la force a jamais été un succès.


[*: je crains qu'autant de mots-clés attirent des yeux indésirables sur ce blog - tant pis... ce sera mieux que rien!]

dimanche 1 mai 2011

Cheminement

Magnifique trajet à travers la "France des villages"! Ces paysages ne sont pas à proprement parler spectaculaires, mais il faut avoir voyagé pour en apprécier la beauté sereine, la richesse. Je n'étais attendu que "pour l'apéro", et j'ai pris une journée pour traverser la moitié du pays, choisissant (grâce au GPS) les chemins les moins larges possibles, et des villages aux noms surprenants (par exemple, le bien-nommé Colombé-la-fosse). La route était le voyage. Ou, dit autrement, il s'agissait, non d'un "séjour", mais d'un vrai "voyage" - avec l'étymologie "voie", comme en turc yolculuk est formé sur "yol": la route, le chemin - et effectivement j'ai cheminé.
Et encore, j'avais un objectif! On pourrait envisager de partir à l'aventure sans aucun but pré-établi, sans guide décernant des étoiles, sans carte ni instrument, conduisant à vue, suivant l'inspiration d'un paysage, la promesse d'un panneau, d'un toponyme...
Promettons-nous de le faire un jour prochain, plutôt que de séjourner à l'autre bout de la Terre!

mercredi 27 avril 2011

De l'autre côté...

Au lieu de reconstruire des impressions sur des souvenirs, je copie quelques mots rapidement notés sur une enveloppe déchirée, dans la torpeur bienveillante de la saison des pluies:

"... de l'autre côté de l'Équateur, de l'autre côté du monde musulman... la ville de pierre...

... cette ville, ..., me faisait l'impression d'un vaste cerveau, avec ses synapses, ses liaisons inattendues de neurones... le siège de la mémoire, la siège de l'action et de la pensée, celui des besoins et des désirs... Avec aussi ses impasses fétides et repoussantes*, où nul ne souhaite s'aventurer."


[* ou "sordides et répugnantes", ou une autre combinaison?]

jeudi 14 avril 2011

La bourse ou la vie

Quel réflexe "paternel"! de penser que "tant qu'on n'a pas vendu, on n'a rien perdu". C'est absurde. Il y a aussi une logique à la liquidation, une grandeur à rompre, une générosité à mettre fin aux choses. Chaque jour en plus est une perte supplémentaire, pour un profit à long-terme plus qu'incertain - surtout dans le contexte économique actuel...
Je mélange la bourse et la vie. De quoi voulais-je parler? J'ai tout vendu... gardant ma meilleure valeur auprès de moi...*

*: parfois je crains que ce blog soit connu de mes plus proches, je me dissimule, mais au fond je ne pense pas qu'ils devraient s'en formaliser. Ils valent bien de me connaître pour de vrai. Peut-être seront-ils perturbés par mes incessantes remises en cause. Mais ils me comprendront sans doute, après coup. L'absence de doute est l'apanage des idiots, des faibles (c'est la seule certitude permise). Et s'ils l'ignorent, tant pis pour eux.

lundi 11 avril 2011

Nouveau rêve familial

C'est très fort! Un nouveau "rêve familial", quelques heures après m'en être étonné dans ce blog! L'écriture aurait-elle infusé dans le rêve? Qu'en penser?
Après une première "randonnée pyrénéenne" avec les Somelier et mon frère (?), sur un chemin étroit et cahoteux, cerné par les chiens, nous renoncions et décidions de prendre la voiture.
Puis nous empruntions une remontée mécanique, et soudain le groupe changeait, j'étais en famille (il y avait également l'amie de mon frère). Au guichet se trouvaient Petrouchka, son fils et ses parents, avec qui nous mutualisions l'achat des billets (carnet de 26 remontées). En marchant vers le télésiège, je me rendais compte que nous étions non pas en France, mais dans les Tatras slovaques. Le ciel commençait à s'éclaircir.
Soudain, un des billets s'envolait. Mon frère courait après, le ratait. Puis mon frère se dédoublait, et l'autre frère finissait par réussir à attraper le billet qui s'était posé ailleurs, un peu plus haut.

Grise mine

La grise mine... Une vieille histoire, même pas dans le champ des possibles. Pourtant, avec son léger strabisme, son petit corps agile, menacé par l'embonpoint, "on irait bien dans son domaine", comme dit le poète.

dimanche 10 avril 2011

Eaux stambouliotes

Rêvé d'un voyage en famille où nous visitions une abbaye de style autrichien, en surplomb du Danube (je suis surpris de ce nouveau thème des vacances avec parents, frère et sœur, alors que depuis plus d'un lustre nous ne sommes pas partis ensemble).
Puis nous descendions vers le fleuve, prenions un bateau. Progressivement, l'horizon sur l'autre rive se précisait, le Danube se transformait en Bosphore, et Istanbul apparaissait dans le lointain! Il était question de décider quel monument mon frère devait visiter, sachant qu'il devait partir le soir-même. Je lui recommandais Chora, cet incroyable témoignage d'une civilisation qui ignorait son prochain anéantissement, d'un homme soucieux de son salut et du salut des siens (seule raison qui donne naissance à l'art). Nous évoquions le modeste moine au milieu des fresques grandioses, commandées quand il était encore le puissant Théodore Métochitès, le Grand Logothète. Que pouvait lui importer l'insignifiante disgrâce impériale, une fois offert un tel présent à Dieu et aux siècles futurs?

Un autre débat: ai-je volontairement orienté notre bateau, dans mon rêve, vers les eaux stambouliotes (moi qui regrette de ne pas y être allé depuis longtemps)? Pouvoir diriger son rêve vers tel lieu, telle personne, serait si commode! Ce n'est peut-être qu'une question d'exercice sur soi.

mardi 5 avril 2011

En passant (3)


Ridicule!... En relisant rapidement quelques brèves, je me suis rendu compte que j'avais déjà traité de nombreuses fois, en termes similaires, le thème de la "réforme de ma vie", , , et .
C'est d'autant plus grotesque que je sais que je n'en ferai rien. Mais, soit! il faut reconnaître que je cherche toujours aussi à faire œuvre poétique avec ce blog, je ne me soucie guère de répétition*, et, par ailleurs, cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme, un puits jaillissant toujours, sans risque d'assèchement.

(Comme je suis influencé par Durrell, depuis sept ou huit posts, avec ces combinaisons de phrases qui n'en finissent pas! On se croirait revenu dans mon adolescence, où je faisais du sous-Baudelaire, du sous-Gibran, au gré des lectures et des passions du moment...)

*: "il n'est de poésie comme de vie / que répétition"

dimanche 3 avril 2011

Résurrection


Tout à fait d'accord avec Benoit XVI, sur l'importance de la résurrection comme fondement de la foi chrétienne. "Mais si le Christ n'est pas ressuscité, vide alors est notre message, vide aussi notre foi" (Saint Paul). Effectivement, si on supprime cet élément, il restera de la religion chrétienne un message intéressant sur l'homme, des maximes utiles pour la vie en société, etc. Mais si l'homme de foi n'est pas convaincu que Jésus est ressuscité, c'est-à-dire que Dieu a vaincu la mort, à quoi bon croire en Lui?
Il me semble justement que c'est sur cette ligne que se séparent les authentiques chrétiens, même parfois habités par le doute, de ceux qui ne se conforment qu'à une sorte de rite social. Non qu'il faille suivre à la lettre les préceptes de l'Eglise! Il y a une part immense de chimères auxquelles on peut prêter attention ou non, le culte des saints, les célébrations et les grotesques préceptes alimentaires, les extrapolations gratuites sur ce que des "valeurs chrétiennes" doivent être, mais la résurrection ne peut faire partie de ce "cherry picking". L'esprit plutôt que la lettre (concept qui fait la grandeur, et, probablement, assure la pérennité de l'Église) sauf sur ce point.
Encore faudrait-il savoir si j'y crois! On a déjà abordé ce sujet précédemment. Et de quel droit me mêle-je des débats de la foi?
Voici une tentative de réponse: comme je le déclarais en société dernièrement, je suis "pollué" par la religion catholique, contaminé ainsi que les terres et les eaux aux alentours de Fukushima par un événement qui m'est étranger. Parfois je crois, parfois je ne crois pas. Un athée qui doute. Un croyant qui souvent se rit de sa foi, et n'en tire pas les nécessaires conséquences. Inconsistance, absence de fermeté d'âme, immoralité.

En passant (2)


Oui, il faudrait que je réforme ma vie (dis-je, sachant fort bien que je ne le ferai pas). Je me rends compte de l'impasse où je me suis mis.

Ce n'est pas une impasse à proprement parler, plutôt une route surprenante, que je n'aurais jamais imaginée dans ma jeunesse (quand je ne me voyais que mort, à moyenne échéance).

Je me permets de juger cruellement mon être d'autrefois, comme on ferait d'une personne distante. Nul ne sait pourtant où l'avenir me conduira - et reconduirai-je ces mascarades de procès dans quelques années?

Hors de la ligne... Mais sera-ce un aboutissement, ou un commencement? Le désir appelle le désir, n'étanche pas la soif.

Sacrifier la stabilité, l'envie de reproduction (qu'ai-je de valable pourtant à transmettre?), le bonheur en somme, pour "trois vieilles chaussettes, un trésor"...

Ou alors il faudrait concevoir une vie d'une toute autre dimension, affranchie des barrières de la relation à l'autre, des jugements - mais une telle vie ne peut faire l'économie de la souffrance de l'autre, ni du besoin de tendresse, ni de la terreur universelle de la solitude.